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Covid-19 : Evaluer l’impact de la baisse de prix du carburant sur le quotidien des transporteurs

Depuis le 31 mars, le carburant est passé de 10.000 GNF à 9 000 GNF, soit 10% de baisse. En temps normal, cette baisse aurait pu être  considérée comme importante, mais elle est insignifiante face au défi du moment.

Si l’objectif est d’inciter les transporteurs à respecter strictement les mesures barrières dans le transport en commun, tout en continuant leurs activités, la baisse aurait dû être substantielle afin de permettre de compenser l’abyssal  manque à gagner provoqué par l’application des mesures barrières. Mais une baisse de 1000 fg est vraisemblablement loin de produire l’effet escompté.

D’abord, l’Etat ordonne la limitation du nombre des passagers à 3 pour un taxi de 6 places (50 %) et à 10 pour un minibus de 18 places habituellement. L’application de ces mesures au transport en commun dans la ville de Conakry représenterait un manque à gagner estimé à 320,000 GNF pour un minibus, soit  10,000 GNF par personne en aller-retour du  Km 36 à Madina, multiplié par 8  personnes en moyenne, sur  4 voyages dans la journée. Sans compter les 5 personnes en surcharge  généralement embarquées aux heures de pointe. Elle représenterait 180,000 GNF pour un taxi de 6 places, soit 20,000 GNF par personne en aller-retour entre km 36- point d’embarquement- et Madina, point de débarquement. Ceci est à multiplier par 3 personnes en moyenne, sur 3 voyages par jour.

En plus, ce secteur verra automatiquement ses  chiffres d’affaires diminuer considérablement, en raison du changement comportemental des usagers  (car le déplacement ne s’effectuera  que quand c’est indispensable, ni pour une simple promenade  ou un plaisir encore moins pour une visite familiale.).
Il est donc probable que les transporteurs continueront à circonvenir  ces mesures, au risque d’une contamination de masses.

Face à cette situation, plusieurs hypothèses sont envisageables :

  1. Le recours à la force brute, en faisant appel à l’armée, la police et la gendarmerie pour faire respecter les règles, ce qui aura pour conséquences l’arrêt quasi-total du transport en commun et la paralysie significative  des activités économiques du pays (faut-il rappeler que ces mesures concernent l’ensemble du territoire national). La force brute n’est donc pas une solution ;
  2. Le laisser faire  serait en revanche une stratégie de quasi-renoncement, en attendant l’arrivée d’un sauveur humain (solidarité internationale) ou divin (ce que Dieu voudra). C’est malheureusement ce qui semble être la seule stratégie de l’Etat pour le moment ;
  3. Adopter des mesures d’accompagnement appropriées  pour tous (l’Etat et la population). Il s’agira de faire une baisse temporelle et doublement sélective (du type de transport et de la zone géographique bénéficiaire) et évolutive au gré de l’évolution du foyer de l’épidémie. A cet effet, il serait pratique d’envisager  une baisse de 40 à 50 % pour les transports en commun roulant dans la ville de Conakry, et  de déployer  les forces de l’ordre dans la rue, avec un coup de main de  l’armée, pour faire respecter les règles ; et
  4. Le confinement général de longue durée  (14 jours renouvelables autant de fois que nécessaires). En cas d’échec de l’hypothèse 3, il ne restera qu’un confinement total de la population d’une ville de plus de 3 millions d’habitants qui vivent de jour au jour pour la majorité. Ça serait insupportable.

Par ailleurs, même en cas de confinement, on ne pourrait pas fermer les marchés de l’alimentation, essentiels à la survie de la population, ce qui veut dire que les gens continueront à utiliser les transports en commun pour aller au marché.

En fin, le Covid-19 évolue à la vitesse de la lumière (8 nouveaux cas confirmés soit 30 au total), et le gouvernement guinéen manque de réactivité, c’est inquiétant.

Sidiki CAMARA
Doctorant en Droit public économique (CERAPS, Université de Lille)