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Dr Edouard Zoutomou, membre de l’ANAD parle : « ce que je demande à Cellou Dalein… »

Allié de Cellou Dalein Diallo et membre de l’ANAD, cette alliance qui a accompagné l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et son candidat à la dernière élection présidentielle, Dr Edouard Zoutomou Kpoghomou vient de briser le silence. Dans un entretien qu’il a accordé ce jeudi 14 Janvier 2021 à un journaliste de Reveilguinee.info à son domicile privé, le leader de l’Union Démocratique pour le Renouveau et le Progrès (UDRP) livre ses analyses sur la situation politique de la Guinée après la tenue de la présidentielle du 18 Octobre 2020. L’opposant a adressé un message particulier à Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. Exclusif !

 

REVEILGUINEE.INFO : Bonjour Monsieur Kpoghomou. Nous sommes dans une période post-électorale. Validé par la Cour constitutionnelle, Alpha Condé a été installé dans ses fonctions de président de la République. Au sein de l’ANAD, vous qui ne reconnaissez pas la victoire du chef de l’Etat, quelle est votre position actuellement ?

DR EDOUARD ZOUTOMOU : Merci pour la question, à l’ANAD, notre position n’a pas changé. Ce qui est clair, c’est que consciencieusement, quand on passe au peigne Fein les élections telles qu’elles se sont déroulées, tout le monde sait que Monsieur Alpha Condé n’a pas gagné les élections. Alors sur ce plan, l’ANAD reste droit dans ses bottes derrière le candidat qu’elle a soutenue jusqu’à la victoire, même si quelque part cette victoire a été volée à ciel ouvert pour déclarer Monsieur Alpha Condé le vainqueur. Mais le fait que la CENI ait publié des résultats qui ne sont pas sortis des urnes, et le fait que ses résultats aient été entérinés par la Cour constitutionnelle, ne rend pas ses résultats vrais. Double vol, c’est un vol.

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Mais quoiqu’on dise, les institutions de la République légalement établies, ont certifié qu’Alpha Condé a gagné ses élections. Comment comprenez-vous cela alors ?

Encore une fois, comme je l’ai dit, le fait que les institutions aient entériné et qu’il (Alpha Condé) soit installé ne signifie pas que ce sont les vrais résultats. Aujourd’hui la réalité c’est quoi ? Pour le moment Monsieur Alpha Condé a l’effectivité du pouvoir. Pourquoi ? Parce qu’il a l’armée, la police, la gendarmerie, l’administration, et par-dessus de tout, il a la Banque. Ce n’est pas ce qui fait de lui un président légitime. Ce qui est obtenu n’est pas obtenu par la voie des urnes. Ces résultats ont été fabriqués par les Commissions Administratives de Centralisation des votes (CACV, c’est là-bas que tout le vol a été opéré.

Nous sommes en face d’une situation qui interpelle. Vos pairs de l’opposition ont appelé à un dialogue national entre les différentes composantes politiques du pays. A l’ANAD, vous qui êtes un allié de taille de l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, est-ce que le dialogue est au rendez-vous de vos discussions à l’interne ?

On ne peut jamais rejeter un dialogue à priori. Même si les âmes crépitent pendant les guerres, les gens dialoguent. Ici même en Guinée, quand il s’agit de prendre d’importantes décisions, même s’il y a des oppositions au départ, à l’interne il y a des gens qui négocient. Maintenant qu’on aille dialoguer pour simplement avoir le plaisir de dialoguer, il faut que les offres soient effectivement sincères et qu’on sache de quoi on va parler. Si l’agenda du dialogue est connu et accepter de tous, je crois qu’on peut s’asseoir sur une même table, ce n’est pas exclu. L’importance c’est ce qui va être dit dans le dialogue. C’est pourquoi je dis même si c’est des gens s’entretuent, mais ils négocient (…) Donc on ne peut pas refuser un dialogue à priori. On peut refuser ce qu’il y a dans le dialogue, on ne peut le savoir que quand on est dans ce contexte. On peut aller à un dialogue, mais dire que vous allez partir avec la queue entre les pattes, ce n’est pas comme ça. Vous partez dialoguer en position de force. Voilà ce qui se passe. Nous, nous n’avons pas confiance. Nous voulons tous que ce pays-là se développe. Nous ne voulons donc pas une situation qui puisse perdurer et entraver le développement économique, politique et social du pays. Nous sommes ouverts au dialogue, mais, nous vous voulons d’une offre sincère. On ne peut pas dire venez dialoguer alors que vous êtes entrain d’emprisonner des militants.  Cela ne montre pas de bonnes prédispositions, ça ne crée pas un climat de confiance.

