Les législatives couplées au référendum en Guinée auront lieu, en principe, le 22 mars prochain. A quelques jours de ce scrutin qui cristallise toutes les attentions, la tension ne fait que monter.
Alors que le président Alpha Condé ne veut pas se laisser prendre au piège de la date butoir du 21 avril, délai à partir duquel, selon les dispositions de la Charte de l’UA et de la CEDEAO, il peut dire adieu à son rêve de tripatouillage constitutionnel pour se maintenir au pouvoir, l’opposition, elle, n’entend pas se laisser conter fleurette.
Alors que le bras de fer ne ramollit pas entre les deux camps, un troisième larron s’invite au débat : le coronavirus. En effet, alors que s’avance à grands pas la double consultation électorale, le pays a annoncé son premier cas de malade victime du COVID-19. Même si à l’échelle du pays, l’on n’a pas encore franchi le seuil épidémiologique, la question que l’on peut, tout de suite, se poser est la suivante : quel sera l’impact de la pandémie du coronavirus sur le scrutin ?
Les risques d’un fiasco électoral suffiront-ils à faire reculer le satrape ?
Même si comparaison n’est pas raison, l’on peut se demander si l’on ne s’achemine pas vers le scénario français où, malgré le contexte épidémiologique, l’Exécutif français avait maintenu le premier tour des élections municipales, avec le résultat que l’on sait : un taux record d’abstention de plus de 60%.
Même si l’urgence sanitaire française du fait de l’épidémie du coronavirus, n’a rien à voir avec le cas guinéen qui n’en est qu’à ses débuts, l’on peut facilement imaginer que la psychose que la maladie provoque sur le continent, peut constituer un frein à la participation à l’élection du 22 mars. Et voilà qui devrait, en tout cas, apporter de l’eau au moulin de l’opposition qui appelle les Guinéens à boycotter le scrutin et à l’empêcher par tous les moyens. Mais les risques d’un fiasco électoral suffiront-ils à faire reculer le satrape ?
Sans trop grand risque de se tromper, l’on peut répondre par la négative. Et pour cause. D’abord, un responsable gouvernemental guinéen ne s’est pas gêné de traiter le seul cas d’infection au Covid-19, de « problème mineur ». Ensuite, Alpha Condé n’est certainement pas Emmanuel Macron. Car, plutôt qu’un report du scrutin, Condé n’hésite pas à user du virus pour mettre sous l’éteignoir les aspirations démocratiques de son peuple.
Pour preuve, la pandémie a servi de prétexte pour ajourner la mission de haut niveau de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui devait se rendre à Conakry le 17 mars pour une ultime médiation avec le chef de l’Etat guinéen. Si l’on ne peut donc douter de l’entêtement du président Alpha Condé à organiser contre vents et marées son scrutin, l’on peut, tout de même, s’interroger sur son sens de la responsabilité en tant que chef de l’Etat.
A l’heure où le mot d’ordre partout dans le monde est à l’interdiction des rassemblements des populations pour freiner la propagation du coronavirus, Alpha Condé va-t-il envoyer les Guinéens à l’abattoir ? S’est-il même soucié des mesures de distanciation dans les files humaines, de la dotation des populations en masques et des mesures d’hygiène à prendre dans les bureaux de vote pour protéger les électeurs ?
Il appartient au peuple guinéen de prendre ses responsabilités
Quoi qu’il en soit, il appartient à Cellou Dalein Diallo et à ses camarades du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), d’exploiter au mieux cette irresponsabilité du chef de l’Etat au service de leur lutte : faire échec au scrutin anti-démocratique du 22 mars 2020. L’on peut d’ailleurs déjà leur tresser des lauriers pour n’avoir reculé devant rien pour empêcher cette forfaiture ; en témoigne la saisine de la Cour de Justice de la CEDEAO contre la Guinée, la Commission de la CEDEAO et les 14 membres pour manquements à leurs obligations de protection des droits de l’Homme, de l’Etat de droit, de la démocratie et de l’ordre constitutionnel.
Le FNDC estime, en effet, qu’il est de la responsabilité de la CEDEAO, en tant que garante ultime du respect des droits de l’Homme et de l’ordre constitutionnel, de veiller au respect, par les Etats membres, de l’application de ces règles impératives d’une part, et de faire en sorte que les Etats membres qui n’honorent pas leurs obligations soient frappés de sanctions judiciaires et politiques d’autre part.
En attendant que les pressions exercées par le FNDC sur Alpha Condé portent fruit, il appartient au peuple guinéen de prendre ses responsabilités en obligeant le satrape à abandonner son projet aventurier qui menace gravement la paix et la stabilité d’un pays de 12 millions d’âmes et qui est un maillon essentiel de la CEDEAO.
En tout cas, le FNDC doit, de ce fait, dans une volonté commune de tourner la page des dictateurs qui se sont succédé à la tête de l’Etat guinéen depuis l’accession du pays à la souveraineté internationale sans véritablement réussir à le lancer sur l’orbite du développement, faire échec à ce scrutin.