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[Tribune] Procès de Beny Steinmetz et l’entraide judiciaire internationale : quel intérêt pour la Guinée ?

La justice Suisse a annoncé le 12 août 2019 le dépôt de l’acte d’accusation et officialisé sa décision de renvoyer devant le tribunal correctionnel de Genève, des responsables du groupe BSG Resources (sous administration). Il s’agit de l’israélien Beny Steinmetz, 63 ans, du français Frédéric Cilins et de Sandra Merloni-Horemans qui n’est autre que « cette loyale amie de Beny » en position de directrice de la société Onyx une des filiales de BSG Resources.

En effet, la Guinée a largement participé dans les séries d’investigation sur le sujet, menées par le service américain FBI, la justice suisse, des ONGs internationales comme Global Witness (Royaume Uni) et Public Eye de la Déclaration de Berne (Suisse).

Ici à Conakry, des graves accusations sur l’attribution présumée d’un pot-de-vin, d’une valeur de 2 millions de dollars US à des hauts cadres de l’administration publique, ont été ténues le 22 avril 2013. Par le guinéen, Ibrahima Sory Touré responsable local de BSG Resources. Lors de sa seconde audition, par la direction centrale de la police judiciaire. Cette audition avait été conduite par le commissaire divisionnaire Sékou Abdoul Gadiri Condé (agissant en enquête préliminaire) assisté de Mohamed 3 Camara et Sékou Doukouré, tous inspecteurs principaux de police en service.

Ces accusations mettent en cause feu Almamy Fodé Soumah ancien ministre de la jeunesse, M.Guillaume Curtis ancien secrétaire général du ministère des mines et de la géologie, Dr Ahmed Tidiane Souaré ancien ministre et ancien premier ministre, M.Lounceny Nabé ancien ministre des mines et de la géologie et actuel gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée, Me Momo Sacko ancien conseiller à la présidence de la République (sous la junte militaire), Ibrahim Kalil Touré ancien conseiller économique et fiscal du ministère des mines et de la géologie, ainsi que des membres de la commission interministérielle de négociations de la convention de base pour l’exploitation des gisements de minerai de fer de Zogota (2009).

Mais aussi M.Aboubacar Koly Kourouma ancien secrétaire général du ministère des mines et de la géologie, Général Sékouba Konaté ancien président de la République par intérim (2009-2010), feu Jean-Marie Doré ancien premier ministre (député), M.Mahmoud Thiam ancien ministre des mines (présentement en détention aux États-Unis d’Amérique) et le capitaine Mamadou Sandé ancien ministre de l’économie et des finances (2009-2010), etc.

Dans le cadre de la gestion de ce feuilleton, la Guinée et la Suisse ont décidé de redynamiser leur entraide judiciaire, par le traitement conjoint des accusations de corruption contre le groupe BSG Resources. C’est en cela, qu’une délégation comprenant M.Claudio Mascotto procureur au parquet de Genève accompagné d’un juge d’instruction et d’un analyste « confirmé » est venu à Conakry, dans la semaine du 6 au 12 juillet 2015. Pour enquêter sur la nébuleuse (présumée) de l’homme d’affaire Beny Steinmetz, relativement à l’acquisition des droits miniers exclusifs sur les gisements de minerai de fer de Zogota et Simandou nord (blocs 1 et 2).

Et c’est dans ce contexte, que des sources concordantes enseignent que du 7 au 10 juillet 2015, que plusieurs responsables de l’administration publique et des parlementaires guinéens avaient été entendues sur procès-verbal par cette mission d’entraide judiciaire.

L’ancien premier ministre de la transition, feu Jean-Marie Doré, député à l’Assemblée Nationale au moment des faits, aurait été selon nos informations, entendu par la justice suisse dans les locaux du Tribunal de première instance de Kaloum.

Parmi ceux qui sont supposés avoir défilé, devant ce procureur genevois, on peut citer sans être exhaustif, Dr Ahmed Tidiane Souaré, M.Ahmed Kanté administrateur de la Soguipami (ancien ministre des mines et de la géologie), Me Momo Sacko, M.Guillaume Curtis (administrateur de l’autorité de régulation des marchés publics et de services publics à l’époque), M.Louncény Nabé, le capitaine Mamadou Sandé (qui avait approuvé la convention de base sur Zogota et les blocs 1 et 2 de Simandou), M.Aboubacar koly Kourouma président de la commission interministérielle de négociation de la convention de base sur Zogota et Simandou nord.

Bref, tous les membres de la commission interministérielle de négociation de cette convention de base et les anciens ministres en charge des mines, ayant été en contact avec le dossier du groupe BSG Resources présents à Conakry, se seraient librement soumis à cet exercice d’audition.

