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Légalité et illégitimité de la constitution guinéenne de 2010 (Par Aly Traoré, Juriste)

Aujourd’hui beaucoup de guinéens  mais aussi ceux qui s’intéressent aux problèmes juridiques et politiques de la Guinée  se posent la problématique question de révision ou de modification constitutionnelle qui à mon avis part des manquements aux autorités de la transition de 2008-2010 de mettre le peuple souverain de  Guinée dans son droit le plus important qui est le droit de vote.

La situation guinéenne est devenue tellement compliquée qu’on te juge en fonction de ton nom de famille. Loin d’une prise de position, j’invite tous les acteurs de cette publication d’être cohérent, objectif, d’analyser et de respecter le contenu des dispositions constitutionnelles.

Comme tout tourne au autour de la constitution, il serait important de la  définir dans une première partie tout en décrivant le statut de son organe d’élaboration et de sa   procédure de mise en œuvre et dans une deuxième partie d’énumérer les pouvoirs du président de la République dans cette  constitution de 2010.

En général, la constitution a deux définitions différentes

D’abord matériellement,  la constitution s’entend de toutes les règles relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir, qu’elles figurent ou non  dans un texte écrit et dans l’affirmation quelle que soit la catégorie juridique dont relève ce texte.

Formellement ou organiquement, la constitution s’entend des règles qui, soit ont reçu forme distincte, (c’est le cas, par  hypothèse de la constitution écrite), soit ont été édictée ou ne peuvent être révisés que par un organe spécifique ( par exemple ,qui ont été édictées ou ne peuvent  être révisées que selon une procédure constituante),soit ont été édictées ou ne peuvent être révisées que selon une procédure spécifique (par exemple qui ne peuvent être  révisées qu’a la  majorité       des deux tiers d’une ou de deux  assemblées parlementaires ou après un referendum de ratification )  Ferdinand Melin soucramanien. Droit constitutionnel édition 2016.

La constitution guinéenne du 07 Mai 2010 répond aux critères de la définition formelle.

Ainsi, après la mort du Président Lansana Conté en 2008, qui a permis à la junte militaire de  prendre le pouvoir, les forces politiques et sociales de la nation, la CEDEAO, l’Union Africaine  et la communauté internationale ont entrepris des négociations pour l’organisation des élections au profit des partis politiques légalement constitués.

Une assemblée provisoire composée de toutes les sensibilités politiques et sociales  a été installée avec des différentes commissions pour faire sortir l’Etat de la crise. Après des multiples bras de fer entre la junte militaire et les forces politiques,  les élections ont été organisé en 2010 et le professeur Alpha CONDE du parti RPG Arc- en-ciel a été élu Président de la République. Depuis cette date, la République de Guinée a connu des mutations différentes tant sur le plan institutionnel mais aussi sur les rapports entre la mouvance et l’opposition.

Pour bien cerner cette première partie, on doit connaitre le statut des membres du CNT et la procédure d’élaboration qui a manqué à cette constitution et dont le problème se pose aujourd’hui.

En droit constitutionnel, il faut obligatoirement faire la différence entre la légalité et la légitimité dans la désignation d’une  autorité.

Pour comprendre effectivement la constitution guinéenne de 2010, il serait opportun de connaitre  le statut de l’organe chargé de son établissement.

Selon le petit Larousse illustré : l’autorité est cette personne qui détient le pouvoir de commander, de prendre des décisions de se faire obéir.

Nous   reconnaissances tous que les membres du CNT ont été désigné et comprenait les hommes de conviction mais aussi les amis des membres  du CNDD pour permettre à l’Etat de sortir de la crise. Cet organe est légal et selon la constitution article 157 Je cite ‘’ le Conseil  National de la transition assumera toutes les fonctions législatives définies par la présente constitution jusqu’à l’installation de  l’Assemblée Nationale’’.

Quant à la légitimité, elle part de l’élection.

En droit politique, l’élection est  la meilleure façon de designer une autorité. Ceci dit, les membres du CNT  n’étaient pas légitimes par manque de suffrage universel dans leur désignation.

La démocratie, telle que la concevons  a trois (3) conditions indispensables (le pluralisme politique, le libéralisme politique et le principe de la majorité) et  des conditions favorables (la limitation du nombre des partis politiques qui grouillent le jeu politique, l’Education et l’information des militants. Le principe de la majorité donc intervient pour légitimer les membres d’une Assemblé ou une autorité quelconque.

