En prélude aux conventions du parti au pouvoir qui se tiennent les 05 et 06 juillet et celle de la mouvance présidentielle sous l’appellation CODECC qui se tient ce lundi, loin de moi l’idée de faire une quelconque apologie de quoi que ce soit, la réalité guinéenne conduit à faire quelques observations et être réaliste face aux résultats de notre propre constatation.
Beaucoup de facteurs endogènes mais aussi exogènes favorisent une éventuelle candidature du chef de l’Etat de 82 ans. À ces facteurs, vient se greffer la grande crise sanitaire, avec ses conséquences multisectorielles aiguës, qui aménuisent les chances d’une alternance à la tête de l’Etat guinéen. Les raisons d’une nouvelle candidature:
1- Parce qu’il existe déjà une loi fondamentale qui autorise le président Alpha Condé à briguer un nouveau mandat (non rétroactivité de la loi). Enfin, les juristes savent de quoi il retourne. C’est raison pour laquelle les opposants ne voulaient pas du tout entendre parler d’une réforme substantielle de la constitution à quelques mois des élections présidentielles car elle ouvrirait la voie à une prolongation du bail à Sekhoutoureya.
C’est peut-être immoral mais pas illégal au regard du droit positif.
2- La société guinéenne n’est pas prête pour un renouvellement de sa classe dirigeante. Dans notre tradition sociologique, on ne remplace un chef, c’est quand il est fauché par la mort, c’est comme ça, on n’y peut rien, fatalisme me dirait-on (enfin nous avons déjà connu deux précédents dans ce pays). Elle s’accommodera de ce que les “élites” lui donneront et lui ont toujours donné. Ce qui amènera au troisième point : la sociologie guinéenne. Le peuple du minimum vital diront certains.
3- La sociologie guinéenne est un terreau fertile à la prolongation des pouvoirs politiques. La diversité sociologique a été et est le socle sur lequel se construit la vie politique de notre pays. Peu importe les idéologies, peu importe les programmes de gouvernance, ce qui compte au final, c’est la capacité à montrer à chacune des communautés, que sans “nous” au pouvoir, le bonheur n’est pas pour demain.
Tant que ce “Nous” n’inclut pas toutes les communautés sociologiques, les politiques se serviront toujours de cette division. Qui a dit déjà “diviser pour mieux régner”?
4- L’incapacité du camp présidentiel à se trouver un candidat “consensuel”
Consensus (entre guillemets), le mot est important. Le parti au pouvoir ne manque pas de cadres qui puissent reprendre le chemin laissé par le leader historique de la politique guinéenne. Il y’a des cadres qui ont de l’envergure, de l’expérience et qui ont des stattures d’homme d’Etat au sein du conglomérat au pouvoir mais pour autant tout est dépeuplé. Et pourquoi ?
Parce que pour ces raisons évidentes :
- la mouvance est plutôt composée par des personnes guidées par les intérêts que par des convictions politiques (il y en a qui ont des convictions, soit dit en passant). Le pouvoir est par nature attractif et la classe politique suit généralement ce qu’on appelle cyniquement la politique du ventre. Il suffit d’un petit choix hasardeux pourque tout s’écroule comme un château de cartes.
- l’autre raison est que le président Alpha Condé a stabilisé son camp en jouant à l’équilibrisme régional. Il y tient tellement que c’est fini par devenir son talon d’Achille. Le choix d’un autre candidat outre himself devra aussi répondre à cette équation : quelqu’un de très équilibriste (accepté ou acceptable des 4 régions) pour ne pas perdre le pouvoir.
Alors qui voyez-vous au RPG arc-en-ciel remplir ce critère au jour d’aujourd’hui ?
Ce point en tout cas, est l’échec personnel du chef de l’Etat, il n’a pas su faire émerger un leadership consensuel autour de lui.
- parce que le parti au pouvoir actuel a peur de finir comme l’ont été avant lui, le PDG-RDA et le PUP. En refusant de ne pas préparer la relève, cette peur finira par l’attraper.
5- Absence d’une alternative crédible au sein de l’opposition
L’opposition guinéenne serait-elle la plus incapable de se régénérer ?
Depuis 2010 jusqu’à nos jours, aucun leader n’a pu se démarquer des clivages habituels. La raison est liée au point 3 de cette analyse. Chaque leader politique s’adosse à sa communauté, fait de celle-ci sa base arrière et son fonds de commerce pour sa gloire personnelle.
Le cas de l’actuel leader de l’opposition est illustratif. Il fait face à une sorte de plafond verre qu’il n’arrive pas à briser.
Il n’y a aucune conviction au sein de l’opposition et de la classe politique de façon générale, il n’y a que des intérêts. Ils sont très promptes à s’unir pour couvrir leurs arrières mais quand il s’agit de l’intérêt général, rien en face. Une candidature unique pour sauver le “peuple” ou plutôt les apparences ?
6- Division de la société civile
La société civile guinéenne s’est montrée très perspicace par le passé en mettant en avant l’intérêt national. Celle d’aujourd’hui est caractérisée par la division et le copinage avec la classe politique (mariage incestueux ou appelé ça comme vous voulez). C’est la raison pour laquelle le combat du FNDC n’aura certainement pas d’issue heureuse hélas.
7- Une jeunesse oisive et manipulable
La jeunesse constitue le présent et l’avenir d’un pays. La nôtre veut tout avoir sans pour autant faire le moindre effort. Sa manipulation n’est que la conséquence de son oisiveté. Elle devient aujourd’hui la chaire à canon de ces assoiffés du pouvoir, on lui fait miroiter un avenir des plus reluisants mais on veut la sacrifier avant même que cet avenir ne soit une réalité. Ce qui fait que la position de cette jeunesse se détermine par l’orientation des billets de banque. Le jour où elle se réveillera de sa léthargie, le pays se porterait sans doute mieux.
8- Et enfin parce que le président Alpha Condé est gage d’une certaine stabilité
Qu’on soit d’accord ou pas, l’actuel chef de l’Etat a apporté une certaine stabilité à la Guinée. Pour beaucoup, même s’ils sont pas d’accord avec sa gouvernance, il lui trouve cette qualité, et c’est cette raison qui va peser quant à un éventuel soutien de la communauté internationale à une possible mandature pour l’homme de Sekhoutoureya. Les partenaires veulent de la stabilité pour sauvegarder leurs intérêts dans un pays, et s’il faut un autre mandat du président Condé pour préserver cet acquis si cher, ils s’en accommoderont.
En un mot ou en mille, pour toutes ces raisons, le président Alpha Condé s’il le souhaite, il obtiendra ce nouveau mandat peu importe le nom que vous lui donnerez.
Alexandre Naïny BERETE, analyste politique.