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Les armes de Guinée (réponse de Ahmed Kourouma à Tierno Monenembo)

J’admire Tierno Monénembo et depuis longtemps. Il est difficile de le lire en restant de marbre, sans laisser l’émotion prendre la place qui lui est due.

Il est tout autant difficile de refermer un de ses livres et continuer à être ce que nous étions car chacun de ses livres apporte un travail de réflexion qui ne nous quitte plus.

Et il me tue de le dire, mais il y a un mais.

Mais je viens de lire la tribune qu’il vient de publier. Ce petit cours d’histoire ou de flagellation.

Alors merci pour ce récapitulatif des ogres de Guinée si tant est que l’on peut tous les assimiler.

Merci pour ce cours magistral qui pourrait aussi s’appeler « comment une génération a laissé faire ça ».

Tierno Monénembo est dans le constat comme beaucoup, cependant beaucoup ne peuvent pas faire plus. Le plus, beaucoup l’ont tenté et ont disparu, mais ça c’était avant, avant quand il était dangereux voire mortel de se dresser contre la dictature et les ogres que vous dépeignez.

Aujourd’hui il y a beaucoup de nouveaux résistants issus de cette génération qui a fui ou laissé faire.

Mais soit, chaque guinéen a les armes qu’il s’est choisies ou qu’on lui a attribuées.

Lister depuis le bocage normand des dictateurs, des généraux, des présidents, tout en pointant du doigt l’imbécillité du peuple, pourquoi pas. Tierno Monénembo est un grand écrivain et la critique, le brulot, le pamphlet sont salutaires dans toute société surtout celles en devenir.

Parce qu’elle est en devenir notre société, tout comme sa politique.

Alors oui, soixante-et-un ans, c’est beaucoup. Surtout lorsqu’elles sont misérables. Mais qu’aurait pensé Tocqueville s’il avait vécu pour voir la guerre civile dans ce pays si cher à son cœur ?

Qu’aurait-il dit ou pensé s’il était mort en 1863 ?

Aurait-il dit, « presque cent ans d’indépendance pour en arriver là ! presque cent ans de rêve démocratique pour un des plus grands bains de sang de l’Histoire. »

Peut-être. Pourtant la guerre de Sécession, comme nous le savons a fédérée tout une nation. Elle fut la dernière épreuve que les Etats-Unis d’Amérique, cette jeune nation, ont dû subir pour devenir adulte. Beaucoup la voyait déjà anéantie, morcelée, et aujourd’hui voyez ce qu’elle est !

Alors non, il n’aurait pas listé les présidents coupables selon lui de cette finalité, il n’aurait pas traité les américains d’idiots, de suiveurs, de sycophantes ou d’hypocrites.

Les visionnaires ont pour eux le rejet du constat, parce qu’ils savent qu’il y a bien plus derrière l’évidence.

Il y a l’avenir.

Et cela n’est pas donné à tout le monde de le discerner sous le fatras de l’Histoire.

Nous avons les armes que nous nous choisissons, et nous avons le choix de leur usage.

Je ne suis pas un visionnaire, je ne connais pas ou n’appréhende pas l’avenir. Mais lorsqu’il s’agit de la Guinée je préfère le construire cet avenir.

Nous connaissons tous son passé. Nous pouvons tous lister ces hommes d’états, ces militaires et autres suiveurs. Nous pouvons tous cracher en l’air sans bouger et après ?

Le peuple de Guinée n’a pas besoin qu’on lui rappelle ses travers ou ce qu’elle a pu être. Mais plutôt ce qu’elle peut être et surtout comment le devenir.

Aujourd’hui la Guinée a plusieurs armes. Et vous, monsieur Monénembo vous en êtes assurément une. Une des plus fines, des plus directes et des mieux affutées.

Parce que si toute nation a le gouvernement qu’elle mérite, je suis convaincu que le peuple de Guinée vous mérite. C’est un peuple courageux et brave, qui s’est peut-être fourvoyé par le passé et qui de nouveau peut-être se perdra mais qui mérite de grands hommes et de grands penseurs.

Les armes de Guinée ne sont pas pléthores et j’espère vraiment que dorénavant aucune ne manquera plus sa cible.

Ahmed kourouma

Vice-président du

PartiGrup