Avant de parler de la procédure de mise en œuvre  de la constitution de 2010, on se pose d’abord la question de savoir à quelle période pouvons-nous élaborer une constitution?

Celui-là peut se produire en diverses circonstances, tout  d’abord il se produit:

  1. pendant la création d’un nouvel Etat
  2. après une révolution et
  3. enfin après un coup d’Etat.

C’est pourquoi,  il faut supposer que l’ordre juridique antérieur a disparu ou est devenu caduc  et l’on se trouve devant un vide juridique comme le cas de la Guinée en 2008. Et la constitution doit suivre toute sa procédure de mise en œuvre c’est-à-dire de la rédaction jusqu’au vote référendaire.

Par manque de participation du peuple à la légitimation du texte, je peux qualifier cette  constitution du 07 Mai 2010 comme un texte inachevé qui n’a pas été soumis au vote du peuple de Guinée  ‘’Referendum’’.

Le referendum est une technique qui permet d’associer le peuple à l’exercice du pouvoir législatif ou de le consulter sur des  grandes options nationales.

D’après les accords de Ouagadougou, d’aucuns disent que les forces politiques et sociales se sont convenus que le président élu après les élections de 2010 s’en occupera du Referendum après avoir mis sur place les différentes institutions républicaines.

Si tel est le cas, le président de la République a droit d’organiser le Referendum soit à  l’état naturel de la constitution ou de faire intervenir des modifications en fonction de l’évolution des besoins de l’Etat  mais aussi de la population et ce, pour éviter de toucher chaque fois le texte constitutionnel.

Ensuite le Président de la république  peut selon les articles 51 et 152 prendre l’initiative de révision de la constitution et la soumettre soit  à la seule volonté du peuple ou de l’Assemblée Nationale.

La constitution  est un symbole avant d’être une loi. Souvent elle apparait comme l’acte fondateur d’un  Etat, consacrant naissance et l’entrée d’un nouveau membre dans la société internationale.

Son symbolisme ne se limite pas  à l’apparition de l’Etat, il se manifeste aussi à l’occasion d’un changement de régime.

Une suite de constitution jalonne ainsi l’histoire des peuples à l’humeur politique frondeuse et instable.

La France depuis 1791 a vécu  11 constitutions et la plus durable a été appliquée pendant 65 ans sans compter les retouches. Quant au   Venezuela 25 constitutions.

La constitution détermine  l’organisation de l’Etat, des pouvoirs publics,  ses règles fondamentales, son mode de gouvernement, l’attribution des pouvoirs politiques leurs limites et leurs rapports d’une part et d’autre part les rapports entre gouvernants et gouvernés en conférant et garantissant  à ceux-ci un certain nombre de droits et libertés fondamentaux.

Dans la constitution du 07 Mai 2010 alors, il est accordé certaines prérogatives au Président de la République que personne ne peut contester et que nous allons énumérer. Pour rester alors dans l’idée du sujet, je préfère me limiter juste aux pouvoirs politiques du Président de la République.

Le titre II de la Constitution intitulé: ‘’Du Pouvoir Exécutif’’ parle de la procédure d’élection du Président de la République ainsi que certaines de ses prérogatives constitutionnelles.

Selon l’idée de l’article 51, je cite : ‘’Le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la promotion et la protection des libertés et droits fondamentaux ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité.

Il doit, si l’assemblée  nationale le demande par une résolution adoptée  à la majorité des deux tiers des membres qui la composent, soumettre au referendum toute proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics  ou concernant les libertés et les droits fondamentaux.

Avant de convoquer les électeurs par décret, le Président de la République recueille l’avis de la cour constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la constitution.

L’article 51 de la constitution ne provient de moi, ni d’un quelconque guinéen mais de la constitution elle-même.

Tout d’abord, la constitution elle-même est une loi et avant de devenir une loi elle a été  un symbole. La loi par définition est l’expression de la volonté générale. L’illégitimité dont je fais allusion part de la non-participation  du peuple pendant l’entrée en vigueur du texte constitutionnel. Ce qui sous-entend que le droit le plus important du peuple de Guinée a été confisqué pendant un moment important de la vie de cette nation.

Ensuite  la constitution se limite à quatre éléments : l’organisation de l’Etat, des pouvoirs publics, l’attribution des pouvoirs politiques, la promotion et la garantie des droits et libertés fondamentaux.

