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Participation des leaders du FNDC à la présidentielle du 18 octobre : la lecture de Me Mohamed Traoré

Je suis de ceux et celles qui ont désapprouvé sans ambages la participation de l’opposition à l’élection présidentielle du 18 octobre prochain. J’ai indiqué les raisons qui sous-tendent cette position. Il s’agit entre autres du caractère très peu fiable du fichier électoral et le fait que toutes les institutions de la République, la Cour constitutionnelle et la CENI en particulier, sont assujetties au Président de la République qui régente et contrôle tout dans le pays. Maintenant que certains partis politiques ont décidé, à la suite de consultations internes, de prendre part à cette élection, que faut-il faire ? Faut-il continuer à critiquer ce choix et ne rien faire d’autre ?

Pour répondre à ces questions, il ne faut pas perdre de vue que l’objectif de tous les démocrates guinéens aujourd’hui, est de faire en sorte qu’il y ait une alternance en Guinée.
Il n’est pas normal que celle-ci n’intervienne dans notre pays qu’à la suite du décès d’un président en exercice et la prise du pouvoir par des hommes en uniforme dont ce n’est pas la vocation première. Durant toute l’année 2019, des millions de Guinéens se sont battus pour le respect des dispositions de la Constitution de 2010 qui impose la limitation du nombre de mandats qu’un président de la République peut exercer. Cette lutte n’a pas empêché qu’une prétendue nouvelle constitution soit imposée aux Guinéens. Ce texte qui a été falsifié de la façon la plus honteuse n’est reconnue que par ses « fabricants ». On ne pourra jamais parler de ce texte sans évoquer le fait que certaines de ses dispositions n’ont pas été approuvées même par les Guinéens qui ont décidé de prendre part à la parodie de consultation référendaire du 22 mars 2020. Ce qui enlève toute légitimité audit texte.

Pour revenir à la participation des partis d’opposition membres du FNDC à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, faut-il s’enfermer dans une posture de » ni, ni » ?
En d’autres termes, faut-il refuser de soutenir Alpha Condé pour avoir violé, à travers des articles juridiques, le principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels et refuser en même temps de soutenir un candidat présenté par un parti d’opposition au motif que sa participation à cette élection n’aura d’autre effet que la reconnaissance de la prétendue constitution du 22 mars 2020 et la légitimation de la mascarade électronique en vue ?

Pour ma part, je ne vais pas continuer à ressasser ce qui est perçu à juste raison comme une incohérence de la part de certains partis politiques. J’ai décidé de soutenir de la façon la plus active un candidat en ayant l’espoir- certes mince – qu’il sera celui qui va mettre définitivement à la retraite politique le Président Alpha Condé. Si ce candidat parvenait à remporter cette élection, je serais l’homme le plus heureux du monde. Je dirai que mon combat pour le respect de l’alternance démocratique n’a pas été vain. S’il perdait, je serais néanmoins fier et satisfait de dire que je ne me suis pas trompé en déconseillant les partis politiques membres du FNDC de présenter des candidats à cette élection. Mais je ne suis pas prêt à croiser les bras sous prétexte que ma position n’a pas été prise en compte dans la décision des partis politiques qui ont décidé de compétir. Je me battrai pour que le candidat que j’ai décidé de soutenir, bien que je ne sois pas membre de son parti, remporte l’élection; et j’irai voter le 18 octobre. L’essentiel pour moi est que nul ne puisse faire désormais plus de deux mandats dans notre pays. Je suis un militant de l’alternance démocratique. Si Ousmane Kaba, Abdoul Kabèlè Camara, Makalé Traoré, Ibrahima Abé Sylla, Ousmane Doré, Cellou Dalein Diallo ou même Élie Kamano est élu le soir du 18 octobre, j’en serais très heureux puisque la Guinée aura réalisé pour la première fois depuis son indépendance une alternance par les urnes, c’est-à-dire sans l’irruption des militaires sur la scène politique où ils n’ont aucune place. Il est possible de mener le combat pour l’alternance tant souhaité par le rue et par les urnes. On aura rien à perdre en menant le combat sur tous les fronts. Il y en a qui ont tenté d’obtenir l’alternance par les armes; il ne serait donc pas mauvais de tenter l’alternance par les urnes même si les chances d’y arriver sont infimes dans un pays comme le nôtre et dans les conditions actuelles. S’il y a des conséquences éventuelles à tirer d’un échec de la participation d’un parti politique à ce scrutin, il faut espérer que leurs militants le feront sans complaisance.

Cela étant dit, je soutiendrai le candidat qui s’engagera, au cas où il serait élu, de prononcer la dissolution du groupement qui siège actuellement comme Assemblée nationale et de revenir à la Constitution de 2010 même s’il doit par la suite la soumettre à un référendum pour enterrer définitivement l’argument de son illégitimité.

Par Me Mohamed Traoré,

Ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats

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