Alors que dimanche, 174 décès liés au Covid-19 ont été enregistrés en 24 heures dans la botte, soit le bilan le moins lourd depuis le début du confinement décrété le 9 mars, à partir de ce lundi les Italiens recouvrent quelques libertés. Et entament une nouvelle phase dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus.
Derrière la porte entrouverte de son taxi, Tiziano remet prestement son masque sitôt qu’on lui adresse la parole. Il n’ose pas trop espérer d’amélioration avec le début du déconfinement : « Le travail ne reprendra pas, estime-t-il. Maintenant je travaille pour rien. Cela fait 3 heures que je suis là, je n’ai pas encore fait une course. Les jours où ça va bien, on fait 2-3 courses en 10 heures de travail. C’est presque humiliant. »
Masque obligatoire dans les lieux publics
En Italie, c’est un déconfinement progressif qui a commencé ce lundi. Les entreprises manufacturières et la construction peuvent relancer leur activité. Restaurants et bars qui pouvaient seulement livrer pourront désormais vendre à emporter également. Les commerces de détail, eux, ne rouvrent que le 18 mai. Les clients des bars et restaurants ne pourront consommer sur place que début juin. Mais dès ce lundi, les parcs rouvrent leurs portes, dans le respect des mesures de distanciation.
D’ailleurs, dans les lieux publics clos comme les transports en commun, le port du masque devient obligatoire. Cela dit, à Milan, la plupart des personnes que j’ai croisées dimanche dans des rues très peu fréquentées avaient déjà adopté ce geste. Aujourd’hui, les activités sportives individuelles sont également autorisées, même à distance du domicile. Il est aussi de nouveau possible de célébrer des funérailles à 15 maximum et de rendre visite à un proche si c’est nécessaire.
Des règles floues
Mais certaines règles restent floues. Sur les visites de proches par exemple. Cela peut se faire pour les liens familiaux jusqu’au sixième degré, et pour les relations affectives stables, reste à les définir… Autre facteur de confusion, les particularités régionales : la Calabre et la Vénétie veulent la réouverture des bars et des restaurants et se livrent à un bras de fer avec le gouvernement.
En tout cas, les Italiens ne s’attendent pas à une reprise économique rapide. Et plus que le soulagement, c’est souvent une note d’inquiétude qui pointe en premier à l’évocation de cet allègement. Certains craignent une nouvelle flambée des contagions.
« J’ai un peu peur »
Tiziano souhaite plus de clients pour son taxi, mais n’est pas encore près a profiter de ce petit regain de liberté : « Cela fait deux mois que je n’ai pas vu mon fils qui vit chez sa mère. Mais je n’ai pas encore suffisamment confiance pour y aller », avoue-t-il.
Marco Quispe n’ira pas voir non plus ses proches tout de suite, peut-être la semaine prochaine en fonction des événements. Ce professionnel de santé craint de les contaminer. Ce début de déconfinement n’est pas un soulagement : « J’ai un peu peur, témoigne-t-il. Ils ont dit que plus de 4 millions de personnes retournaient au travail. Si c’est le cas, moi j’irai à pied au travail. »
Assis sur un banc, Mariaromana Monti et Maurizio Modiano sont partagés : « On est un peu inquiets parce qu’on ne sait pas exactement combien de personnes sortiront. Mais, on est aussi très contents que ça commence enfin », reconnaissent-ils. Même si Maurizio admet être « inquiet parce que le décret n’est pas clair du tout ». Concernant la question des visites familiales, par exemple.
De l’autre côté de la place, une femme s’engouffre dans un taxi. Tiziano décroche enfin une course.
En Slovénie voisine et en Hongrie, les terrasses des cafés et des restaurants ont rouvert ce lundi, à l’exception de Budapest. En Pologne, des hôtels, des centres commerciaux, des bibliothèques et certains musées rouvriront également. En Allemagne, les écoles doivent rouvrir progressivement dans certains Länder à partir de ce lundi. Et le ministre allemand de l’Intérieur, qui est aussi ministre des Sports, se dit favorable à une reprise du championnat de football.
À Rome, des habitants soulagés mais en « semi-liberté »
À Rome, c’est un redémarrage prudent sous un magnifique soleil. Tout le monde est masqué car le port du masque est obligatoire dans les lieux publics. Mais les gens sourient des yeux, visiblement soulagés de retrouver une semi-liberté.
Et pour certains le chemin du travail. Les pizzerias, par exemple, sont rouvertes mais uniquement pour la vente à emporter. Pas question de déguster sur place une margherita, c’est strictement interdit.
Des transports en commun presque vides
Ici et là, des boutiques-ateliers d’artisans ont relevé le rideau. Les protocoles de sécurité sont respectés : gel hydro-alcoolique, distanciation entre clients et employés d’au moins un mètre, désinfection des locaux deux fois par jour.
Les transports publics, notamment bus et tramways, circulent encore presque vides. Les Romains, très craintifs, préfèrent les éviter, et donc c’est le retour des vespas, motos et voitures. Mais, pour le moment, pas de grands embouteillages. Ce qui permet d’entendre tous les « Ciao bella » qui manquaient tant à la ville éternelle durant ces deux mois de confinement.
Avec Rfi