Sur les douze premiers pays d’origine des migrants en quête du statut de réfugié dans l’Hexagone l’année dernière, sept sont africains.
En France, quatre demandeurs d’asile sur dix (41 %) sont Africains. Au cours de l’année 2018, la France a enregistré 50 000 requérants en provenance d’Afrique, ce qui fait de cette partie du monde le premier continent d’origine des migrants en quête du statut de réfugié. Pour Sophie Pegliasco, directrice de cabinet de la direction de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ce changement s’inscrit dans un mouvement général. « Depuis un an et demi, voire deux ans, la demande en provenance du continent africain augmente progressivement, observe-t-elle. Il ne s’agit pas d’un bond dans son ensemble, même si l’on constate que certains pays sont beaucoup plus représentés qu’avant. »
Les chiffres en hausse de ce continent suivent ceux de la demande d’asile, en augmentation pour la quatrième année consécutive. En 2018, 122 743 personnes ont rempli un dossier, un nombre en hausse de 21,8 % par rapport à 2017, selon des données non exhaustives publiées par l’Office, qui seront consolidées au cours du premier semestre 2019.
La Guinée, premier pays africain concerné
Au sein de cette tendance globalement haussière, sept des douze premiers pays d’origine sont africains. En tête du continent, la Guinée qui figure désormais à la quatrième place, derrière l’Afghanistan, l’Albanie et la Géorgie. En 2018, 6 621 jeunes Guinéens ont recherché la protection de la France, contre 3 952 en 2017, soit une augmentation de 61 % en un an. Les Guinéens représentent d’ailleurs, à eux seuls, plus de 5 % de l’ensemble des demandeurs d’asile sur l’année.
Vient ensuite la Côte d’Ivoire, cinquième pays du classement et deuxième pays africain le plus représenté avec 5 256 demandes. Lui aussi connaît une augmentation importante (de 45 %) par rapport à 2017. « Pour ces pays, les demandes reposent dorénavant moins sur des motifs politiques que sociétaux ou familiaux », rappelle Sophie Pegliasco, qui liste volontiers « mariage forcé, risque d’excision, orientation sexuelle, conflits fonciers et enjeux autour de l’héritage » comme motifs invoqués. Cette demande sociétale est devenue un vrai phénomène au fil de ces dernières années.
Pour les demandes maliennes et nigérianes, qui viennent compléter la liste des pays d’Afrique de l’Ouest, les situations politiques et sécuritaires sont cette fois le motif de la requête. Même si le contenu des dossiers diffère, ces quatre pays africains les plus demandeurs illustrent combien l’Afrique de l’Ouest est devenue l’épicentre de la demande de ce continent, voire même de la demande globale en France.
Vient ensuite le Soudan, un peu plus loin dans le classement (4 475 demandes). Après avoir été longtemps en tête du palmarès des pays les plus demandeurs du continent, l’Etat tenu d’une main de fer par Omar Al-Bachir connaît pour la deuxième année consécutive une baisse du nombre de ses ressortissants demandeurs d’asile dans l’Hexagone. Alors même que la situation sur place ne s’améliore pas, et que les manifestations s’enchaînent dans de nombreuses villes, Sophie Pegliasco estime que « les Soudanais visent certainement d’autres pays d’accueil, sûrement à cause de la situation à Calais et de la situation en France ».
Un taux de protection stable
Du temps de la « jungle » de Calais, en effet, ils étaient la nationalité majoritaire à attendre dans la ville portuaire de trouver un moyen de rejoindre la Grande-Bretagne. Lorsqu’ils renonçaient souvent après de multiples tentatives infructueuses, beaucoup finissaient généralement par choisir de rester en France. Depuis octobre 2016, et la destruction du campement, la chasse permanente aux migrants menée par les forces de police les a sans doute incités à trouver d’autres chemins pour rallier le Royaume-Uni. Et, par conséquent, à moins rechercher la protection de Paris.
Les données de l’Ofpra montrent aussi que le nombre de demandeurs d’asile originaires de la République démocratique du Congo (RDC), à la huitième place de ce classement, augmente, lui, légèrement, mais reste sous la barre des 4 000 personnes en 2018, comme en 2017, et que l’Algérie reste le seul pays du Maghreb, à la onzième place.
Si le nombre de demandeurs a considérablement augmenté en 2018, le taux de protection offert par l’Ofpra est, lui, resté stable (27 %), de même que celui de protection après recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), autour de 36 %. L’Office publiera au cours du premier semestre 2019 des chiffres consolidés de protection par pays, ce qui permettra de voir plus en détail le traitement réservé aux motifs sociétaux et familiaux, toujours plus invoqués par les demandeurs d’asile africains.
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