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Cellou Dalein sur Rfi: ‘’ On n’a pas boycotté les élections législatives. On a été exclus’’

En Guinée, après une troisième défaite consécutive à l’élection présidentielle, et confirmée par la Cour constitutionnelle, le principal opposant Cellou Dalein Diallo n’en démord pas. Il continue de revendiquer sa victoire, affirmant que le scrutin a été truqué. Après l’épuisement des recours légaux et sans députés à l’Assemblée nationale, il reste déterminé à se faire entendre par la rue et dit ne pas croire aux appels à dialoguer lancé par Alpha Condé.

RFI : Cinq hauts cadres de votre parti ou de l’alliance qui vous soutiennent actuellement ont été mis sous les verrous en fin de semaine, pourtant le président Alpha Condé estime lui qu’il n’y a pas de chasse aux sorcières, ce sont ses mots. Alors de quoi s’agit-il selon vous ?

Cellou Dalein Diallo : J’ai été séquestré dans ma maison, mes bureaux et mon siège sont toujours occupés par l’armée jusqu’à maintenant. Une répression sauvage s’est abattue sur mes partisans faisant 48 morts, beaucoup des blessés par balles, au moins 200, des arrestations, 350. Il n’arrive pas à digérer l’échec qu’on lui a infligé dans les urnes.

Alors vous parlez de revanche, selon-vous est-ce qu’il y a une logique personnelle derrière tout ça ?

Lui, il aime dire qu’il a tué l’UFR, ce n’est pas vrai. Mais ce qui est certain, l’UFDG reste un grand parti, donc nous n’avons pas d’inquiétude à cet égard. Je suis confiant en l’avenir.

À la télévision nationale, le président Alpha Condé a déclaré qu’il tend la main aux opposants, qu’il est ouvert au dialogue, est-ce que cette démarche vous semble crédible ?

En attendant, c’est un bras armé qu’il a sorti, ce n’est pas une main tendue. C’est une main assassine qu’il a sortie.

Est-ce qu’il pourrait y avoir des conditions ou des bases sur lesquelles vous pourriez éventuellement accepter la possibilité d’un dialogue ?

Si c’est pour définir les modalités, le respect de la vérité des urnes, de la reconnaissance de ma victoire, pourquoi pas ?

Alors la Cour constitutionnelle, c’était il y a une semaine a rejeté le recours qui a été déposé par votre parti, c’était attendu, néanmoins vous avez dorénavant épuisé tous les recours légaux, à partir de maintenant qu’elle peut être votre stratégie ?

Le droit de manifester dans les rues et sur les places publiques est un droit constitutionnel en Guinée. Et nous allons user comme je l’ai dit tantôt, de tous les moyens légaux pour imposer la vérité des urnes et pour obtenir la reconnaissance de notre victoire.

Alors il y a d’un côté les difficultés matérielles avec la militarisation des quartiers de manifester et d’un autre côté aussi, l’usure quelque part de vos militants qui ont manifesté pendant des jours et des jours, et on l’a senti sur les derniers appels que vous avez lancés, c’était plus difficile de mobiliser et même lors du dernier appel à la journée ville morte il n’a été que partiellement suivi.

Écoutez, ça c’est une lecture ! La journée de ville morte à laquelle nous avons appelée a été respectée. La quasi-totalité des boutiques et magasins étaient fermés et lorsque c’est le cas, le port ne fonctionne pas, les banques ne fonctionnent qu’à 30% au maximum. Si aujourd’hui Alpha qui se déclare élu est obligé de réquisitionner l’armée pour occuper les rues, ce qui montre que ce n’est pas une élection vraiment, c’est un hold-up électoral. Dans l’exercice de ce droit constitutionnel de manifester, des manifestants ont été abattus à bout portant, c’est de la responsabilité de l’Etat de trouver les auteurs et de les déférer devant les tribunaux. Il a toujours garanti l’impunité aux assassins et qui néglige de punir le mal le cautionne.

