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Aboubacar Sylla à l’Enseignement Supérieur : Défis, Atouts et limites

Le tout nouveau ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Aboubacar SYLLA, à la différence de son prédécesseur, n’est plus à présenter au grand public.

Homme politique, fondateur d’établissement d’enseignement pré-universitaire, Aboubacar SYLLA est surtout connu par son art de la parole-longtemps porte-parole de l’opposition dite républicaine-, mais aussi et surtout, par sa transhumance politique passant ainsi de l’opposition à la mouvance présidentielle. Ce qui lui valut le juteux poste de ‘’Ministre d’Etat, Ministre des Transports et Porte-Parole du gouvernement’’ en Mai 2018.

 

Cherchons donc à savoir :

-Quels sont les défis qui l’attendent à la tête du Ministère de l’Enseignement Supérieur ?

-A-t-il des atouts pour réussir ses missions ?

-Quels sont, par ailleurs, ses limites ?

Parmi les défis majeurs du sous-secteur enseignement supérieur et recherche scientifique, nous pouvons noter :

  1. La modernisation :En ce XXIe siècle-ère du numérique-les salles de classes et amphithéâtres de nos universités, surtout celles publiques, ne sont plus adéquates par manque de commodité. Parfois, on a l’impression d’être dans des sites abandonnés, des camps de concentration ou des fours crématoires. Tout est à refaire, ou presque, à commencer par les tables-bancs et les tableaux à craies.
  1. La formation et l’amélioration des conditions de vie et de travail des formateurs :Nous sommes un des rares pays où avoir le doctorat ou le professorat suscite un tollé national ou international. Et, également, un des très rares pays où un titulaire d’une Licence peut être professeur titulaire parce qu’il est simplement inscrit à un programme de Master. Pis, les ‘’enseignants-chercheurs’’ qui n’ont de postes de responsabilité tirent le diable par la queue. Ils sont contraints de faire la navette entre toutes les universités pour bâcler des cours afin de pouvoir se tirer d’affaires ou, au moins, rembourser quelques-unes de leurs dettes à la fin du mois.
  1. La révision et l’adaptation des curricula :L’une des principales causes du chômage ahurissant des jeunes diplômés en Guinée est cette inadéquation entre formation et emploi. Mais aussi et surtout, l’incapacité des institutions d’enseignement supérieur à inculquer l’esprit de créativité, de leadership et d’entreprenariat aux étudiants.
  1. La promotion de la recherche scientifique : Nos universités ressemblent beaucoup plus à de grands lycées qu’à de véritables établissements d’enseignement supérieur et de recherche scientifique. Les cours sont généralement caducs, non adaptés aux nouvelles données scientifiques ; les enseignants ne font presque pas de la recherche, ils se contentent d’anciennes brochures et de quelques données brutes tirées des moteurs de recherche sur l’internet. Pis encore, le profil de « chercheur » n’existe presque pas et la ligne budgétaire allouée à la recherche scientifique est extrêmement infime.

Parlant des atouts du Ministre Aboubacar SYLLA, force est de reconnaître qu’il a une expérience non moins négligeable au sein de l’administration guinéenne comme nous pouvons le constater dans cette bibliographie succincte tirée de Wikipédia :

De 1981 en 1986, il est chef de division des matériaux de construction au ministère de l’Industrie et cumulativement directeur du projet de la cimenterie de Souguéta.

Entre 1986 à 1988, il est conseiller technique du ministre des ressources humaines, de l’industrie et desPME.

De 1988 à 1990, il est secrétaire général du ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat.

De 1990 à 1991, il est secrétaire général du ministère de l’Information, de la Culture et du Tourisme, puis celle du ministère de la Communication entre 1991 à 1992. De 1996 à 1999, conseiller économique duPremier ministre.

Entre mai et décembre 2006, il devientMinistre de l’Information, puisMinistre de la Communication, porte-parole dugouvernemententre février et décembre 2010.

Aboubacar Sylla a également occupé d’autres responsabilités entre 1987 à 1990, notamment président du conseil d’administration de plusieurs sociétés à savoir : la SOMIAG (Société de Minage et d’Agrégats de Guinée) entre 1987 à 1989, la SALGUIDIA (Société arabe libyo-guinéenne pour le développement industriel et agricole) entre 1988 à 1990 et l’UGAR (Union guinéenne d’assurance et de réassurance) entre 1989 à 1995.

Il estMinistre d’ÉtatMinistre des Transportsdepuis le 26 mai 2018 dans legouvernementde docteurIbrahima Kassory Fofana.

Sans oublier que le nouveau Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique est fondateur d’une école pré-universitaire. Il est donc sensé être imprégné des réalités du monde scolaire, notamment des innombrables problèmes de l’école guinéenne.

Le nouveau locataire de l’immeuble KPC qui abrite, en partie, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de Recherche Scientifique, a par ailleurs quelques limites qui pourraient être de véritables menaces dans l’accomplissement de ses missions.

 

Notons entre autres :

  1. Il n’est pas du monde universitaire: être fondateur d’école ou observateur est une chose, connaître la gravité des maux dont souffrent réellement le monde universitaire en est une autre. Contrairement à son prédécesseur, Dr Aboubacar Oumar BANGOURA, qui était un scientifique de classe mondiale ; le nouveau ministre, Aboubacar SYLLA était loin du monde universitaire.
  1. Aboubacar SYLLA est un politique: il pourrait considérer sa venue à la tête de l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique comme une véritable aubaine. Il risquerait de passer l’essentiel de son temps à s’offrir des bains de foule dans les campus universitaires et/ou de tenir des discours persuasifs pour amener les étudiants et les enseignants-chercheurs à éviter toute débrayage dans les campus afin de permettre au Président de la République de «gouverner autrement».

Par ailleurs, tous les actes qu’il posera seront minutieusement scrutés par les ‘’informateurs’’ du président de la République pour éviter qu’il n’attise le feu qui commence déjà à prendre forme dans les universités à travers les multiples revendications à la fois des étudiants, du syndicat et autres frustrés.

Aboubacar Mandela CAMARA

Sociologue/Consultant en éducation/Auteur