Perdre les élections et gagner le pouvoir, la voilà, la ruse de guerre du sieur Alpha Condé ! Gagner le pouvoir et surtout, le garder et si possible, pour toujours. Il y a bientôt dix ans que cet homme nous martyrise sans avoir jamais bénéficié de la faveur des urnes. Incroyable, non ?
Sûr de sa bonne étoile et de la passivité sans limite de ses compatriotes, il compte bien sûr, récidiver. Ayant pris goût aux délices du trône, sa voracité a quintuplé, son bagout et son cynisme aussi. Cet homme tient à son troisième mandat et si l’on ne fait pas attention, il va l’obtenir. En tout cas, il fera tout pour. Il ne reculera pas quitte à zigouiller la moitié des Guinéens.
Il ne date pas d’aujourd’hui, son funeste projet de présidence à vie. Il y pense depuis toujours et il a d’ores et déjà pris ses précautions. Toute la Guinée est dans ses mains : l’énergie, les mines, la magistrature, l’armée, la police, la gendarmerie, l’administration centrale et surtout la CENI. Celle- là se trouve au cœur du système frauduleux de notre président-professeur. Il n’y a qu’à voir l’énergie qu’il met à y imposer ses hommes-paille (fût-ce Bakary Fofana ou Amadou Salif Kébé). Il n’y a qu’à voir l’opacité dans laquelle fonctionne ce machin.
En amont comme en aval, rien que magouilles, combines et tripatouillages. Prêt à tout pour amasser plus de diamant et d’or, ce monsieur utilise des méthodes qui auraient fait hésiter Bongo et Bokassa, Mobutu et Eyadema. Le système est simple : gonfler le nombre des électeurs dans les fiefs qui lui sont favorables, quitte à enrôler des mineurs de 10 ans. (Par exemple, au dernier recensement, ses statisticiens ont tenté, sans rire, de nous prouver que Kankan serait plus peuplée que Conakry.) Et à l’inverse, réduire au maximum celui des fiefs favorables à l’opposition tout en compliquant l’inscription sur les listes électorales et la délivrance des cartes d’électeurs.
Apparemment, il a donné l’ordre à ses sbires d’endurcir ce système machiavélique, l’enjeu étant cette fois mille fois supérieur.
Tout est déjà verrouillé. A ce jour, on a enrôlé 800 000 électeurs à Siguiri alors qu’à Labé, on atteint péniblement 65 000. Dans nos ambassades de Dakar, de Luanda et d’ailleurs, le processus d’enrôlement a été purement et simplement interrompu sine die et sans aucune explication. Mais il y a plus comique que tout cela : à Mânéya, des agents enrôleurs ont été brutalement arrêtés puisqu’ils faisaient correctement leur travail. Ils ne savaient pas, les pauvres, que sous Alpha Condé, le bon fonctionnaire, c’est celui qui vole pour lui et triche pour le pouvoir !
Tout est verrouillé, je vous dis. Avec la liste électorale que l’on nous concocte, Alpha Condé aura les 2/3 de l’assemblée sans sortir de son lit. Allez aux élections dans ces conditions, reviendrait à donner à l’ennemi plus de flèches qu’il n’en a. Vaut mieux encore, le suicide.
Pour leur honneur, par respect pour leurs militants, pour l’intérêt supérieur de la nation guinéenne, nos opposants, tous nos opposants, doivent refuser d’aller à cette mascarade électorale. Ils doivent se réunir d’urgence et, au-delà de leurs sensibilités et de leurs divergences, constituer un front de refus que rien ni personne ne saura fissurer. On ne participe pas à un match dont les règles du jeu sont truquées.
Chez Alpha Condé comme chez tous les malades du pouvoir, peu importe les moyens, seul le but compte. Chez ces gens-là, aucune conscience, aucun honneur, aucun sens de l’éthique !
Il veut ce troisième mandat quitte encore une fois à briser des destins, quitte encore une fois à violer les principes élémentaires de la morale et du droit ? Eh bien qu’il y aille, qu’il y aille seul ! Si vous l’y accompagnez, chers opposants, l’Histoire retiendra que c’est vous et vous seuls qui lui aurez donné ce troisième mandat qui fera tant de mal au pays.
Tierno Monénembo, in Le Lynx