Dans une déclaration rendue publique le 21 mai dernier, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) en Guinée, dénonce l’attitude du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), le parti présidentiel, qu’il accuse de travailler à la réalisation du rêve de « présidence à vie » du président Alpha Condé à travers l’appel à un « référendum » pour l’adoption d’une « nouvelle Constitution ».
Par la même occasion, il « lance un nouvel appel à la communauté internationale, notamment à la CEDEAO, à l’UA, à l’ONU et l’UE, en vue d’une intervention dissuasive auprès de M. Alpha Condé, pour qu’il renonce à son dangereux projet de 3e mandat ou de présidence à vie, pendant qu’il est encore temps ».
Peu avant, c’est un autre regroupement, le Collectif des organisations de défense des droits de l’homme contre un nouveau mandat (CODHOMN), qui se fendait d’une déclaration pour dire « stop à toute tentative d’adoption d’une nouvelle Constitution en vue d’un troisième mandat ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Guinée danse sur un volcan qui menace d’entrer en éruption à tout moment, avec l’intensification du débat autour de la question du troisième mandat du président Condé.
En effet, pendant que des sirènes révisionnistes et pas des moindres se font de plus en plus entendre au sein des partisans du chef de l’Etat, du côté de l’opposition politique, on se prépare pour faire barrage aux velléités du Professeur de prolonger son bail au palais Sékoutouréya.
Pendant ce temps, l’intéressé lui-même reste muet comme une carpe sur la question, quand il n’entretient pas un flou artistique sur ses intentions ou ne pousse pas ses partisans à la confrontation avec le camp adverse. C’est à croire que le chef de l’Etat guinéen fait preuve d’amnésie au point de pas tirer leçon de ce qui est arrivé, sur le continent, à certains de ses pairs qui ont succombé à la tentation du troisième mandat ou se sont essayés à l’exercice du tripatouillage constitutionnel pour se maintenir au pouvoir.
Les exemples de Mamadou Tandja au Niger, Blaise Compaoré au Burkina Faso et dans une moindre mesure d’Abdoulaye Wade au Sénégal, sont suffisamment édifiants. Même le Burundais Pierre Nkurunziza qui a réussi à se maintenir en faisant payer un lourd tribut à son peuple, y a laissé des plumes, avec le coup d’Etat qui a failli l’emporter. Aujourd’hui encore, l’on ne peut pas dire que l’homme fort de Bujumbura s’est complètement tiré d’affaire, avec les lourdes sanctions de la communauté internationale qui frappent son pays.
Et que dire du Congolais Joseph Kabila, qui a usé et abusé de subterfuges de tous ordres pour s’assurer une prolongation de mandat, mais qui a été contraint de lâcher prise au terme d’un long et épique bras de fer avec son peuple ? Cela dit, Alpha Condé aurait tort de penser que ça n’arrive qu’aux autres. C’est pourquoi l’octogénaire président guinéen doit avoir la sagesse de renoncer à ce périlleux projet de troisième mandat dont on lui prête l’intention, et qui tend à se préciser de jour en jour.
Autrement, qu’est-ce qu’il lui coûte de clarifier la situation, à l’image du président nigérien, Mahamadou Issoufou, pour éviter de maintenir inutilement le pays dans une situation de tension sociopolitique qui est en train d’atteindre des sommets ?
Au contraire, en entretenant le flou sur ses intentions, tout porte à croire que le maître de Conakry rêve véritablement de ce fameux troisième mandat et est en quête de moyens pour y parvenir. Si c’est vraiment le cas, qu’il sache que sa stratégie est du déjà vu sur le continent. En tout état de cause, si Alpha Condé sème le vent de ce mandat querellé en sautant le pas, il récoltera sans nul doute la tempête d’une vive contestation sociale, avec les conséquences qui iront avec. Il lui appartient donc de savoir lire les signes des temps et surtout de prendre au sérieux, les mises en gardes répétées de l’opposition.