Ce à quoi nous avons assisté ce mercredi 29 mai 2019, lors de la conférence de presse organisée par le Premier ministre Kassory Fofana, était tout sauf une présentation de bilan.
Un bilan, ça se présente avec des chiffres, des qualités et des réalisations, tout ce que Kassory Fofana, après un an de gouvernance, a été incapable d’apporter.
C’était une simple annonce de promesses et de jeu de cache-cache avec la presse. Il avait pourtant promis que la Guinée rattrapera la Cote d’Ivoire en seulement deux ans de sa primature. Ce qu’il pouvait pourtant présenter comme bilan, ne pouvait être du goût ni de la presse, ni des populations guinéennes. C’est l’autre bilan de Kassory Fofana.
La mauvaise gouvernance
Lors de sa déclaration de politique générale, il y a un an, devant l’Assemblée nationale, Kassory Fofana annonçait le montant de la corruption et des détournements à 600 milliards GNF par an, fléau qu’il avait promis de combattre. Sauf qu’un an après, estimer que le montant des détournements s’est multiplié par deux ou trois et à un rythme effréné.
Les scandales financiers se sont multipliés. Nous avons assisté, entre autres, à la disparation de 21 millions de dollars et des lingots d’or dans la même Banque Centrale (BCRG), il n’y a pas longtemps. En juin 2018, du coté de la SOGEAC, 4 milliards de Gnf ont été détournés.
En septembre 2018, 10 milliards de gnf sur 80 milliards sont frauduleusement payés à X par le Trésor public à la faveur d’un département Ministériel, alors que les travaux ne sont pas exécutés. En janvier 2019, un détournement de 11 milliards est signalé du coté du Ministère de l’Agriculture pendant que monsieur Kiridi Bangoura assumait l’intérim.
Du coté de l’hôpital de Kindia, c’est le montant de 651 millions qui disparaît des caisses de l’Etat. Au même moment, lui, Kassory Fofana était cité dans une affaire de corruption par la justice Belge pour une affaire de 50.000 euros ! Sa ministre de l’agriculture était aussi accusée d’avoir perçue 4,2 millions de dollars de pots-de-vin.
Les recettes des régies financières (ARPT, Port Autonome, OGP,..) et des compagnies minières ont disparu du Budget de l’Etat, les montants sont introuvables et la destination est inconnue des populations. Où sont passées les règles les plus élémentaires de l’orthodoxie financière ?
Les contrats de gré-à-gré.
C’est une gouvernance caractérisée par des contrats de gré-à-gré dans l’octroi des marchés publics. Sous Kassory Fofana, le partage des marchés entre copains et coquins a connu une propension extraordinaire. Les contrats dans le domaine de réalisation des infrastructures : routes, ponts, bâtiments, prestations de services, sont données à des amis contre des pots-de-vin. L’illustration la plus éloquente et dangereuse est celle du contrat de vente d’une bonne partie du Port Autonome de Conakry à la société Turque Albayrak. Un contrat passé dans la plus grande opacité, méconnu des travailleurs, non soumis à l’Assemblée nationale pour évaluation.
La sanction des bailleurs de fonds !
En un an sous l’ère Kassory Fofana, le FMI a présenté contre la Guinée le réquisitoire le plus sévère jamais infligé à une gestion économique d’un gouvernement dans notre pays. Les révélations sont graves. C’est une note de médiocrité en terme claire qui est octroyée à notre pays pour sa gestion des finances publiques. Avec une telle appréciation, aucun investisseur sérieux ne prétendra venir placer un centime dans notre pays. D’ou un impact négatif sur l’attractivité de la Guinée.
Le FMI a demandé les traces des 800 milliards Gnf inscrits au crédit pour la subvention de l’électricité, les 90 millions $ payés par Orange Guinée pour la 4G ; les 60 millions $ de prêts contractés en catimini au Qatar, les raisons du rattachement de la Soguipami à la Présidence ? Des réponses qui n’ont pas pu êtres apportées.
