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Hausse du prix du carburant et ses impacts macroéconomiques (Analyse d’un économiste)

La physionomie de la Guinée, le caractère abîmé de son économie ainsi que l’absence de bouclier anti-chocs exogènes ont poussé le gouvernement guinéen a procédé à fin décembre 2018 à une baisse du prix du carburant à la pompe de seulement GNF 500 sans que cela ne se répercute sur le niveau de vie des citoyens. Cette décision politique s’explique à notre entendement par l’incapacité de l’Etat guinéen à appliquer le protocole d’accord (ayant mis fin aux manifestations légitimes des enseignants-chercheurs) signé avec ces vaillants syndicats, l’augmentation de l’effectif de la fonction publique (3802 nouvelles recrues) et la non diversification de notre économie.

Face à cette mesure impopulaire, nous avons décidé de faire une analyse sommaire sur la structure du prix afin d’éclairer la lanterne l’opinion publique sur cette décision politique car, malgré la baisse du carburant de GNF 500, nous pensons que son prix reste démesurément en hausse.

A titre d’illustration, prenons le cas de l’essence qui reste et demeure l’une des composantes des hydrocarbures la plus consommée de nos jours en République Guinée. Le prix CAF (Coût Assurance Fret) de l’essence tourne autour de GNF 5198,61 soit 64,98% du prix du détail. Toutefois, il convient de souligner que près de 16,0 % de son prix est constitué essentiellement des taxes et de marges revenant aux intermédiaires participant au processus.

Au nombre de ces intermédiaires figurent Total, Vivo Energy, TMI, Star Oil, Shell, qui encaissent au total GNF 495 par litre soit 6,1% du prix du détail. A ceux-là s’ajoute le réseau du transport du carburant qui à son tour encaisse 440 (péréquation du carburant) GNF par litre soit 5,5%. Les gérants des différentes stations de service perçoivent également GNF 285 sur le litre soit 3 ,5%.  Enfin la taxe de la Société Guinéenne de Pétrole (SGP) communément appelée taxe d’entreposage tourne autour de GNF 51,9 soit 0,64 % du prix du détail.

La somme de tous les intervenants dans le processus ne représente que 15,88% du prix du détail comme signalé ci-haut. Si nous ajoutons à ce prix les 64,98% du prix du produit à la rentrée, cela fait un total de 80,86% du prix total soit GNF 6 470,6 c’est-à-dire des GNF 8 000. Ce qui veut dire que les 19,11% du prix du carburant pratiqué à la pompe sont encaissés par l’Etat sur chaque litre vendu (soit GNF 1 529,4) à travers des multiples taxes dont la TSPP (y compris les redevances routiers) représentant à elle seule GNF 500 sur le litre, les droits de douanes (GNF 0,72), la RTL (GNF 0,97), la RTC (GNF 2,66), les Prélèvements Communautaires (GNF 25,99), la Centime Additionnel (GNF 13), la TVA en douane (GNF 988,07).

Les 0,03% représentent les autres postes de provisions destinés à couvrir le risque de change, auxquels s’ajoutent l’impact de l’effet monétaire ou encore l’effet de change lié actuellement à la montée spectaculaire du cours du dollar qui est la monnaie d’importation.

En plus, nos autorités ont largement soutenu que la Guinée pratiquerait actuellement un prix en deçà de la moyenne observée à l’international. Cette moyenne serait également en dessous du prix pratiqué dans la zone CFA soit l’équivalent de GNF 11 000 (subvention éventuelle). Bien avant la baisse du prix du baril au niveau international observé courant 2016, on aurait vendu le carburant à GNF 6 500.

En observant ces chiffres, on se rend compte que le nouveau gouvernement percevrait en moyenne GNF 3 029,4 sur un litre vendu sauf erreur de notre part. Ce qui est à notre sens très énorme vu qu’à date, le baril se négocie à 44 dollars contre 54 dollars au mois de novembre et 84 dollars quelques mois plutôt.

Le principal problème de l’économie guinéenne est qu’elle n’est pas encore engagée dans des stratégies de diversification à travers des plans pluriannuels de développement prévoyant ainsi des investissements publics dans des grands projets d’infrastructure et dans le domaine social afin de pallier à cette forte dépendance budgétaire envers la TSPP.

Par ailleurs, l’augmentation des prix des produits de consommation courante (en particulier les produits alimentaires) est une donnée à surveiller dans l’ensemble du pays car elle affecte directement les populations et peut être une raison de mécontentement populaire qui est loin de commencer d’ailleurs.

Cette question de la hausse du coût de la vie est liée à celle, cruciale, des subventions du carburant. Pour compenser la baisse du prix du pétrole, le FMI et les autres institutions financières pressent le gouvernement d’abolir ces subventions. Les questions que nous nous posons dans tout ça sont les suivantes : pourquoi l’Etat guinéen taxerait-il un produit qu’il subventionne ? Quelle est la part réelle de cette subvention dans le prix du brut ?

Une fois encore, ces questions ne feront pas l’objet de réponse. Toutefois, au cours du dernier semestre 2018, le gouvernement aurait néanmoins dû admettre la nécessité de procéder à des révisions budgétaires (suppression des ensembles non ventilés représentant un montant de GNF 208 milliards, les doubles emplois pour près de GNF 2 000 milliards, et enfin les dotations non fonctionnelles pour près de 6 milliards) se traduisant à la fois par une réduction importante des dépenses publiques. Une telle mesure devrait à terme occasionner la fixation du prix du brut à un niveau raisonnable surtout que son prix à l’international ne représente plus rien.

En plus de cette mesure, des coupures dans les budgets des Ministères, de la primature en passant par la présidence seraient la bienvenue. Des telles décisions auraient comme conséquence d’améliorer les perspectives de diversification de l’économie, et d’accentuer les efforts vers un développement durable.

Mamadou Safayiou DIALLO

Economiste, Enseignant-Chercheur,

Membre du Centre de Recherche en

Economie du Développement (CRED).