On apprend en plus que, d’autres anciens hauts cadres de l’administration publique pourraient toujours être dans le collimateur de la justice internationale, comme c’est le cas « probablement » du docteur Ousmane Sylla, ancien ministre des mines et de la géologie et actuel ambassadeur de la Guinée au royaume de Belgique, de l’ancien ministre des mines et de la géologie M.Mohamed Lamine Fofana également ancien conseiller chargé des questions minières à la primature, de l’ancien directeur général du centre de promotion et de développement, M.Ibrahima Khalil Soumah, ainsi que d’autres têtes bien couronnées en exercice au palais Sékoutouréya.

D’ailleurs, dans le cadre du procès en arbitrage intenté et remporté par la société brésilienne Vale contre le groupe BSG-Resources au sujet de la création de la joint-venture Vale- VBG-Guinée (héritière des droits miniers du groupe BSG Resources en Guinée) à qui l’on a retiré les licences d’exploration et d’exploitation de Zogota et des blocs 1 & 2 de Simandou en 2014, trois anciens ministres guinéens des mines et de la géologie ont entendus en qualité de témoins, du 20 février au 1er mars 2017 devant un tribunal arbitral de Londres.

Il s’agit de M. Loucény Nabé, M. Ahmed Kanté et Dr Ahmed Tidiane Souaré. Courant mai-juin 2018, il était aussi prévu à Washington, sur plainte de BSG-Resources contre la Guinée, le procès en arbitrage devant le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (cirdi, affaire ARB/14/22). Des témoins guinéens y étaient attendus pour des dépositions.

Au cours de la précédente audience de mars-février 2018 (affaire ARB/14/22), qualifiée «d’ultime » par plusieurs sources, les avocats de BSG-Resources avaient été absents, sans qu’aucun motif ne soit rendu public (il semble que la procédure de réconciliation entre Beny et Condé avait été entamée). Selon des sources ayant connaissance du déroulement d’une audience présidée par le professeur Gabrielle Kaufmann-Kohler (ICSID Case n°ARB/14/22), il avait été démontré que BSG Resources avait fait usage de détours par l’intermédiaire des cadres de l’administration guinéenne grâce à l’implication d’une série des sociétés implantées à Bamako au Mali, à Freetown en Sierra Leone et à Conakry en Guinée.

D’abord, il a été établi par plusieurs découvertes, que le compte bancaire n°0202006002 42 Dollars US ouvert dans les livres de la FiBank, par la société Logistics et Maintenance Services (LMS) avait été utilisé pour certaines transactions au bénéfice de la société Matilda et Co Ltd de Mamadie Touré épouse du feu Général Lansana Conté (opérations bancaires du 19 et 20 août 2009).

Ensuite, la société groupe Fouta Mondial Corporation S.A sise Badalabougou à Bamako, dans une correspondance du 20 mai 2010 réclamait au groupe BSG Resources, une commission de 15 200 000 dollars US et une autre lettre du 19 août 2011, avait rappelé impérativement cette obligation contractuelle de paiement. Ces courriers jugés « accablants » de M. Aboubacar Bah responsable de la société groupe Fouta Mondial Corporation S.A avaient été versés dans cette procédure arbitrale.

En plus, dans les livres de la Banque Populaire Maroco-guinéenne (BPMG) compte n°21101612701-47 (Mamadie Touré, quartier Tompétin commune urbaine de Dubréka) et de la Rokel commercial bank of Freetown (LMS SARL Acct n° 00210220060-02 01), figurent des transactions supposées être des sources de suspicions.

Enfin, dans le mémoire après-audience de la République de Guinée, du 11 juin 2018 sous la rédaction et les conseils des cabinets DLA Piper France LLP et Orrick Herrington & Sutcliffe LLP, on peut lire à la page 88 (alinéa 353) qu’en premier lieu, le témoignage de M.Tchelet (ndlr : affaire ARB/14/22) a été fort éloquent s’agissant des paiement de 100 000 dollars US et 80 000 euros que les sociétés du groupe BSG Resources ont versé à un ancien ministre et homme politique qui était à l’époque consultant indépendant aux États-Unis. Ces paiements ont été effectués à titre de « consulting fees », les 15 décembre 2008 et 5 février 2009. Soit juste avant la nomination de Mahmoud Thiam au poste de ministre des mines (Source). M.Tchelet a admis avoir autorisé ces paiements en l’absence de tout contrat sous-jacent et sans disposer d’une quelconque preuve d’un service de consultance effectué en contrepartie.

Conakry, le 16 août 2019

Akoumba Diallo

akoumba2000@yahoo.fr

Journaliste

Analyste au cabinet Mineral Merit SARL

Ancien membre de l’ITIE-Guinée