Au cours de cette première année de primature de Kassory Fofana, l’indiscipline budgétaire, la corruption, l’incurie, le copinage et les carences d’une administration incompétente ont été avérés aux yeux de tous les observateurs.
Croissance appauvrissant. Un autre échec !
Tantôt une croissance à 6, 3 %, tantôt à 7 % et maintenant à 10, 2 %, une croissance à deux chiffes. On ne se gène plus, on annonce des taux de croissance au bon vouloir de celui qui prend la parole et en fonction des interlocuteurs en face. A tel point qu’on a l’impression que la Guinée est devenue un pays à revenu intermédiaire, alors que tout est faux. Les chiffres sont manipulés et tronqués.
Mais en vérité, on se targe d’une croissance essentiellement basée sur l’exploitation sauvage des mines dans notre pays et qui va atteindre en 2020, le pic de 100 millions de tonnes de bauxite brute exportée. Quand bien même que dans le Budget 2019, les recettes issues des impôts et taxes miniers ne sont pas traçables. Une richesse qui n’apportent presque rien aux guinéens parce quelle n’est pas transformée pour en donner de la valeur ajoutée, qui serait facteur de création d’emplois.
Malgré cette croissance, les revenus obtenus de ces exploitations ne sont réinvestis nulle part. Pas d’école, pas de route, pas de centre de santé, pas d’adduction d’eau, pas de logements sociaux, pas d’emplois qualifiés. Tout ce résume en création de sous emploi de chauffeurs de camion et de mécaniciens pour l’exploitation minière.
Par contre, cette exploitation est en train de détruire les régions de Boké et Boffa. L’environnement est sérieusement dégradé, l’écho-système dérèglé, les rivières et les marigots asséchés, l’atmosphère pollué, des trous béants de la tailles de 2 à 3 stades de football laissés un peu partout, l’agriculture et l’élevage rendus quasiment impossibles et le niveau de pauvreté aggravé dans ces zones. C’est pourquoi, cette croissance est appauvrissante. Les taxes payées par les compagnies minières sont volées et se retrouvent dans des comptes personnels des cadres véreux d’une administration totalement corrompue. Que Dieu nous en garde du syndrome de l’île dévastée Nauru !
Sur les infrastructures, un autre échec !
Le Premier Ministre Kassory a laissé entendre que 3 milliards $ ont été investis dans le secteur de l’électricité en Guinée pour une production de 725 Mwt. Alors que depuis son arrivée au gouvernement, aucune ville, aucun quartier de la Guinée n’a de l’électricité 24h/ 24. Par contre, l’Ethiopie a investi presque le même montant avec peu de différence pour produire 6000 MWT. Question de bonne gouvernance et de compétence!
Malgré des grandes annonces, d’autres investissements dans des centrales thermiques au-delà des barrages hydro-électriques, le simple courant domestique continue à manquer aux guinéens et les dernières manifestations dans les quartiers de Conakry en font foi.
Dans le domaine des infrastructures routières, le gouvernement Kassory a aussi annoncé l’utilisation de 2 milliards de dollars pour le colmatage des routes. Ce qui représente plus d’une année de budget de la Guinée. Si les routes à l’intérieur de Conakry restent défoncées, les routes reliant la capitale aux villes et sous-préfectures à l’intérieur restent quasiment impraticables. Bientôt, il faudra des pirogues pour se rendre dans certains quartiers de Conakry après les pluies. La route Coyah-Forécariah en est une illustration parfaite. L’argent est tout simplement détourné.
Depuis un an, le soubassement d’un seul logement social n’a pas sorti du sol. Que de promesses pour endormir la conscience des Guinée.
Quant à l’insalubrité, l’arrivée de l’hivernage est venue mettre à nu tout le programme que le gouvernement Kassory avait étalé dans ce sens. Ce programme appelé Conakry ville propre, financé à coût de 100 millions $ et qui interdisait aux populations de vaquer à leurs affaires le dernier samedi de chaque mois entre 6 h et 11h, s’est révélé fantaisiste. L’incapacité de ce gouvernement à nous débarrasser des ordures et à rendre la ville propre à conduit au drame de Dabomby où cinq (5) de nos concitoyens ont perdu la vie dont un disparu. Sous Kassory, Conakry est resté la capitale la plus sale de la sous-région. Les ordures font la loi sur les routes, dans les quartiers et voir même devant le palais présidentiel. C’est la foire des ordures.