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Pendant que le dialogue est exposé sur la place publique, vous avez vos alliés qui sont arrêtés. Leurs procès ne sont toujours pas programmés. Comment expliquez-vous cela ?

Il faut d’abord dire que c’est quand même malheureux. C’est malheureux qu’on soit dans un pays où, à cause simplement des opinions politiques, qu’on vienne arrêter nuitamment des gens et arbitrairement, pour les jeter en prison. De toutes les façons, même s’ils ont commis des actes, il y a quand même dans nos systèmes de jurisprudence la présomption de l’innocence. On ne peut pas arrêter sans avoir effectivement les preuves de ce qui est retenu contre ceux qu’on est entrain d’arrêter. Moi je dis que c’est malheureux. C’est ce qui fait que d’ailleurs, beaucoup de gens doutent (…) Je crois que c’est une erreur. Et tant qu’on n’a pas relaxé ces gens, il y aura toujours une petite attitude de vengeance quelque part. Or, on veut aplanir tout cela, et aller dans un cadre où tout est normalisé pour qu’on puisse s’occuper des questions cruciales pour le développement de ce pays.

Pour être précis, pour aller au dialogue, il faut forcement libérer les détenus politiques ?

Oui, moi je dis que ça pourrait être un acte fort. Vous savez que chaque parti a son état-major, au niveau de l’UFDG, ce sont ces gens qui sont incarcérés. Alors ceux-là ont besoin d’apporter leur concours dans le dialogue, parce que le président de l’UFDG ne va pas aller s’asseoir seul et négocier. Il va falloir qu’il prépare quelque chose.

Et vous, en tant que membre de l’ANAD et allié de l’UFDG ?

Je parle de nous tous. C’est un travail d’ensemble. Ce n’est pas seulement deux personnes ou trois, sinon, moi-seul je peux aller dialoguer, Cellou seul peut aussi le faire. Mais ce n’est pas ce qui compte exactement. Nous voulons justement que ça soit inclusif et que tout le monde sente sa participation (…)

Il y a la composition du nouveau Gouvernement qui est annoncé. Même si ça retarde encore, mais ce qui est évident, plusieurs opposants risquent de rejoindre le navire Condé. Vous, en tant que Dr Zoutomou, est-ce qu’on vous a contacté ? Voulez-vous d’un poste ministériel ?

Je l’ai toujours dit : je ne suis pas là pour servir un homme. J’ai toujours dit que si le travail, c’est pour servir le pays, je crois que j’ai quand même une expertise à apporter. Et si je dois l’apporter dans un cadre indépendant, je suis d’accord d’observer et peut-être d’analyser toute proposition qui pourrait venir. Mais à priori, je ne suis pas un chercheur de poste.

Vous voulez dire que le président Condé ne vous a pas contacté pour un quelconque poste ?

Personne ne m’a contacté. A l’heure où je vous parle, personne. Et je ne sais pas si quelqu’un me contactera. Donc, je ne peux pas parler dans l’hypothétique. Alors, si un appel vient, je saurai comment répondre, si un appel ne vient pas, la même chose. Dans tous les cas, je ne m’attends à rien.

Vous avez été l’un des postulants à la présidentielle du 18 Octobre 2020. Malheureusement, votre candidature a été rejetée par la Cour constitutionnelle. A date, est-ce que vous avez reçu la caution que vous aviez versé auprès de l’institution ?

Oui, ma caution a été remboursée. Elle a été virée dans mon compte. Peut-être c’est parce que j’avais fait des menaces. De toutes les façons, je n’ai pas participé à ce processus. Donc je ne voyais aucune raison qu’on garde la caution que j’ai payé. Moi j’avais dit que si ça restait là-bas longtemps, on allait prendre d’autres dispositions légales. J’étais prêt à embaucher des avocats et aller où ça se doit pour qu’on me rembourse parce que franchement ça n’avait aucun sens.

