Mamadou Dian Baldé, journaliste et éditorialiste pense que le chef de l’État veut se lancer dans un quitte ou double, à travers le projet de référendum qu’il compte soumettre à l’appréciation des Guinéens. La descente aux enfers du Kountigui de la Basse Guinée, pour s’être opposé au troisième mandat et la gestion du football guinéen figurent également dans cette chronique « croustillante » de notre confrère.
Talibé Barry: Bonjour Mamadou Dian Baldé, votre chronique de cette semaine s’intitule « un référendum à la roulette russe ». Pour vous le chef de l’exécutif se lance dans un quitte ou double, à la faveur de ce projet de référendum?
Mamadou Dian Baldé : Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le président Alpha Condé veut se lancer dans un quitte ou double, par ce fameux projet de changement constitutionnel. Et le fait pour le président de la République de donner une onction à la démarche des membres de son gouvernement, dans cette perspective d’un référendum pour une nouvelle constitution, dénote à suffisance que les dés sont dorénavant jetés.
Dans le compte rendu du conseil ministériel du 27 juin, il est écrit noir sur blanc que le Président de la République a pris ‘’acte de la volonté librement exprimée par la totalité de membres du gouvernement de s’inscrire résolument dans la dynamique du Référendum pour une nouvelle constitution reflétant l’aspiration légitime du Peuple de Guinée à se doter d’institutions et de lois plus adaptées à l’évolution de la situation socio-économique.’’
C’est donc évident qu’on à faire à un gouvernement en phase avec son chef de file, Alpha Condé. Tous prêts à aller au casse-pipe, s’il le faut pour doter la Guinée d’une nouvelle loi fondamentale. Le chef de l’État doit certainement être réconforté par cette solidarité de ses ouailles, après le coup de théâtre provoqué par la démission de l’ancien garde des sceaux, Me Cheick Sako. Ce dernier, il faut le rappeler s’est dit opposé à ce fameux projet de troisième mandat qui sonne comme un casus belli. Malgré les cancans, son départ n’a pas produit l’effet boule de neige tant redouté par la majorité présidentielle.
Plutôt le gouvernement s’est engagé dans une campagne pied au plancher, par le déploiement des grands commis de l’Etat sur le terrain. A vrai dire, l’exécutif ne lésine pas sur les moyens dans sa démarche. Ce qui trahit les intentions du chef de l’État de vouloir être encore sur les rangs, après 2020.
A l’international, cette entreprise « audacieuse » de changement de constitution, fait aussi jaser. C’est ainsi que des amis du président, gênés sans doute aux entournures pour s’être vu mêlés au projet, ont jugé opportun de prendre leur distance avec le pouvoir de Conakry.
C’est le cas des célèbres avocats Mes Albert Bourgi et Boucounta Diallo.
Le président nigérien Mahamadou Youssoufou, fraîchement porté à la tête de la CEDEAO s’est engagé à jouer les gendarmes de la démocratie. Afin de préserver la sous-région des tripatouillages constitutionnels. Pour bien des gens, il s’agit là d’un coup de semonce tiré en direction de Conakry où le débat autour du 3ème mandat agite les esprits.
Le pot de terre contre le pot de fer
Dans cette épreuve de force, vous pensez que c’est un peu le pot de terre contre le pot de fer. Même si pour vous la balance peut pencher d’un côté comme de l’autre ?
Cette sortie du président a mis la puce à l’oreille du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) dont les membres se sont aussitôt rués vers les quartiers généraux des partis politiques alliés, en quête d’adhésion massive à leur cause. Dans cette épreuve de force qui fera date dans les annales de notre histoire.
Pour surmonter le rouleau compresseur de la majorité présidentielle, avec ses moyens matériels et financiers colossaux, le FNDC et l’opposition, dans leur synergie d’actions, veulent intégrer désormais l’option du porte-à-porte à leur stratégie de combat. C’est en quelque sorte le pot de terre contre le pot de fer. Même si les jeux ne sont pas encore faits. Et des deux camps, à savoir le FNDC et le pouvoir, la balance peut pencher en faveur de l’un ou l’autre.
Dans ce tir de barrage contre les velléités de référendum, Cellou Dalein Diallo continue d’esquisser des critiques à la gouvernance. Tout comme Sydia Touré, qui ne rate aucune occasion pour railler les politiques macroéconomiques du gouvernement. Que le leader de l’Union des forces républicaines (UFR) qualifie d’échecs.