Sur le plan de la sécurité et de la quiétude sociale, échec !
Pendant un an, le niveau de l’insécurité en Guinée a grimpé. Sur la base de l’arrogance des responsables des services de sécurité, un nouveau modèle de criminalité a été observé dans notre pays ; le kidnapping et la demande de rançons. Chose que les guinéens n’ont jamais connu auparavant. Nous avons assisté ces derniers temps à plusieurs cas de kidnappings sans que les responsables de ces crimes soient inquiétés, arrêtés et traduits en justice afin de répondre de leurs forfaitures. Des braquages à mains armées à Conakry comme à l’interner du pays ont fait planer un climat d’insécurité jamais égalé dans notre pays, tout ce qui a amené les populations à ne plus avoir confiance aux services de sécurités.
Sur le plan de l’éducation, notre pays est rentré dans un cycle de grèves cette année par l’incapacité du gouvernement Kassory à trouver des solutions. L’école guinéenne a souffert avec le gouvernement Kassory. Pendant des mois, des élèves guinéens du primaire, collège et du lycée ont été privés de cours, abandonnés à eux-mêmes. Ensuite, nous avons assisté aux agressions physiques des camarades syndicalistes (Aboubacar Soumah, secrétaire général du SLEG, Cheick Touré du port autonome, Abdoulaye Sow, SG de l’USTG,…) ; orchestrées par ce même gouvernement.
Au cours de cette année, nous avons été témoins de l’augmentation farfelue du prix du carburant par le gouvernement, alors que le contexte international ne s’y prêtait pas, tout ce qui a affaibli le pouvoir d’achat des populations et impacté négativement le panier de la ménagère. Le gouvernement a fait la sourde oreille suite aux multiples manifestations de la société civile, réprimé de façon très brutale ses acteurs. A cela s’ajoute l’intimidation, l’agression et l’arrestation d’hommes de médias dans l’exercice de leurs fonctions, en violation de la loi sur la dépénalisation des délits de presse.
Pendante cette même année, des militants du FNDC pour la défense de la constitution ont été violentés, empêchés d’exprimer leurs opinions, certains ont été emprisonnés sans procès pour avoir dit non au 3eme mandat.
L’affaiblissement des institutions républicaines !
Pendant, cette année, le gouvernement a mis en branle son programme de destruction de toutes les instituons républicaines et de les contre pouvoirs au détriment d’une seule, la Présidence de la République. En premier, la tentative d’affaiblissement de la Cour constitutionnelle qui avait abouti à la destitution illégale de son premier Président, Kellafa Sall, tout en installant un béni oui-oui afin de prendre le contrôle de l’institution qui est le socle de notre démocratie.
En deuxième lieu, c’est l’Assemblée nationale. On a laissé le mandat des députés s’épuiser par refus d’organiser des élections législatives pour motif de prolonger le mandat des députés dans le seul but de décrédibiliser l’institution aux yeux des populations. Sans parler de la cour des comptes où se trouve un ancien ministre des finances, militant de la premiere heure du parti au pouvoir. Quel crédit ?
Quant à la CENI (la Commission Electorale Nationale indépendante), elle s’est vu refuser la mise à disposition de moyens financiers lui permettant d’organiser les élections à temps. C’est l’expression d’une volonté manifeste d’affaiblir l’institution, prendre le contrôle en corrompant des commissaires en commençant par son Président. Tout est fait pour rendre la CENI dépendante, la contrôler et empêcher l’organisation des élections dans le calendrier légal prévu par la loi.
Voici en quelques mots, l’autre bilan de Kassory Fofana pendant un an. C’est un bilan qui est globalement négatif, marqué par la mauvaise gouvernance, l’amateurisme, et la volonté de servir un seul homme au détriment des populations guinéennes.
Ahmed Tidiane SYLLA