Le bilan du nouveau coronavirus a dépassé vendredi le sinistre seuil des 100.000 morts dans un monde qui entame le week-end pascal cloîtré, et tente de circonscrire une pandémie toujours susceptible de « résurgence mortelle » en cas de déconfinement précipité.
Choisir le moment opportun pour rouvrir l’économie sera « de loin la plus grande décision de ma vie », a reconnu le président américain Donald Trump dont le pays abrite le plus grand nombre de cas du nouveau coronavirus.
Comme tous les dirigeants du monde, il doit prendre garde à ne pas lever les mesures de confinement trop tôt, au risque de voir une nouvelle flambée de l’épidémie, ni trop tard ce qui pourrait alourdir une facture économique qui s’annonce déjà très douloureuse.
En attendant, des centaines de millions de chrétiens, reclus chez eux, ont entamé les célébrations d’un week-end de Pâques inédit et sans fidèles, en particulier sur l’immense place Saint-Pierre de Rome, d’ordinaire noire de monde.
Pour la fête la plus importante de la tradition chrétienne, c’est sur écran que les fidèles suivront les messes d’un pape François lui-même confiné.
« Seigneur, ne nous laisse pas dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, protège nous du bouclier de ton pouvoir », a murmuré le pape, lors du traditionnel rite du « Chemin de Croix » retransmis en Mondovision depuis une place Saint-Pierre vide vendredi soir.
A Jérusalem, pour la première fois en plus d’un siècle, le Saint-Sépulcre sera également fermé au public durant tout le week-end pascal. Une simple messe à huis clos y a été célébrée pour le vendredi saint, qui commémore la crucifixion du Christ.
– « Pâle rayon de soleil » –
Poursuivant sa marche macabre à un rythme effarant, la pandémie a franchi un nouveau cap symbolique vendredi, celui des 100.000 morts, un doublement en huit jours. L’Italie reste le pays le plus meurtri avec près de 19.000 décès, suivi par les Etats-Unis (plus de 18.000), l’Espagne (près de 16.000) et la France, qui a franchi la barre des 13.000 victimes.
Les bilans se sont particulièrement alourdis aux Etats-Unis avec près de 2.000 nouveaux morts en 24 heures, ainsi qu’en France et en Grande Bretagne, où un millier de personnes ont succombé en une journée, dont un enfant de six ans mort en région parisienne.
Toujours hospitalisé, le Premier ministre Boris Johnson n’est plus en soins intensifs mais « doit se reposer », selon son père.
Le Brésil a dépassé les 1.000 morts vendredi.
La timide tendance à la baisse de la tension hospitalière dans plusieurs pays montre toutefois que le confinement commence à porter ses fruits. Et l’Espagne a annoncé vendredi son plus bas nombre de morts quotidiens depuis le 24 mars, avec 605 décès.
Pas question pour autant de baisser la garde. Le gouvernement britannique a exhorté au respect du confinement malgré le week-end pascal qui promet d’être ensoleillé.
Le confinement a été prolongé en Irlande comme en Italie jusqu’à début mai. Et la Turquie, qui déplore aussi un millier de morts, a décidé de confiner 31 villes pendant tout le week-end.
– Gérer le « reflux » –
Alors que certains pays européens se préparent à la sortie du confinement, dans le sillage de la Chine, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné qu’une levée trop rapide des restrictions « pourrait entraîner une résurgence mortelle » de la pandémie.
Des experts mettent également en garde. « Le pire scénario serait une sorte de fête de la victoire avec tout le monde dans la rue, en train de s’embrasser et de se congratuler », prévient David Lalloo, directeur de l’École de médecine tropicale de Liverpool.
Pour minorer les risques de l’après-confinement, le gouvernement allemand s’apprête à lancer une application mobile, inspirée de Singapour, pour faciliter le suivi individuel des cas et l’identification des chaînes de contamination, alors que l’exploitation des données issues des smartphones suscite un vif débat.
Sur le même thème, Apple et Google ont annoncé vendredi un partenariat pour permettre le suivi numérique des individus ayant été à proximité des personnes infectées « dans le but d’aider les gouvernements et les agences de santé à réduire la propagation du virus », mais « en intégrant la confidentialité et la sécurité des utilisateurs au coeur de la conception ».
– Or noir –
Sur le front économique, alors que le monde s’apprête à vivre la pire crise depuis « la Grande Dépression » selon le FMI, les ministres de l’économie de pays du G20 discutaient pour tenter de s’entendre sur les moyens pour contrer la chute des cours du pétrole.
Dans ce cadre, les Etats-Unis ont passé un accord avec le Mexique pour les aider à diminuer leur production et Donald Trump s’est entretenu par téléphone avec son homologue russe Vladimir Poutine.
En Europe, les 27 sont parvenus jeudi à trouver un accord à l’arraché prévoyant 500 milliards d’euros immédiatement disponibles et un fonds de relance à venir d’un montant équivalent. Un sommet européen se réunira le 23 avril pour « jeter les bases d’une reprise économique musclée ».
Le Fonds monétaire international a donné son feu vert vendredi à un prêt d’urgence de 745 millions de dollars à la Tunisie, alors que l’ensemble du continent africain risque de connaître une grave crise alimentaire.
– Quatre mètres –
En RDC, aussi touchée par le virus, la résurgence de la fièvre Ebola, avec un nouveau cas détecté à Beni (est), à trois jours de la proclamation officielle prévue de la fin de l’épidémie suscite l’inquiétude.
Le drame pourrait également empirer au Yémen. En guerre depuis cinq ans, et théâtre de l’une des pires crises humanitaires, le pays a annoncé vendredi un premier cas de contamination de nouveau coronavirus.
Autre nouvelle médicale effrayante: le virus pourrait voyager jusqu’à quatre mètres d’un malade, selon une étude réalisée dans la province chinoise du Wuhan, berceau de la pandémie, et publiée vendredi par les Centres américains de prévention et de contrôle des maladies (CDC). Celle-ci ne précise pas toutefois si la quantité éjectée est suffisante pour infecter un tiers.
Alors que les hommes sont confinés, les animaux eux continuent d’en profiter. Après les dauphins dans les canaux de Venise ou les canards dans les rues de Paris, des rorquals ont fait leur réapparition au large de Marseille, le long des côtes françaises de la Méditerranée.
Pour l’astronaute américaine Jessica Meir, qui retrouvera la semaine prochaine une Terre bouleversée après sept mois à bord de la Station spatiale internationale (ISS), « c’est assez surréaliste de voir ce qu’il se passe sur la planète en dessous de nous ». « J’ai peur de me sentir plus isolée sur Terre qu’ici »…
Avec AFP