Dans un contexte pré-électoral tendu, en Guinée et en Côte d’Ivoire, la circulation de fausses informations sur les réseaux sociaux risque d’alourdir le climat. Un document émanant – en apparence – du Département d’État américain est relayé sur WhatsApp pour mettre la pression sur les partisans du troisième mandat présidentiel. Vérification faite, il s’agit d’un faux.
Sous l’entête du Département d’État américain, et plus précisément sous le titre « Secretary Pompeo’s Remarks to the Media », le secrétaire d’État américain Mike Pompeo s’adresse à la fois aux présidents de la République de Guinée, Alpha Condé, et de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara, pour leur demander de ne pas briguer un troisième mandat. Ce document évoque « une mise en demeure juridique », une « résolution du Conseil de sécurité de l’ONU » et annonce à la fois des sanctions économiques, une intervention militaire et des restrictions de déplacement des membres des deux gouvernements. Rien de tout cela n’est avéré. Vérification faite, sur le site internet du Département d’État américain, ce texte n’existe pas, n’a jamais existé, mais il circule sur internet.
Détournement de logo, copié-collé
Les indices sont nombreux qui permettent de repérer la falsification. Sur la forme tout d’abord, c’est un document bilingue anglais-français, comme il n’y en a pas sur le site officiel du Département d’État. La typographie ne correspond pas non plus à celle du site officiel. En français comme en anglais, les fautes d’orthographe sont nombreuses, et l’on détecte aussi facilement des tournures de phrase incorrectes que l’on ne retrouverait pas dans un authentique communiqué de l’administration. Il s’agit simplement d’un détournement de logo officiel, comme on en voit beaucoup sur internet.
Sur le fond, ce qui intrigue au premier abord – au-delà de l’énormité de l’annonce qui n’aurait pu échapper à aucun média ni à aucune agence d’information –, c’est que ce pseudo communiqué traite de deux pays différents, avec le même arsenal de sanctions, comme s’il s’agissait d’un seul pays. Surtout, il est facile de vérifier qu’à cette date, aucune résolution n’a été adoptée dans ce sens par l’ONU.
De surcroît, lorsque la Banque mondiale, le FMI, l’Union européenne ou encore la BAD « suspendent leurs décaissements », ils se chargent de l’annoncer eux-même, contrairement à ce que l’on peut lire dans ce document. Ce n’est pas le rôle du secrétaire d’État américain de communiquer à leur place. À en croire ce texte, Mike Pompeo agit comme s’il avait tout pouvoir sur ces institutions internationales. Ce qui n’est pas le cas. Lorsque l’UE adopte des sanctions, ce n’est pas au chef de la diplomatie américaine de les annoncer.
L’anonymat des réseaux
Quel impact la circulation de ce type de faux document peut-elle avoir ? En réalité il n’est pas possible de savoir combien de personnes l’on vu passer. Sa circulation sur WhatsApp interroge, mais l’on ne peut pas savoir dans quelle mesure les internautes qui partagent et relayent le document en ont eux-mêmes pris connaissance, et quel crédit ils lui accordent. Quant à l’auteur présumé du faux communiqué, on comprend bien qu’il s’agit d’une personne ou d’un groupe de personnes très en colère contre le principe d’un troisième mandat pour ces deux présidents, mais le faire savoir par le biais d’informations mensongères ne sert pas la cause des détracteurs du troisième mandat.
Par ailleurs, la désinformation sévit également dans le camp adverse, comme le prouve le travail de nos confrères d’Africa Check, qui ont repéré de leur côté une usurpation d’identité, avec les déclarations d’un soi-disant constitutionnaliste français, démontrant la légalité de la candidature d’Alassane Ouattara. Des déclarations inventées puisque leur auteur n’existe pas.
Avec Rfi