Alors qu’une mission d’experts de la CEDEAO boucle dans quelques jours un travail sur l’audit du fichier électoral guinéen, l’ONU dépêche le représentant du Secrétaire général des Nations Unies en Afrique de l’Ouest pour concilier les positions entres les protagonistes de la crise politique née de la volonté du pouvoir de Conakry d’organiser des élections non-incisives, et du projet de référendum constitutionnel boycottés par l’opposition.
Reporté pour deux semaines par le président Alpha Condé le 27 février dernier, le double scrutin législatif et référendaire, pourrait aussi connaitre un autre gros coup dur dans les prochains jours. Et, à la manœuvre, la CEDEAO, et l’ONU.
Contrairement aux autres missions non réussies qui lui ont été confiées, Mohamed Ibn Chambas va tenter d’inverser la donne cette fois, et donner un nouveau souffle à la Guinée.
Alors que la crise politique guinéenne s’enlise, le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, qui a rencontré hier mardi l’Onusien, a déclaré, que le président Alpha Condé a encore une opportunité à saisir.
« J’ai dit à monsieur Chambas que le FNDC a toujours montré sa bonne foi de dialoguer. Je n’ai pas manqué de rappeler la suite que nous avions donné à la demande du conseil interreligieux qui nous avait demandé de suspendre les manifestations pour donner la chance à un dialogue. Malheureusement du côté du pouvoir, on n’a pas eu de suite favorable. Il y a un espoir cette fois-ci avec ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, l’encouragement de M. Issoufou, l’implication du secrétaire général des Nations-Unies. M. Chambas nous a dit que M. Guteres, le secrétaire général de l’ONU est très préoccupé par ce qui se passe qu’il suit au jour le jour et qu’il va jouer son rôle dans les formes qui lui paraissent appropriées.
Je pense qu’il y a une opportunité que M. Alpha Condé va saisir, la communauté internationale souhaite qu’il la saisisse, on attend. Peut-être qu’ils réussiront à infléchir sa position », a déclaré l’ancien Premier ministre, pourtant très intransigeant depuis le début de la contestation dans le pays.
Le même jour, l’envoyé spécial d’Antonio Guerres, est reçu au siège du Front National pour la défense de la constitution (FNDC). Le but étant de voir dans quelles conditions rétablir le fil du dialogue afin de trouver une solution Pacifique entre Alpha Condé et ses opposants, le représentant des nations unies pour l’Afrique de l’ouest espère obtenir un compromis.
« Les Nations Unies continuent de suivre avec beaucoup d’attention tous ces développements. Ce report pourrait constituer une opportunité pour les acteurs et sociaux en vue de la recherche de solutions consensuelles pour des scrutins apaisés et participatifs », a soutenu le diplomate, avant de révéler : « C’est dans cette optique que s’inscrit ma mission, qui me permettra de m’entretenir avec tous les acteurs et les partenaires, pour voir comment nous pourrons ensemble faire évoluer les choses. »
Le message est donc clair. Ibn Chambas veut avoir un résultat satisfaisant, contrairement à ces dernières missions polémiques à Conakry. Ce mercredi, il était chez l’autre ancien Premier ministre, Sidya Touré. Le leader de l’UFR, redevenu opposant d’Alpha Condé a lui également sa lecture de la situation actuelle.
« On a rédigé un rapport consensuel. Le fait de dire que ce rapport n’a pas été respecté, qui a engagé l’OIF à partir, ne permet pas de penser que trois personnes arrivent de la CEDEAO et qu’en dix jours, ils vont venir dire le contraire. Donc, tout ce qu’on est en train de faire au niveau de ces trois experts, moi je dis que ça n’a aucun sens. L’audit du premier fichier, on le connait. Les 2 millions 400 faisaient partie des 6 millions d’électeurs. Maintenant, on est passé à 7 millions 700. Ceux qui ont eu raisons de dire que le fichier était mauvais et qui ont quitté la table, la communauté internationale vient de confirmer ce qu’ils ont dit. Mais dire que quand on aura fini de corriger ça, eux ils ne viendront pas aux élections. Attendez, on est dans quel pays ? On n’est pas à Alphaland, c’est la République de Guinée. Donc tout le monde est concerné et je crois que les Nations Unies viennent de réaffirmer le caractère inclusif et consensuel des élections. Ce n’est pas trois personnes qui viendront changer quoi que ce soit à cela », a confié à la presse l’ex Haut Représentant d’Alpha Condé.
Les réclamations de l’opposition et du FNDC sont nombreuses. Au-delà du fichier électoral, les partis d’opposition ayant boycotté le scrutin veulent désormais revenir dans le processus, si, seulement, le travail des experts de la CEDEAO est bien fait, même s’ils dénoncent le délai imparti pour le travail de 10 jours. L’opposition politique et le front anti troisième mandat, demandent aussi le retrait purement et simplement du projet de nouvelle Loi Fondamentale voulu et soutenu par Alpha Condé et ses partisans.
Pour le moment, les lignes semblent bouger. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les discours de deux camps sont depuis quelques jours modérés. Sauf qu’il reste un petit détail. Alpha Condé va-t-il renoncer à son projet ? Reportera-t-il une nouvelle fois les élections législatives ? C’est toute l’équation à résoudre pour l’Onusien, qui a déjà échoué dans ses précédentes missions. Le rapport produit par les experts de la CEDEAO en mission à Conakry depuis le 3 mars dernier, pourrait bien l’aider dans sa mission.
A suivre…
Alpha DAF