Chers compatriotes et acteurs socio-politique de la mouvance présidentielle, du FNDC, de la CODEP et de la classe dirigeante, comprenons la lassitude du Peuple et privilégions le dialogue pour panser l’échec de notre système démocratique en agonie.
Pour ce qui est de l’effondrement socio-politique de notre pays et le contexte de la relance du dialogue inclusif, il y a lieu de rappeler ce qui suit pour devoir de mémoire :
Le système Néo libéral prôné à la fin des années 80 a légué à la Guinée non seulement le mode de production capitaliste, et avec lui l’embryon d’un nouveau système de classes sociales, mais également, par le biais de l’information et de la scolarisation, un certain type de culture en même temps qu’une manière de concevoir l’appareil institutionnel et juridique. Cet héritage inopportun et inadapté, spontanément acquis explique, en grande partie, pourquoi les dirigeants actuels de la Guinée, sont confrontés à une situation difficile qui se caractérise à la fois par la crise des institutions politiques et par une position de dépendance souvent accrue à l’égard de l’ancienne métropole. Par-delà des analyses, le mérite est de poser clairement les problèmes de l’avenir et de se demander en particulier si cet état de fait condamne les guinéens à subir éternellement la loi de la dictature du mercenariat politique.
Depuis plus de dix ans la Guinée, à la recherche d’un équilibre introuvable, traverse une série de crises politiques dont le peuple est pratiquement toujours absent. En effet, le droit de suffrage, par lequel devrait normalement s’exercer la souveraineté populaire, ne permet guère aux citoyens de se faire entendre.
La signification d’une élection dépend, en effet, d’au moins deux conditions fondamentales qui, si elles ne sont pas respectées, ne peuvent que la transformer en plébiscite ou en mascarade : la détermination du choix des candidats et l’expression de la volonté des électeurs.
Le double scrutin législatif et référendaire du 22 Mars 2020 en est une parfaite illustration. Ces dernières élections ont été boycottées par les principaux partis politiques de l’opposition, et le choix des candidats n’a été qu’une opération faisant intervenir ceux qui appartiennent à la mouvance, adhèrent aux idéaux et possèdent à la fois une clientèle et une influence importantes. Quant aux élections proprement dites, elles se sont soldées par l’existence de votes massifs en faveur du parti au pouvoir (RPG arc-en-ciel).
Ces résultats seraient la manifestation massive de l’adhésion populaire à l’égard du RPG arc-en-ciel et du Président Alpha CONDE, si l’on en croit les dirigeants et les partisans. En réalité, ils s’expliquent surtout par l’action conjuguée de la propagande et des fraudes électorales associées aux intentions plus ou moins occultes du pouvoir.
Pour preuve, cette adhésion populaire est trahie par la falsification de la constitution soumise au referendum du 22 Mars 2020. Plusieurs articles importants ont fait l’objet de retrait et de modification par des individus non encore identifiés.
Si l’ambition du RPG-arc-en-ciel en Guinée était à l’origine de s’identifier au peuple politiquement organisé, il en va tout autrement dans la pratique. En théorie il n’y a, semble-t-il, aucune contradiction entre ce système et l’exercice de la démocratie, mais en réalité il existe actuellement un véritable divorce entre le peuple et la classe dirigeante.
D’une manière générale, on peut donc estimer que l’espoir qu’a suscité l’arrivé du Président Alpha CONDE au pouvoir en 2010 demeure un véritable mythe et pareille au précédent : la permanence d’une politique qui, à travers ses fluctuations, tend à maintenir les populations guinéennes dans une situation assez peu différente de la situation coloniale.
Par ailleurs, la situation politique de la Guinée se caractérise par l’existence d’une domination de caractère charismatique assumée par les leaders politiques et des partis constitués de cadres à sa dévotion avec toutes les conséquences inhérentes à une organisation anti démocratique : culte de personnalité, problèmes de succession, confiscation des libertés fondamentales du citoyen.
En fait la division des partis politiques d’opposition, et l’absence de la Nation aboutissent à une véritable concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme. Nous avons l’impression que l’opposition guinéenne est tout sauf constructive. Au lieu de s’unir stratégiquement pour empêcher toute dictature, nous exigeons la tête du Président de la République. Et les conséquences sont connues : arbitraire, répression, intimidation, … étouffent dans l’œuf toute velléité d’opposition. A cette tyrannie s’ajoute le fait que l’état de paupérisation actuelle de la plupart des Guinéens enlève aux citoyens, dignité, droit et de liberté tout contenu concret.
