Depuis quelques jours, la presse fait écho d’un détournement de 200 milliards de nos francs des caisses de l’État. À l’index de cette affaire dénommée par nos confrères « Nabayagate », la ministre de l’enseignement technique et professionnel, Mme Zenab Nabaya Dramé.
Une attitude incohérente et contre-productive
Au lieu d’étayer la lanterne du peuple de Guinée sur les tenants et aboutissants de cette rocambolesque affaire, le gouvernement, dans une mise en scène pathétique et révoltante a tenté de défendre l’indéfendable par une prise de position raide, impulsive et inconséquente. En adoptant de manière décousue, une attitude réactionnaire pour contredire les médias qui ont mis la puce de cette malversation à l’oreille de l’opinion nationale et internationale, le gouvernement se disqualifie. Un gouvernement responsable et intègre sous d’autres cieux aurait saisi l’occasion pour prendre acte de ces accusations osées et assez graves enfin d’engager une enquête sérieuse pour en savoir davantage, découvrir ce qu’il s’est réellement passé et, in fine, en informer le public. Au lieu de cela, non! Le gouvernement préfère afficher un semblant de solidarité inopportune qui sème le doute et alimente la suspicion dans l’opinion publique autour de cette affaire. Du coup, cette attitude malencontreuse du gouvernement en l’occurrence du premier Kassory Fofana, va visiblement à l’encontre du fameux slogan providentiel « Gouverner autrement » du président Alpha Condé qui commençait à faire écho dans la cité. Une nouvelle volonté politique visant à imprimer une autre orientation dans la gouvernance du pays.
Une attitude contraire à l’esprit et à la lettre du nouveau slogan présidentiel
Au-delà de cette sortie, il faut noter la trame narrative qui connote la menace sur fond de poursuites judiciaires à l’encontre des médias qui ont osé jeter « l’anathème » sur un membre du gouvernement qui, dans leur entendement est exempt du droit d’imputabilité quand il s’agit d’un détournement présumé de deniers publics. Dans cette affaire, la presse n’a joué que son rôle de chiens de garde du gouvernement qui consiste à surveiller et dénicher tout ce qui est d’intérêt public et de le porter à la connaissance des Guinéens afin de leur permettre d’éclairer leurs opinions sur des sujets brulants de la nation. Pour cela, la presse n’a pas à être traitée d’ennemie de la nation, au contraire, elle devrait être considérée comme un partenaire du gouvernement dans la lutte contre la corruption et l’injustice sous toutes ses formes en vue de donner enfin une chance à la Guinée de se développer. Le président Alpha Condé, après avoir été reconduit à la magistrature suprême, a désormais les coudées franches d’exécuter ce qu’il a toujours martelé en terme d’assainissement des finances publiques. Les craintes d’une réélection sont désormais écartées vu que la dernière élection présidentielle a consacré un sixtennat pour le professeur Alpha Condé. C’est l’occasion pour lui de changer la donne quant aux reproches qui lui sont faits par les Guinées sur l’impunité et le laxisme afin de donner un sens à son slogan « Gouverner autrement ».
Une stratégie de communication qui laisse à désirer
Pour le gouvernement, la stratégie de communication relative à ce présumé détournement de fonds aura été un échec sur toute la ligne, car elle n’a pas été faite sur la base d’une transparence souhaitée et d’un engagement de sa part à mener des enquêtes pour connaitre la vérité. En procédant par un simple communiqué de presse, d’ailleurs très discutable, et d’une sortie théâtrale à « l’unissons » et pour le moins assez grotesque, pour condamner la presse de diffamation sans aucun élément de preuve. Par cette attitude, les membres du gouvernement s’autoflagellent en donnant un bon argument au président de la République de les mettre à pieds et de démontrer aux citoyens guinéens et à la face du monde que son slogan « gouverner autrement » n’est pas de vains mots.
Un arbitrage du président ou son intervention s’impose
Cette affaire, le « nabayagate » constitue un exemple de scandale qui interpelle le président Alpha Condé à l’orée de son dernier mandat présidentiel. Il devra lier le discours à l’acte en agissant pour son honneur et l’intérêt de son pays. L’heure n’est plus de crier sur tous les toits que l’impunité et les détournements sont finis, c’est l’action qui sied au commandant en chef. Comme l’a dit l’écrivain nigérian, Wolé Soyinka « Le tigre ne proclame pas sa tigritude, le tigre saute sur la proie ». En tout cas, à en croire certaines indiscrétions, le président Alpha Condé attendrait son investiture prévue le 15 décembre prochain avant de passer l’aspirateur dans son écurie politique et celle de l’administration du pays.
Les médias sont dans leur rôle
Ce n’est pas en trimbalant les journalistes devant les tribunaux que ces derniers lâcheront prise dans le cadre de leur travail reconnu et enchâssé dans la constitution : la liberté de presse. Désormais, il appartient au gouvernement de faire preuve de responsabilité et de transparence pour convoquer une conférence de presse et démontrer hors de tout doute raisonnable l’innocence de la ministre accusée. Autrement, c’est encore la mise en branle d’une vielle tactique judiciaire qui consiste à forcer les journalistes à révéler leurs sources pour ensuite s’en prendre aux lanceurs d’alertes qui, en réalité ne sont que des patriotes au service des citoyens et de la nation.
Pour l’heure, la synergie entre Guineenews et Guinée7.com avec d’autres médias sur le fond de cette affaire montre à suffisance que la préoccupation essentielle des Guinéens reste le combat sans merci contre l’injustice et des bandits à col blanc qui se servent sans crainte des deniers publics comme un bien privé.
Si « gouverner autrement » voudrait dire fermer les yeux sur une affaire aussi scabreuse que celle-là, le gouvernement vient de scier la branche politique sur laquelle il est assis. Réfléchissez-y !
Fodeba Dioubaté, enseignant-journaliste au Canada