Le président algérien Abdelaziz Bouteflika s’est engagé dimanche, s’il était élu le 18 avril, à ne pas aller au bout de son mandat et à se retirer à l’issue d’une présidentielle anticipée, dont la date serait fixée à l’issue d’une «conférence nationale». Sa candidature a été déposée au Conseil constitutionnel par son directeur de campagne.
Plusieurs fourgons supposés transporter les cartons de parrainages de la candidature de Bouteflika sont arrivés au Conseil constitutionnel dimanche, dernier jour légal de dépôt des dossiers, rapporte les médias algériens. Dans les fourgons, sans signe distinctif, sont empilés des cartons blancs sur lesquels est inscrit en arabe «Direction de campagne du candidat (…) Abdelaziz Bouteflika – Election présidentielle 2019»,
Lettre lue à la TV nationale
Dans une lettre transmise et lue dimanche soir à la télévision nationale, le président Bouteflika confirme sa candidature à un 5e mandat le 18 avril, qui a déclenché une contestation de son pouvoir sans précédent depuis son élection à la tête de l’Etat il y a 20 ans.
«Si le peuple algérien me renouvelle sa confiance» le 18 avril, «je prends solennellement devant Dieu, et devant le peuple algérien» l’engagement d’organiser «une élection présidentielle anticipée» dont la date sera arrêtée par une «conférence nationale» mise en place après le scrutin, annonce le chef de l’Etat dans sa lettre.
«Je m’engage à ne pas être candidat à cette élection qui assurera ma succession dans des conditions incontestables de sérénité, de liberté et de transparence», ajoute M. Bouteflika qui dit avoir «écouté et entendu le cri du coeur des manifestants et en particulier des milliers de jeunes qui m’ont interpellé sur l’avenir de notre patrie».
«Inquiétude compréhensible» des jeunes
Ces jeunes «ont exprimé une inquiétude compréhensible face aux incertitudes qui les animent. J’ai le devoir et la volonté d’apaiser les coeurs et les esprits de mes compatriotes» et de répondre à «leur exigence fondamentale (…) le changement du système», poursuit le président algérien, élu pour la première fois en 1999 et réélu sans discontinuer depuis.
La «conférence nationale» devra «débattre, élaborer et adopter des réformes politiques, institutionnelles, économiques et sociales, devant constituer le socle du nouveau système», indique M. Bouteflika.
En annonçant sa candidature, le 10 février, il avait promis dans une lettre-programme l’organisation d’une conférence nationale regroupant «toutes les forces politiques, économiques et sociales de la Nation» et chargée de définir «les réformes et changements nécessaires». Il avait toutefois précisé que c’est lui qui s’occuperait de la concrétisation des conclusions de la conférence.
Directeur de campagne limogé
Il a également limogé samedi son directeur de campagne. Une possible réponse aux manifestations massives de la veille réclamant qu’il renonce à briguer un 5e mandat. L’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal qui avait animé les trois précédentes campagnes victorieuses (2004, 2009, 2014) du candidat Bouteflika, est remplacé par l’actuel ministre des Transports, Abdelghani Zaalane, a annoncé simplement l’agence APS, citant «la direction de campagne» du chef de l’Etat.
Aucune explication n’a été donnée à ce changement au lendemain de manifestations monstres à Alger et dans le reste de l’Algérie et à moins de 36 heures de l’expiration du délai de dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle, dimanche minuit.
«Manifs d’étudiants»
Dans le pays, des étudiants ont à nouveau manifesté en Algérie dimanche, à quelques heures de l’enregistrement prévu de la candidature. Le camp présidentiel avait la semaine dernière annoncé que le dossier de candidature de M. Bouteflika serait déposé ce 3 mars avant minuit (23H00 GMT), délai légal de dépôt des dossiers, malgré la contestation que suscite la candidature du chef de l’Etat, 82 ans et affaibli par les séquelles d’un AVC depuis 2013.
Depuis l’annonce de la candidature de M. Bouteflika à la présidentielle du 18 avril, la contestation a enflé. Vendredi, des manifestations monstres ont rassemblé à Alger et à travers le pays des dizaines de milliers d’hommes et femmes de tous âges.
Mais le président et ses partisans semblent décidés à ne pas céder à la rue. «Ceux qui ont conditionné leur participation au retrait de la candidature du Président de la République, sans le moindre scrupule pour le respect des règles de la compétition politique en démocratie, seront (…) déçus», a fait savoir dimanche El-Moudjahid, organe de presse officiel du gouvernement dans son éditorial, traditionnel vecteur de messages.
En Suisse
Abdelaziz Bouteflika, qui a célébré samedi ses 82 ans, est hospitalisé en Suisse depuis sept jours, officiellement pour «des examens médicaux périodiques».
Son retour en Algérie n’a toujours pas été annoncé. Aucune disposition légale ne semble cependant obliger un candidat à se présenter en personne au Conseil constitutionnel pour y déposer son dossier. Une fois les dossiers déposés, le Conseil statuera dans les dix jours sur leur validité.
AFP