Alors ç’en est assez, des manifestations stériles, des meurtres, des arrestations arbitraires, des mépris et des inégalités. En tant que acteurs politiques, nous sommes tous responsables dans une certaine mesure. Je suis indigné par la précarité et la lassitude qu’endurent les guinéens.
Aujourd’hui les guinéens dans leur écrasante majorité vivent dans une paupérisation généralisée et cela au vu et au su des hauts responsables gouvernementaux et politiques aux modes de vie scandaleux et ostentatoires.
La Guinée court le risque d’une explosion sociale aux conséquences imprévisibles. Le danger est d’autant plus grand que la pauvreté chronique coexiste avec des signes ostentatoires de richesse. Les uns prennent l’avion pour aller soigner un rhume des foins pendant que les autres bouffent les pissenlits par la racine parce qu’ils n’ont pas l’argent pour aller traiter un simple palu.
En Guinée, les 32 % de personnes ne gagnent rien du tout et la quasi-totalité de ce qu’on peut gagner, l’est par une minorité d’entrepreneurs et des politiques.
De nombreux Guinéens estiment en effet que les inégalités s’accentuent, une infime minorité s’enrichissant alors que les rangs des pauvres ne cessent d’augmenter. Cette situation est d’autant plus difficile à gérer que la croissance économique est relativement élevée et profite surtout aux riches.
Une étude menée en Guinée par Florencia Castro-Leal et d’autres chercheurs de la Banque mondiale indique que 48 % des patients qui fréquentent les hôpitaux et centres de santé primaire font partie des 20 % les plus riches de la population du pays, alors que les personnes appartenant aux 20 % les plus pauvres ne constituent que 4 % de l’ensemble des patients.
Enfin, et ce n’est pas le moindre mal, l’affermissement du pouvoir personnel repose pour une grande part sur la politisation de la justice ordinaire et l’extension de la justice politique au détriment de la justice ordinaire, chaque fois que les circonstances l’exigent.
Au-delà de ces péripéties, la question qui se pose est de savoir si les politiques pratiquées par le gouvernement guinéen depuis dix ans ont eu pour effet, de réaliser une véritable révolution, d’engager l’Etat dans la voie de l’émergence réelle. Aux plans économique et culturel, il faut bien reconnaître qu’on assiste un peu partout à un développement du sous-développement. Tandis que, sous le couvert d’une apparente croissance (10% en 2018), la situation économique tend en réalité à se dégrader au détriment du plus grand nombre, on peut dire que, dans le domaine culturel, l’école et l’Université demeurent, comme l’économie, essentiellement extraverties. Actuellement, en effet, l’enseignement guinéen vise davantage à transmettre un modèle occidental qu’à faire des guinéens des hommes de culture et des acteurs de développement.
Chers compatriotes et acteurs socio-politique de la mouvance présidentielle, du FNDC, de la CODEP et de la classe dirigeante, au regard de tout ce qui précèdent et vue les conditions de vie précaires de la population guinéenne, exacerbées par la pandémie de COVID-19,
Je vous invite instamment à privilégier le dialogue politique inclusif et inter-guinéen, qui doit aboutir au toilettage du fichier électoral et l’organisation d’un nouveau double scrutin, présidentiel et législatif.
Il faut préalablement accepter la constitution du 14 Avril 2020 et prononcer la suspension de cette assemblée unicolore. Il faut également libérer et arrêter toutes poursuites contre les militants de l’opposition républicaine détenus ou poursuivis pour leurs activités contre l’éventuel troisième mandat ;
Il faudrait rappeler que le processus démocratique repose sur deux piliers d’importance égale : la compétition politique et la coopération politique.
Les partis et organisations politiques, en tant qu’espaces principaux de cristallisation des attentes des citoyens, en tant que médiateurs entre les citoyens et l’État et en tant que principaux acteurs du jeu démocratique, doivent être à la fois en mesure de prendre part à la compétition et à la coopération. La coopération politique entre les partis est tout aussi indispensable à la santé d’une démocratie que les objectifs politiques poursuivis par chacun d’entre eux.
Un dialogue participatif et efficace entre partis politiques est l’un des éléments essentiels d’un système politique démocratique. Les conflits, les querelles et les rapports polarisés entre les partis politiques peuvent bloquer le développement d’un pays. À l’inverse, un niveau même minimal de confiance et de coopération entre les partis politiques peut ouvrir la voie à la paix, à la stabilité et à une croissance durable.
Le dialogue politique permet d’instaurer la confiance et de faire naître une volonté politique de changement, deux éléments indispensables aux pays qui s’engagent sur la voie de la démocratie et sont amenés à prendre des décisions difficiles.
Cheick Oumar TRAORE
Secrétaire Général du PLP
Chargé de la mobilisation de la CODEP