Il a exercé et trouvé que tenir le pouvoir est plus délicieux pour qui a passé près d’un demi-siècle à s’opposer. Il s’agrippe maintenant au fauteuil. Avec le soutien d’un club blanc et noir de pyromanes et de chasseurs de primes dont le maitre est aux ordres russes enivré par les menus fretins d’Albayrak et de la cohorte de sociétés chinoises.
Comme la corruption des membres de l’opposition républicaine et des à-côtés de Cellou Dalein Diallo (leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg) et chef de file de l’opposition politique) n’a réussi – pour le moment – qu’à pêcher des leaders de moindre envergure abonnés à la soupe du Palais présidentiel, le chef du régime utilise désormais l’arsenal financier de l’Etat pour charmer les bénéficiaires de son décret ainsi que d’autres chasseurs de primes émargeant à la Fonction publique guinéenne. Dans cette nouvelle démarche, Alpha Condé fait augmenter les primes des gros bonnets du personnel de l’administration judicaire.
Avec un traitement particulièrement historique pour les hiérarques des cours et tribunaux. Les autres compartiments de l’administration publique ne sont pas en reste. Ils sont tous sur la liste d’attente. Idem pour les acteurs politiques alliés au Rpg Arc-en-ciel et ceux ayant nouvellement accepté d’accompagner le processus législatif. Les membres de la Coalition démocratique pour une nouvelle constitution (Codenoc) sont les plus gros bénéficiaires des fonds de campagne pour la nouvelle Constitution. Le tout avec le soutien des ministres membres du Codenoc et des chefs d’entreprises très intéressés par la prolongation du calendrier de séjour de Condé au palais présidentiel.
Qui, au nom d’un fameux cadre de prévisibilité et d’opportunités (une fois la constitution adoptée), portraiturent leur réussite personnelle et la performance de leurs sociétés avec le maintien au pouvoir d’Alpha Condé. Ils sont convaincus de soutenir Condé qui a dit clairement en 2019 que « dans les autres pays où il y a eu de nouvelles Constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait». L’exemple est donné par les ministres réunis au sein du Codenoc, qui s’est fendu il y a quelques semaines une déclaration suppliant les autorités compétentes d’interdire les activités du Fndc. Les étrangers membres du groupe de ces hommes d’affaires sont aussi dans la danse. Le nouveau patron de la compagnie Rusal numéro un mondial de l’alumine.
L’abhorrasse Le métronome des factotums du projet est bien Alexander Bregadze, ancien doyen du corps diplomatique accrédité en Guinée (2011 – 2019). Il quitte officiellement son poste le 22 mars 2019 pour revenir en mai de la même année avec la casquette de représentant (permanent) de Rusal. Ce changement de titre, de rang et de qualité n’est pas surprenant. En janvier 2019, c’est le même M.Bregadze qui présente les voeux de nouvel an au président Alpha Condé, en des termes dithyrambiques tous aussi putrides comme celle-ci: « Ce sont les constitutions qui s’adaptent à la réalité, et non les réalités qui s’adaptent aux constitutions».
Sa formule heurte les valeurs cardinales du principe de noningérence dans les affaires intérieures des Etats qu’observe scrupuleusement tout membre du corps diplomatique et consulaire accrédité dans un pays. La méprise est de trop envers ceux au nom desquels il prétend encenser le premier décideur guinéen. Mais le russe l’utilise à dessein pour donner du grain au moulin des concepteurs du projet de nouvelle Constitution, de l’énergie aux déprédateurs pour continuer à piller les caisses de l’Etat, du culot à ministre qui l’audace d’administrer des coups de poing à son collègue après l’avoir fait enfermer dans les toilettes du Premier ministère sans que personne n’ose lever le petit doigt pour rouspéter, du feu vert aux paravents des businessmen de la crise pour inciter à la haine de l’autre, et de l’assurance de protection russe aux délinquants financiers déterminés à prendre en otage l’alternance démocratique en se répartissant sereinement le butin des redevances minières, des contrats d’exploitation de la nouvelle Zone économique et spéciale et bien évidement de la convention portuaire passée avec le gendre du turc Erdogan ou encore les restants des 2 milliards 628 millions 330 mille dollars chipés au pays en l’espace de 7 ans de règne (cela fait exactement les 745 millions 600 mille dollars payés par la SAG, les 352 millions 730 mille dollars par la CBG, les 700 millions de dollars par Rio Tinto, les 150 millions de dollars issus du prêt consenti à la Guinée par l’Angola sous Dos Santos et, c’est bon à ajouter, les 830 millions de dollars payés par les russes de Rusal). Ce discours vaut à l’ex-ambassadeur Alexander Bregadze le surnom de nouveau Guido Santulo (italien d’origine, il est le défunt patron de la société immobilière de Gaeta propriétaire de la Cité Santulo dans le quartier Almanya de Conakry) de Sékoutouréya. Ce pseudo lui sied.
En effet. Bregadze est très influent au palais présidentiel. A la seule différence que sur parole, le russe ne peut jurer de contribuer financièrement aux actions tendant à sévir contre les opposants au projet cher à Condé qu’au nom de la seule et unique Russie. Contrairement à Santulo, il n’est pas non plus le bienvenu dans les chancelleries occidentales. L’assurance que revêt le retour du russe aux affaires en Guinée, se lit dans l’incontestable certitude du chef de l’Exécutif (il est à quelques mois de la fin de son second et dernier quinquennat) qui n’a pas eu d’oreille pour écouter l’appel à choisir « une vie après la Présidence » lancé fraternellement par le duo Soglo-Jonathan en fin d’année 2019. S’il a décliné l’offre, proclamé la vulgarisation, et annoncé l’adoption du projet contesté, c’est que Condé n’est pas tout intéressé à intégrer un jour le Forum des anciens chefs d’Etat où Soglo est vice-président.
Cela est surprenant. Surtout de la part d’un ancien opposant historique dont le combat reste dans les annales de l’histoire de la lutte (menée par ce diplômé de Sciences-po) pour l’avènement d’un civil au pouvoir après des décennies de gestion chaotique des régimes despotiques (de 1958 à 2010). Refuser de partir dans l’honneur après deux mandats successifs s’apparente à un brusque manque de discernement voire de sagesse. Son attitude jusqu’auboutiste dans cette affaire de changement inopportun de la loi fondamentale a déjà coûté la vie à plus d’une centaine d’âmes innocentes, d’opposants ou supposés partisans du respect de la Constitution en vigueur dans le pays. Le clergé a livré son message. Au nom de Jésus il a demandé à Condé de savoir respecter son serment de chef. Les membres de l’imamat ont aussi brisé l’omerta (sans piper mot) au nom de Mahomet en suivant les croisés dans la voie de la Terre promise. Celle formulée par Soglo et Cie. Mais le dernier mot est au bout des lèvres de Condé, qui a dicté son «Non» à l’alternance dans son projet de nouvelle loi.
Le Populaire