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Tribune-ZANU et Feu Robert Mugabe : quelles leçons pour les peuples africains ? (Par Mamadou Baadiko Bah UFD)

Dans les années soixante-dix, j’étais étudiant en France et militant de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF). On s’intéressait donc de près aux luttes de nos frères d’Afrique australe et des colonies portugaises pour l’indépendance et la liberté. Malgré le dénuement dans lequel nous étions, nous cotisions un peu d’argent qu’on remettait aux représentants des mouvements de libération qu’on rencontrait, dont la ZANU.

Pour rappel, la Fédération de Rhodésie-Nyassaland, comprenait la Rhodésie du Nord (Zambie), la Rhodésie du Sud (Zimbabwe) et le Nyassaland (Malawi). Après l’indépendance des deux premières colonies, restait la Rhodésie du Sud, pays agricole très avancé, avec plus de 200 000 colons Blancs ayant à leur tête Ian SMITH. Ce territoire a été le siège d’une lutte féroce face à des pouvoirs blancs d’une barbarie indescriptible. En effet, la Rhodésie du Sud faisait partie du « glacis » (poste avancé de défense) protégeant l’Afrique du Sud raciste avec son abominable système d’Apartheid. Herbert CHITEPO, le premier président de la ZANU a été  tué dans un attentat à Lusaka le  18 mars 1975. C’est à ce moment là que Robert Mugabe formé au Ghana par le Président Kwame NKRUMAH et marié une première fois à une Ghanéenne a été porté à la tête de l’organisation.

Robert Mugabe a eu l’honneur et le mérite de conduire cette lutte à un moment crucial du processus engagé en 1963. Il a su faire preuve de détermination, de fermeté et d’intelligence, face au « Pouvoir Pâle ». L’indépendance a été proclamée le 18 avril 1980, à l’issue de dures négociations à Lancaster House.  Aux premières années de l’indépendance, sans doute puisque les souvenirs de la lutte étaient encore vivaces, il a mené une politique assez pragmatique et positive. Il a mis l’accent sur l’éducation et la santé, avec de brillants résultats. Mais par la suite, malheureusement, il a commencé à se comporter comme un autocrate, adepte de la répression sanglante, mégalomane, n’écoutant personne. Robert Mugabe porte la responsabilité des massacres de plus de 20 000 habitants de la région de Bulawayo dans le Matabeleland, fief de son rival Joshua NKOMO de la ZAPU. Sous la direction de Robert Mugabe, la ZANU s’est transformée progressivement en un parti unique, une caste privilégiée, corrompue à l’extrême, parasitaire, accaparant et dilapidant toutes les richesses d’un pays très riche mais acculé à la ruine complète et même à la famine. Des millions de ces pauvres Zimbabweens ont émigrés en Afrique du Sud où ils sont les premières victimes des pogroms xénophobes, sous les yeux des dirigeants de l’ANC ! Vous avez sans doute entendu parler de ces billets nominatifs de 100 000 milliards de dollars zimbabwéens ne permettant même pas d’acheter un sac de maïs ! Dans ce contexte de misère extrême pour le peuple, les dirigeants politiques et militaires de la ZANU, ainsi que l’entourage de Mugabe n’ont pas hésité à afficher un train de vie insolent. La deuxième épouse de Mugabe, Grâce, arrivée après la mort de sa première femme ghanéenne, est un modèle de cette élite pourrie vivant dans un luxe insolent, avec de l’argent volé étalé ostensiblement à travers le monde, au point d’avoir été surnommée « GUCCI-GRACE »! Le phénomène des « war veterans » (les héros de la guerre de libération, anciens combattants de la liberté) est devenu un fléau, une classe exploiteuse et un véritable handicap au progrès du pays. Même une mesure positive comme la redistribution des terres aux paysans africains s’est transformée en une mascarade permettant aux caciques de la ZANU de s’enrichir sur le dos des paysans pauvres, sans terre.  Devant ces souffrances, les Zimbaweens n’hésitent même pas à regretter la domination des racistes Blancs ! De mon point de vue donc, pour Mugabe, le verre n’est pas à moitié plein, il serait plutôt à moitié vide…En s’accrochant bec et ongles au pouvoir, avec une clique constitué autour de sa seconde épouse, il est sorti de l’histoire par la petite porte, par son entêtement et sa soif du pouvoir. Son comportement et ceux de ses amis ont constitué une insulte aux valeurs pour lesquelles les vaillants combattants de la liberté se sont sacrifiés pour en finir avec la domination blanche.

Mais la ZANU et Robert Mugabe ne sont hélas pas les seuls exemples négatifs en Afrique post-coloniale de ces « libérateurs » ou se disant progressistes et même révolutionnaires, qui, dès l’accession au pouvoir, trahissent les intérêts de leur peuple en installant des partis uniques et des dictatures plus ou moins sanguinaires, mais complètement corrompues et prédatrices. Les tristes exemples de la ZANU, du MPLA d’Angola, du FLN algérien, du PAIGC de Guinée-Bissau, de la Guinée, du Congo-Brazzaville, du Burkina Faso et même dans une certaine mesure, l’ANC d’Azanie (Afrique du Sud), sont là pour rappeler que sans la démocratie véritable, l’Etat de droit, le pluralisme politique et l’alternance au pouvoir, les peuples ne peuvent avoir aucun contrôle sur leurs dirigeants et restent à la merci de ceux-ci.

Nos frères des mouvements de libération quant à eux, avaient pour slogans : « La victoire ou la mort – La victoire est certaine ». Dommage que certains d’entre eux se soient reniés en tant que Combattants de la liberté.

 

Conakry, le  15 septembre 2019