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Guinée : la dictature de la médiocrité ou le prix de la division ?

Si la mauvaise gouvernance avec ses corollaires de souffrance, d’injustice, de misère, de pauvreté n’a pas réussi à unir les guinéens pour combattre leurs bourreaux, qu’est-ce qui pourrait ? Surtout, dans un environnement ou l’ethnie est devenue le fondement du pouvoir politique et l’unité de mesure de la compétence.

Si les peuples maliens ou sénégalais peuvent se lever et faire trembler et même chasser leurs dirigeants ou les obliger à changer, c’est parce qu’arriver un moment, eux, ils peuvent se défaire du nombrilisme ethnique pour mettre en avant leurs intérêts communs. Eux, ils ont été bien servis par les premiers dirigeants de leurs pays qui ne les ont pas trop divisés et qui ne les ont pas enfermés dans des enclos communautaires où chaque groupe regarde l’autre comme ennemi à abattre ou étranger à chasser.

C’est en Guinée et dans le même pays qu’on peut voir des guinéens considérés d’autres guinéens comme étrangers. C’est en Guinée où les mêmes crimes commis par l’État sur ses propres citoyens et qui sont pleurés par certains, peuvent être applaudis par d’autres. C’est en Guinée où le même personnage politique peut être bourreau et héros en fonction de la communauté dont il est issu.

En Guinée, tous les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance n’ont fait que diviser et endeuillés les guinéens. La Guinée a connu trop de morts pour rien et trop d’injustice pour rien. Un pays de croyants et à majorité musulmane où des personnes ont été exécutées sans justice équitable et sans bénéficier de sépulture honorable. Un pays qui n’est pas en guerre mais où des guinéens ont jeté les corps sans vie d’autres guinéens dans des fausses communes. Nous l’avons même vu en 2020 et sans que tout le peuple n’en soit enragé.

Pourquoi ?

Parce que tant que les victimes ne sont pas de notre communauté, on ne s’en émeut pas. C’est pourquoi, les dirigeants font ce qu’ils veulent, car ils savent qu’ils n’ont rien à craindre des citoyens de ce pays. Un pays où certains citoyens ont plus peur de leurs compatriotes, ont plus de haine pour leurs voisins pauvres comme eux que des dirigeants qui les affament et les abusent tous.

Nos dirigeants ont semé les graines de la division et ils en récoltent les fruits pendant que le peuple crève dans la misère. C’est pourquoi, ils peuvent faire de nous ce qu’ils veulent sans crainte. Plus de 60 ans, sans eau et sans électricité dans un pays qui est le château d’eau de l’Afrique Occidentale, ceci n’est possible qu’en Guinée. Pourtant, tout près de nous, nos voisins du Sahel dont les principaux fleuves ont leur source en Guinée ont l’électricité et l’eau potable depuis des décennies. Tout ceci ne nous révolte pas et ne nous enrage pas à cause de la division.

La Guinée n’est pas encore une nation et nous n’avons pas encore un seul peuple et une même préoccupation. Nous avons juste en commun une entité géographique qui s’appelle la Guinée. C’est pourquoi on ne peut espérer avoir du changement qu’à travers l’armée qui pourtant depuis l’indépendance a été toujours du côté des bourreaux de ce pays. Jamais, elle n’a réussi un coup d’État que sur les cadavres des présidents.

À défaut d’une catastrophe apocalyptique qui affectera tous les Guinéens, qu’est-ce qui pourrait bien nous unir pour nous débarrasser de ceux qui nous appauvrissent, nous abusent, nous tuent et tuent l’avenir de ce pays ?

Abdoulaye Barry
ajbarry@live.com
Portland, OR USA

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