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Guinée-Transition : Après la suspension de la Constitution, quelle légalité pour les Institutions et organes politiques ?

Le coup d’état du dimanche 05 septembre 2021 a mis un terme au pouvoir du Président Alpha Condé, à la Constitution et aux lois en vigueur. Conséquences politiques et juridiques : Dissolution du Gouvernement, de l’assemblée nationale et de toutes les Institutions et organes régis par la Constitution suspendue.

Ainsi et comme dans toutes les situations de renversement des régimes en Afrique, le changement de régime du 05 septembre 2021 et l’avènement du CNRD sous la houlette du Colonel Mamadi Doumbouya instaure de facto un régime d’exception avec la mise en berne de la Constitution, unique fondation ou fondement des Institutions Républicaines, structures et administrations politiques (assemblée nationale, gouvernement, cour suprême, cour des comptes, haute cour de justice, haute autorité de la communication, Mairies…) mais aussi les syndicats, les associations et organisations non gouvernementales. Car, dans l’ensemble, sans exception aucune, leur existence tout comme leurs activités reposent sur les articles définis uniquement par la Constitution et ses textes d’application.

De ce point de vue, le CNRD aurait pu au même titre que les autres institutions Républicaines dissoutes, suspendre les activités des partis politiques jusqu’à la promulgation d’une nouvelle Constitution. Le CNRD ou son Président, face au vide juridique constaté par la suspension de la Constitution, est également habilité à dissoudre les Conseils Communaux et à installer en lieu et place, une autre structure qu’il pourrait nommer Délégations Spéciales ou autrement. L’on se souvient que c’est dans cette logique que le Président de la Transition, le Colonel Mamadi Doumbouya a décidé de réhabiliter, à titre exceptionnel, certaines institutions comme la Cour Suprême et d’y transférer les compétences et attributions de la Cour Constitutionnelle et la Haute Autorité de la Communication (HAC).

Ainsi, six (6) mois après l’exercice effectif du Pouvoir et pour une question de justice et d’équité, le CNRD devrait se pencher aussi sur la situation des Communes ainsi que des quartiers et districts afin que sa déclaration ou décision de dissolution des institutions et de suspension de la Constitution soit totale. En effet, il est difficile sinon impossible de comprendre que certains élus ( Président de la République, Président de l’Assemblée nationale, députés) soient déchus et que d’autres ( Maires, Conseillers communaux, chefs de districts et quartiers) restent toujours en fonction. Au nom du principe cher au Président du CNRD qui veut que la Justice soit la boussole, il faut éviter le tors de 2 poids 2 mesures.

Le même raisonnement est valable si le CNRD décide de suspendre temporairement les activités des partis politiques, le temps de  l’élaboration et du vote référendaire d’une nouvelle constitution.

La charte de la transition est la Constitution provisoire qui régit le fonctionnement de l’administration, qui permet au pouvoir de créer des institutions à l’image de la CRIEF, du CNT ou d’en dissoudre à l’instar de l’assemblée nationale ou enfin d’en réhabiliter comme la HAC, la Cour suprême…

En effet, la justification de l’installation des délégations spéciales ou autre nom se trouve dans le caractère partisan des élus locaux, qui profiteront naturellement de leur position pour favoriser leur parti ou leur candidat. Ce qui ne garantirait pas la neutralité, l’impartialité du jeu démocratique donnant l’égalité de chance à tous les compétiteurs.

C’est pourquoi, le Ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation devrait, sans perdre de temps, ni céder à aucune pression, procéder à la mise en place des délégations spéciales qui administreront la vie des collectivités locales jusqu’aux élections communales et communautaires.

Quant aux partis politiques, le CNRD aurait  dû depuis le 05 septembre 2021 suspendre leurs activités d’autant plus qu’à l’instar des autres institutions républicaines, ils doivent leur existence et tiennent leurs activités de la Constitution qui a été dissoute.

A présent, si tel n’a pas été le cas jusqu’aujourd’hui, ce qui n’empêche pourtant pas le CNRD de prendre une telle décision, la junte pourrait, et ce, à tout moment, suspendre les activités des partis politiques si la stabilité, la paix sociale, l’unité nationale… sont menacées dans le pays.

Quoi qu’il en soit et loin de sombrer dans le juridisme béat, dans les régimes exceptionnels les pouvoirs sont exceptionnels.

Paul Moussa Diawara et Abdoulaye Condé, membres du Cercle de Réflexion et d’Actions Stratégiques (CRAS)