Ainsi samedi dernier, lors de l’assemblée générale hebdomadaire de son parti, Cellou Dalein Diallo n’a pas exclu le « départ » du président Alpha Condé, qui pourrait survenir de manière précipitée, selon lui, si jamais il s’obstinait à aller jusqu’au bout de son projet de changement de la constitution.
Un appel auquel pourraient faire chorus les autres démembrements du Front, déterminés à en découdre avec le régime, s’empresse-t-on de croire au sein de l’opposition républicaine. Sans oublier les « brassards rouges », un autre mouvement anti 3ème mandat, qui fait déjà parler de lui dans la cité. Même si certains observateurs parient que tous ces mouvements épars, ligués contre le pouvoir vont préférer évoluer en désordre de bataille, que de coordonner leurs actions.
Le Kountigui, le parfait bouc émissaire
Il y a aussi dans cette chronique le cas du Kountigui de la Basse Elhadj Sekhouna Soumah qui n’est plus en odeur de sainteté avec le pouvoir, qui tente de le bannir pour s’être opposé au projet de troisième mandat ?
La descente aux enfers du Kountigui est un secret de polichinelle. Pour s’être opposé de façon péremptoire à tout changement de constitution, Elhadj Sekhouna Soumah, Kountigui de la Basse Guinée, serait devenu persona non grata au palais présidentiel. Le vieil homme qui fut jadis porté au pinacle grâce à la bénédiction du parti au pouvoir, n’est plus fréquentable pour les grands commis de l’État, qui se bousculaient pourtant à sa porte, il n’y a pas si longtemps. Afin de se recommander de lui auprès de qui de droit, dans ce système népotique.
Jeté en pâture à l’opinion publique, le Kountigui de la Basse Guinée, parfait bouc émissaire, n’entend tout de même pas lâcher prise. Elhadj Sekhouna reste droit dans ses bottes. Même si certains barons du régime, originaires de la région tentent de l’évincer de son piédestal.
D’où ce regain d’intérêt pour le patriarche baga N’Dougou Soumah pour des hiérarques du parti au pouvoir. Mais le centenaire qui semble avoir bon pied et bon œil n’a pas l’air de vouloir jouer ‘’les brutus’’.
Il a dû sentir le vent du boulet, avec les récents incidents qui se sont produits à Kaporo, juste après le passage d’une délégation de cadres du régime, venus faire allégeance au patriarche.
La Communauté baga démontre ainsi qu’elle reste soudée autour d’un idéal commun, et n’entend pas se laisser diviser par des apprentis sorciers.
Le football guinéen et les « marchands du temple »
Vous abordez aussi l’actualité sportive, avec la prestation de la Guinée à cette CAN que vous qualifiez de laborieuse. En cause selon vous ceux que vous qualifiez de « marchands du temple »
Le Syli national a pu se qualifier pour les huitièmes de finale, au terme d’une prestation laborieuse. Les supporteurs du onze guinéen suivent désormais la suite de la compétition avec circonscription. C’est le moins qu’on puisse dire. Le prochain adversaire c’est l’Algérie. Les Fennecs, il faut le reconnaître ne sont pas des enfants de cœur dans cette CAN. Ils ont conclu le premier tour avec brio, inscrivant 9 points à leur compteur. Certains me diront que la Guinée s’est offert par le passé les Fennecs. Mais ce Syli que nous avons en ce moment en Egypte ne rassure pas du tout. L’équipe manque de fond de jeu. A moins qu’elle nous surprenne positivement. Comme l’ont fait les Malgaches. Ce petit poucet qui a ratatiné les Green Eagles du Nigeria par le score de 2 buts à 0.
Pour cette phase d’éliminatoire directe, il faudra invoquer Niké, la déesse de la victoire, dans la mythologie grecque.
En attendant que ne soient chassés ‘’les marchands du temple’’ de notre football, pour que ça marche. Car tout ce parcours chaotique leur incombe. Je veux parler de la Fédération guinéenne de football (FEGUIFOOT) et du département des Sports. Ces deux institutions, c’est blanc bonnet et bonnet blanc.
Vouloir donc faire porter le chapeau de l’échec du Syli à l’entraineur, Paul Put, serait une grossière erreur. Ce pauvre coach n’est qu’un agneau sacrificiel sur l’autel des intérêts des dirigeants de notre sport roi. Tant qu’on ne tranchera pas dans le vif, l’incurie va demeurer au grand dam de la bonne marche du football guinéen.
Mamadou Dian Baldé
Journaliste et éditorialiste