Comment comprenez-vous la posture actuelle de votre allié qu’est l’UFDG, qui se trouve dans une fermeté totale revendiquant toujours la victoire de Cellou Dalein ?

Je pense que l’UFDG est dans son droit de le dire. Mais vous savez, il y a élément de temps. Nous sommes devant un fait accompli. Et devant ce fait accompli, il y a peut-être une stratégie à adopter. Je ne suis pas sûr que rester tout le temps dans la rigidité va résoudre le problème. Si c’est une rigidité qu’on adapte à une nouvelle stratégie, je suis d’accord. Mais si c’est la rigidité dans la même démarche, ça n’apportera pratiquement rien. Je suis pragmatique. Alors, s’il y a la possibilité de parler surtout que dans certaines situations des partis se sont entretenus et ils ont dialogué, peut-être pas à ciel ouvert, disons en privé, arriver à quelque chose, le résultat, on le met comme un fait accompli devant les autres. C’est des choses qui peuvent se faire. On ne peut pas être rigide tout le temps, surtout avec la même stratégie. Moi c’est ce que je vois.

Donc en grosso-modo, vous conseillez à Cellou Dalein d’adopter une autre stratégie ?

Oui ! Ce que je demande à mon ami, c’est d’adopter une autre stratégie. Je ne lui dicterai pas la stratégie, parce qu’il y a souvent l’intention ou la tendance de pouvoir confondre les choses. Elhadj Cellou n’est pas seulement candidat de l’ANAD, il est d’abord candidat de l’UFDG supporté par l’ANAD. Parce que l’ANAD, n’est pas une structure politique, en conséquence, n’est pas habilité à présenter un candidat, selon les termes de n’importe quelle constitution que vous prenez. Donc, ça sera à eux d’envisager une nouvelle stratégie avec notre apport. Nous, nous pouvons apporter quelque chose, pour dire voilà ce que nous pensons qui doit être fait.

J’étais le coordinateur de la campagne de l’UFDG en Guinée forestière. Ce que j’ai pu faire, je l’ai fait. Les résultats que nous avons obtenus parlent d’eux-mêmes. S’il s’agit de défendre, nous défendons ces résultats mais devant le forcing qui a été opéré, il faut adopter une autre stratégie.

La dernière actualité, c’est bien cette résolution adoptée par les députés contre les coordinations régionales du pays. Cette résolution interdit aux coordinations de s’immiscer dans les affaires politiques de la nation. Qu’en pensez-vous ?

Moi je pense qu’il y a un manque de sincérité dans ce qui se dit. C’est-à-dire, si les coordinations prennent des positions favorables au pouvoir, il n’y a pas de problème, ça se fait. Mais si ses coordinations sont tant soit peu, opposées à ce qui se fait, et elles démontrent vocalement les positions affichées de la mouvance, ça devient un problème. Sinon, les coordinations ont toujours existé. Mais c’est l’apport des politiques qui font que ses coordinations prennent des positions qui sont plus ou moins contre les actions du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle ils (les députés) parlent. Le problème ce n’est nullement les coordinations. Le problème c’est justement les partis politiques à commencer par la mouvance.

Vous avez un message à adresser à la classe politique en général, au chef de l’Etat en particulier ?

Je dirai au chef de l’Etat que la Guinée est un bien commun. Et si nous voulons tous que ce pays avance, il va falloir apporter beaucoup de flexibilité, il faut mettre un peu de bémol dans nos comportements. C’est-à-dire, aller à tout moment ramasser des gens comme des escargots, les mettre en prison, ce n’est pas ce qui va résoudre le problème. Le président de la République est censé être le père de tous les guinéens, ceux qui ont voté pour lui comme ceux qui n’ont pas voté pour lui, une fois qu’il est installé dans ses fonctions de chef de l’Etat.

Alors je lui dirai que c’est lui qui doit plutôt tendre une main sincère pour que les gens sachent qu’il veut le bien du pays, pas que son installation comme président de la République, parce qu’à l’heure qu’il fait, on a l’impression que ce qui l’intéresse, c’est d’être confirmé président de la République. Les problèmes qui intéressent les guinéens, ne sont nullement ses affaires. Je pense qu’il faut qu’il prenne une bonne dose de la réalité et essayer de tendre la main à toute la classe politique(…)

Entretien réalisé par Alpha Madiou BAH

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