Si le Président de la République intervient dans ces domaines comme cités dans l’article 51,  j’affirme sans hésitation aucune en respectant le texte constitutionnel que le referendum dont fait allusion l’article 51  n’est pas seulement législatif mais aussi constitutionnel.

La constitution est la loi suprême de l’Etat. Et le droit de révision que l’article 51  a énuméré concerne toutes les lois de la République. Aucun juriste ne peut me dire que la constitution n’est pas une loi et la supra constitutionnalité de certaines parties  de la constitution doit aussi respecter la souveraineté du peuple de Guinée.

Plus loin l’article 152 renforce l’idée de l’article 51 en ses termes : ‘’ l’initiative de la révision de la constitution appartient concurremment au président de la république et aux députés’’.

Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision est adopté par l’assemblée nationale à la majorité simple de ses membres. Il ne devient  qu’après avoir été approuvé par referendum.

Si l’article 51 a précisé le type de loi à réviser et voter par referendum, par contre l’article 152 a été muet sur cette partie et donne le plein droit au Président de la République de réviser la constitution. (Voir l’article 152).

La constitution n’est pas un texte figé, elle nait, évolue en fonction des besoins de la société, elle parle de la procédure de sa révision, met  un garde-fou à certaines parties, elle subsiste et elle meurt.

Selon l’article 153 de la constitution guinéenne de 2010, je cite : « Aucune procédure de division ne peut être prise en cas d’occupation d’une partie ou de la totalité du territoire national, en cas d’état d’urgence ou d’état de siège »

Pour interpréter cet article,  en temps de troubles aucune intention de révision ou de modification de la constitution ne doit être observée.

Cela pour respecter le principe de l’intégrité territoriale et la souveraineté du peuple de participer sans aucune contrainte au scrutin.

L’état d’urgence et l’état de siège sont des pouvoirs que la constitution confère au Président de la République après avis du Président de l’Assemblée Nationale pour imposer sa suprématie et contraindre  les citoyens à respecter les règles édictées.

Pendant ces moments, le président de la république est le seul détenteur de tous les pouvoirs (art. 90).

Cette partie est relative à l’article 154 ‘’ la forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’Etat, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du Président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision’’.

Ce principe est clair sur la forme. Par contre,  tout principe juridique a des exceptions. Ces dispositions peuvent être exclues de toute révision, on cherche à leur conférer une valeur supra constitutionnelle. Beaucoup de constitutions actuelles comme celle française, allemande et portugaise suggèrent la supra constitutionalité de certains de leurs dispositions. Pourtant l’idée d’une supa constitutionalité est inacceptable. Le peuple est souverain et le pouvoir constituant qu’émane de lui n’est pas lié par des règles supra constitutionnelles.

En France, la situation est claire depuis que le conseil constitutionnel dans sa décision du 2 septembre 1992, a estimé que l’existence  de normes supra constitutionnelles serait contraire au principe de la souveraineté du pouvoir constituant.

Depuis 1958, dix-sept (19) révisions constitutionnelles ont réussies en France. Voilà quelques-unes

1962 : Relative à la procédure d’élection du président de la république

1974 : relative aux règles de saisine  du conseil constitutionnel

1976 : modalités  d’élection du président de la république

1992 : révision  rendue nécessaire par la constitution de l’Union Européenne

4 Août 1995 : révision la plus étendue, elle institue en particulier une révision parlementaire unique, élargit le champ de referendum et modifie le régime de l’inviolabilité des parlementaires

02 Octobre 2000 : substitution du quinquennat au mandat de sept (7) ans du président de la république.

21 Juillet 2008 : Révision d’ensemble : renforcement des pouvoirs du parlement, questions prioritaires  de constitutionnalité, défenseur des droits fondamentaux, réforme du conseil supérieur de la magistrature. (Source : Droit constitutionnel et institution politiques Philippe Ardant et Bertrand Mathieu, 29ème  édit. Page 91, 2017-2018).

Pour le cas  Guinéen l’article 2  de la constitution est clair  en ces termes : la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exercice par ses représentants élues ou par voie  de referendum. Si tel est le cas, je suggère que chacun doit respecter le droit de l’autre. Le président a le droit de l’initiative de révision de la constitution qui à  l’assemblée nationale ou au peuple d’infirmer ou de confirmer par voie référendaire.

Aly TRAORE

Juriste Politologue chargé de  cours de Droit Constitutionnel à l’UGLC-SC

Doctorant à l’Université Cheikh  Anta Diop-Dakar