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Assemblée nationale version « nouvelle constitution » : Damaro, un dur à cuire au perchoir

Personnage respecté et craint tout à la fois, énigmatique sécurocrate sous le régime du président Lansana Conté, puis cacique du Rpg Arc- en-ciel, l’influent parmi les plus en vue du régime Alpha Condé est désormais le dauphin constitutionnel. Voici le nouveau Amadou Damaro Camara.

Personnalité controversée, «ethno» et «agressif» pour les uns, «combatif», «sincère» et «homme de conviction» pour les autres, Amadou Damaro Camara dont l’ombre planait sur la tête de Claude Kory Kondiano est désormais  président de l’Assemblée nationale.

Partant, il devient la deuxième personnalité du pays, après Alpha Condé. Le chef du groupe parlementaire Rpg Arc-en-ciel a été élu président de la nouvelle Assemblée nationale, mardi 21 avril 2020. Amadou Damaro Camara a obtenu 98 voix contre 6 pour son challenger Mohamed Lamine Kaba du parti Fidel. Sans surprise, il a remporté le vote. C’était déjà négocié par le parti au  pouvoir qui détient la majorité absolue dans ce parlement  taillé sur mesure à l’issue du scrutin controversé du 22 mars 2020, avec 79 sièges sur 114 au parlement.

A peine élu, le nouveau Amadou Damaro Camara promet d’ «user de tous ses moyens» pour instaurer un dialogue avec les opposants. «Il est regrettable que certains de nos concitoyens aient choisi la violence pour exprimer leur désaccord et se sont livrés à des actions qu’il convient de condamner avec fermeté et de bannir à jamais. Celles-ci ont entraîné des pertes en vies humaines, des destructions de biens publics et privés, autant de dégâts dont nul ne peut justifier», déclare-t-il, faisant allusion au Fndc, le fameux Front national pour la défense de la constitution de 2010, qui ne reconnait pas la nouvelle Assemblée nationale. Sur le plan national,

Dansa Kourouma, leader du Cnoscg, une organisation de la Société civile, soutient que le nouveau président du Parlement a «des grandes capacités et  fait très bien son rôle politique (…) Il affirme ses opinions avec assez  d’aisance, mais aussi, il a de la conviction politique”.

Toutefois, relativise Kourouma, «dans un autre contexte, avec en face un honorable Damaro, président de l’Assemblée nationale, un Sidya Touré, un Cellou Dalein Diallo, un Dr Faya Millimouno, tous députés, le débat allait être encore plus intéressant parce que sur le plan des rapports de force, Damaro surplombe carrément ceux qui sont aujourd’hui à l’Assemblée nationale».

Pour le président du parti Génération citoyenne (Geci) et membre du groupe parlementaire Alliance Patriotique, le président Damaro Camara sera à la hauteur de son nouveau rôle. «Lorsqu’on est à un certain niveau de responsabilité, on ne doit pas avoir un discours d’un simple militant à la base. On ne doit pas non plus essayer de s’adresser à sa base. On s’adresse aux Guinéens tout simplement. Et je crois que le rôle de tout politique, au-delà des convictions, c’est de savoir que nous sommes là à nous battre pour un idéal. Et cet idéal répond à des critères, répond à des obligations. Lorsqu’on est chef, on ne parle pas comme un chiffonnier», admet Fodé M. Soumah

Vue du Fndc, cette cérémonie qui a consisté plutôt à l’installation d’un nouveau bureau politique du Rpg Arc-en-ciel, en lieu et place d’une Assemblée nationale légitime et représentative. Le Fndc en veut pour preuve le boycott diplomatique qu’essuient Damaro et Cie. Dans les faits, aussi bien les ambassadeurs que les représentants des organisations inter- nationales accréditées en Guinée, tout le gotha occidental a boudé l’événement.

En guise de protestation à la mise en place du bureau de la nouvelle Assemblée nationale, le Front a appelé à une journée ville morte, mardi jour de l’événement. «Il est hors de question de reconnaître ce groupe d’usurpateurs ainsi que la prétendue Constitution issus du coup d’État perpétré le 22 mars par Alpha Condé », clame le Fndc dans un communiqué.

En conséquence,  le front prévient qu’il «poursuivra sa lutte jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel et à la restitution au peuple de son droit de choisir librement ses représentants».

Damaro le dur…

Le président de l’Udd, le banquier Bah Oury, n’est pas étonné de voir Damaro au perchoir. «Je pense que c’est la même dynamique qui est en train de se poursuivre. Il y a un groupe de personnes autour du président de la République qui l’ont amené à changer la Constitution et à organiser des élections très bancales. Ces personnes sont en train maintenant de se positionner pour la succession, croyant par ce biais-là être en meilleure posture pour conquérir le pouvoir au sommet de l’Etat. C’est le cas de M. Damaro qui, au-delà de ses positions actuelles est une personnalité très clivant,  très agressive et qui a une très forte impulsion vers le sens de la confrontation. De ce point de vue, j’estime que les autorités actuelles s’ache- minent en toute logique dans l’affrontement et dans une dynamique de situation de fait, en se disant que pour le pouvoir, ils sont prêts à tout. Mais qui sème le vent récoltera la tempête », prévient l’opposant Bah.

Faisant l’objet d’une plainte du Fndc pour son implication supposée dans les violences électorales survenues à Nzérékoré en mars dernier, le président de la nouvelle Assemblée nationale est connu pour ses propos outranciers. « Le Konia n’a pas peur de la guerre», disait-il le 23 janvier 2020 en marge d’une réunion de chauffeurs de magbana, bus de transport urbain, après la supposée incendie de véhicules à la Casse de Matam. Damaro Camara n’a pas hésité un seul instant à inviter les présumés victimes à constituer des brigades d’autodéfense.

«Les deux cas de coronavirus ne vont pas empêcher la Guinée d’aller aux élections. Ce n’est pas parce qu’il y aura des élections le dimanche (22 mars 2020, Ndlr) que le coronavirus va se fâcher», avait avait-il lancé en mars, en guise de réponse à ceux qui dénonçaient la tenue du double scrutin dans une situation de crise sanitaire.

En avril 2019, les magistrats guinéens ont porté plainte contre Damaro Camara au Tpi de Kaloum suite à une sortie médiatique dans laquelle le député avait qualifié certains juges de corrompus.

Président d’un parlement installé dans une situation de crise sans précédent avec son lot de morts, de pillages et de dégâts collatéraux, et dauphin de fait d’un chef d’Etat isolé du reste du monde et devenu infréquentable, Amadou D. Camara peut saisir l’occasion qui s’offre à lui pour revêtir de nouveaux habits moins répugnants et tenir de discours rassembleurs.

 

Par Abdoul Malick DIALLO, du journal le Populaire