Vous avez déclaré que le président de la République n’avait plus les capacités pour faire campagne, est-ce que vous vous êtes trompé ?

C’est vrai qu’il est sorti faire la campagne, il a fini par prendre son hélicoptère mais moi j’ai emprunté les routes de l’enfer, lui il a pris son hélicoptère.

Aujourd’hui l’UFDG comme l’UFR n’a plus de députés à l’Assemblée nationale, est-ce qu’en regardant les choses à posteriori, vous regrettez d’avoir boycotté les législatives ? Est-ce que c’était une erreur ?

Commençons par rétablir la vérité ! On n’a pas boycotté les élections législatives. On a été exclus.

Aujourd’hui, est-ce que cette situation ne risque pas de créer des tensions au sein votre parti ?

Il n’y a pas de crise au sein de l’UFDG. Les gens croient en nous et nous sommes fiers de leur confiance et nous en serons dignes.

Après 2010 et 2015, c’est donc la troisième fois que la Cour constitutionnelle déclare que vous avez perdu l’élection présidentielle, comment vous voyez votre avenir politique ?

Aujourd’hui, moi je n’ai pas perdu, je sens que la population guinéenne me fait confiance, je suis très fier. On va continuer le combat. Je suis sûr que je vais atteindre mes objectifs.

Par quels moyens ?

Par la lutte. On continue la lutte. Le peuple est conscient aujourd’hui des problèmes, des contraintes et des obstacles, c’est Alpha Condé, il faut le dégager. La force populaire finira par l’emporter et instaurer effectivement un véritable Etat de droit dans notre pays.

La Cedeao, l’Union africaine ont envoyé des messages de félicitations au président de la République Alpha Condé. Vous avez été déçu ?

Pourquoi Alpha Condé dans l’interview qu’il vous a accordée a dit qu’il s’en fout de l’Union européenne, il s’en fout des Occidentaux, que lui c’est la Cedeao et l’Union africaine ? Pourquoi s’il était sûr de la transparence de son scrutin, c’était un motif suffisant de faire observer l’élection par l’OIF

Est-ce que vous allez réintégrer le FNDC ?

Ecoutez, ce n’est pas exclu, nous sommes en train de voir comment rassembler le maximum autour de l’ANAD, autour de l’UFDG pour que le combat pour la démocratie, le combat contre le 3è mandat puisse continuer.

Selon Alpha Condé, c’est l’opposition qui est responsable des violences et des morts qui sont enregistrés depuis le début de la crise politique, qu’est-ce que vous lui répondez ?

Tuer un manifestant c’est un crime, le refus d’engager toute enquête pour identifier les auteurs et les déférer devant les tribunaux, leur garantir une impunité totale est un autre crime. Donc Alpha Condé est coupable. Et pendant qu’il était à l’opposition, il a participé à des actions de déstabilisation contre le président Lansana Conté.

Cela fait maintenant plus d’un an que ce processus de troisième mandat a plongé la Guinée dans une grave crise politique avec ses conséquences économiques, avec ses conséquences sociales que vivent les Guinéens au quotidien, comment sortir de cette crise ?

Aujourd’hui, près de la moitié des Guinéens vivent en dessous du seuil de la pauvreté, des milliards et des milliards de dollars sont (…) et la pauvreté s’aggrave. Les infrastructures se dégradent. La jeunesse désœuvrée prend le chemin de l’exil, beaucoup sont morts dans la Méditerranée ou dans le désert. Avec 12 millions d’habitants, nous sommes les premiers demandeurs d’asile. Lorsque vous quittez Freetown pour venir à Conakry, lorsque vous rentrez en Guinée, vous allez dire que c’est la Guinée qui sort de guerre. Il n’y a pas de route.

De manière immédiate, qu’est-ce qu’il faut faire ?

Ben, il faut respecter la vérité des urnes, reconnaître le vrai vainqueur, instaurer un dialogue. Mais les conditions d’un dialogue sont loin d’être réunies.

Avec RFI

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