Le président du Conseil, Giuseppe Conte, met toute l’Italie sous cloche au moins jusqu’au 3 avril. Quelque 60 millions d’Italiens sont priés de rester chez eux à compter de ce mardi 10 mars. Un décret sans précédent dans le monde, afin de lutter contre le coronavirus dont la progression, proche de la pandémie selon l’OMS, a déjà tué plus de 4 000 personnes.
Jamais au mois de mars on a vu les rues aussi désertées. Et pourtant la Ville éternelle est baignée d’un grand soleil. Dans les bars du centre historique où les petits commerçants et les artisans ont l’habitude de refaire le tour du monde autour du comptoir dès 7 h, c’est la désolation.
« Tutti a casa », « Tous à la maison ». Lorsque Giuseppe Conte, le président du Conseil a annoncé le confinement de l’Italie tout entière, beaucoup d’Italiens ont eu du mal à y croire.
Lundi soir, le gouvernement italien a décidé d’étendre à tout le pays les mesures drastiques qui confinaient depuis dimanche un quart de la population dans le nord de la péninsule. « Il n’y a plus de temps à perdre, a déclaré Giuseppe Conte. C’est pourquoi j’ai décidé d’adopter des mesures encore plus fortes, pour réussir à freiner l’avancée du coronavirus. »
Le Calcio suspendu
Tous les Italiens devront « éviter les déplacements » sauf pour aller travailler ou pour des soins médicaux. Pour se déplacer, il faut une autorisation spéciale ou un certificat médical, et qui enfreint ces règles peut encourir de la prison. Selon le texte du nouveau décret gouvernemental, les contrevenants risquent une amende de 206 euros et une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de réclusion.
Les transports publics sont néanmoins maintenus, même s’ils sont déserts depuis quelques jours. « Il n’y aura plus de zone rouge, il y aura une Italie protégée », a insisté le chef du gouvernement italien. Les rassemblements « dehors ou dans des lieux ouverts au public » seront interdits. Les bars et restaurants du pays fermeront ce soir à 18 heures.
Plus marquant pour les Italiens : le président du Conseil a également décidé de suspendre toutes les manifestations sportives dont le championnat de football. Le Calcio, le championnat de foot est suspendu ; la dernière fois, c’était durant la Seconde Guerre mondiale. « Je suis désolé mais tous les tifosi doivent en prendre acte », a demandé Giuseppe Conte.
La série A vit un destin incertain. Le championnat italien pourrait même se conclure définitivement bien avant la date prévue et sans aucun vainqueur final, commente notre correspondant à Rome, Matteo Cioffi.
Par ailleurs, le décret prévoit que les clubs italiens puissent disputer les rencontres internationales, mais seulement à condition de les jouer à huis clos. Exemple ce mardi soir avec l’Atalanta de Bergame, qui disputera son huitième de finale retour contre Valence en Espagne, dans un stade, le Mestalla, complètement vide.
Supermarchés pris d’assaut
L’Italie, pays membre du G7, devient ainsi le premier pays de la planète à généraliser des mesures aussi draconiennes pour tenter d’enrayer la progression du coronavirus, qui a déjà fait 463 morts et plus de 9 000 cas dans la péninsule. Dès lundi soir, à Rome ou Naples, des supermarchés ont été pris d’assaut par des Italiens apeurés par les conséquences de ce nouveau décret.
Tous se réapprovisionnent en pâtes, sucre, café, conserves, pommes de terre, papier toilette, produits d’hygiène et d’entretien. Les gérants des magasins ont fixé des bandes adhésives rouges au sol pour que les clients respectent bien la distance de sécurité imposée d’un mètre.
#ItaliazonaRossa, « Italie zone rouge » est devenu en quelques minutes le hashtag le plus populaire dans la péninsule. Une péninsule qui ressemble plus ce matin à une île, coupée du monde.
Éviter « l’infarctus économique »
« Les mesures restrictives, qui ont été prises concernant des territoires d’une grande importance pour l’économie italienne, auront des conséquences sur les activités économiques liées aux transports, au divertissement et à la vie sociale, reconnaissait ce lundi le ministère italien de l’Économie dans un communiqué, repris par l’Agence France-presse. Il faut souligner cependant que les activités de production et l’administration publique continueront à fonctionner normalement. »
L’Italie maintient ses échanges avec le reste du monde. « Le secteur manufacturier ne peut pas se permettre le télétravail et dans des secteurs essentiels, comme l’alimentation et la pharmacie, les conséquences du blocus du pays auraient été dramatiques, un « infarctus économique » », selon un banquier cité ce lundi par le Corriere della Sera, principal tirage de la péninsule.
Pour éviter ce scénario catastrophe, « le gouvernement prépare des mesures de soutien en faveur des travailleurs et des entreprises sur tout le territoire national et, en particulier, dans les secteurs et les territoires les plus touchés, précise le ministère de l’Économie. Les mesures de politique économique qui sont en phase de définition seront donc vigoureuses mais proportionnelles aux exigences et limitées dans le temps ».
Avec Rfi