DECLARATION DES ORGANISATIONS ET ASSOCIATIONS DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME
Alors que le pays est dans un climat tendu et s’achemine vers un double scrutin législatif et référendaire le 22 mars 2020, nos organisations et associations œuvrant pour la défense et le respect des droits de l’Homme demandent l’arrêt des violences contre les opposants au changement de Constitution et exigent la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante et impartiale pour faire toute la lumière sur les violences commises sur l’ensemble du territoire national pendant les manifestations du Front National pour la Défense de la Constitution.
Depuis octobre 2019, la République de Guinée traverse une crise politique et sociale provoquée par la volonté du Président de la république de faire adopter une nouvelle Constitution au motif que celle en vigueur renfermerait des insuffisances qui constituent des obstacles au renforcement de l’Etat de droit. Cette volonté s’est matérialisée par une adresse à la Nation du chef de l’Etat le 19 décembre 2019 appelant à l’organisation d’un referendum pour doter le pays d’une nouvelle Constitution.
Réunie au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), une bonne frange de la société civile et des partis politiques de l’opposition y voit une intention de contourner le verrou de limitation du nombre de mandats pour permettre au Président actuel de briguer deux mandats de plus et empêcher de facto une alternance démocratique à la tête de l’Etat en 2020. Pour marquer son opposition à cette démarche qu’il qualifie de coup d’état Constitutionnel, le FNDC depuis octobre 2019, appelle les Guinéens aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur à des manifestations contre
cette idée de changement constitutionnel.
A ce jour, nos organisations ont recensé près de 40 personnes tuées, de nombreux blessés, beaucoup d’arrestations et détentions arbitraires ainsi que des dégâts matériels considérables au cours des manifestations du FNDC.
Pire, depuis un certain temps, un phénomène nouveau s’est invité dans le mode opératoire des forces de l’ordre. Il s’agit des enlèvements, assimilables à des kidnappings, dont sont victimes des personnes supposées hostiles au projet de nouvelle constitution. En violation de toutes les règles de droit en matière d’arrestation, des agents en cagoule escaladent les murs des domiciles privés et arrêtent avec violence de paisibles citoyens dont le seul crime a été d’exprimer leur opposition à ce qu’ils considèrent comme étant un coup d’Etat constitutionnel. Les conditions d’arrestation de Ibrahima DIALLO et Sékou KOUNDOUNO tous deux leaders du FNDC, Bella BAH et Fassou GOUMOU illustrent à suffisance cet état de fait.
Certaines des personnes arrêtées sont souvent déportées vers des camps militaires, notamment celui de Soronkoni avant d’être remises aux services compétents. Soronkoni serait-il devenu le nouveau « Camp Boiro » de l’ère Alpha Condé ?
Déjà, en 2013, pendant que les Guinéens se préparaient au scrutin législatif, une dizaine de jeunes avaient été arrêtés à Conakry et conduits dans ce camp où ils furent détenus plusieurs jours. Il aura fallu une forte pression des organisations des droits de l’Homme et la bonne collaboration de Monsieur Kalifa Gassama DIABY, ministre des droits de l’Homme d’alors, pour que ces jeunes soient ramenés à Conakry.
Cette affaire étant restée impunie, les adeptes de ces méthodes révolues ont encore repris du service. Nos organisations rappellent que la Guinée est partie à l’essentiel des instruments juridiques internationaux, régionaux et sous régionaux protégeant l’individu contre toute forme d’arbitraire.
Le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ainsi que la Constitution du 07 mai 2010 garantissent à tous le droit à la vie, à la sécurité à la liberté, à la protection contre les arrestations et détentions arbitraires.
Ces normes ratifiées par la Guinée reconnaissent le droit de toute personne arrêtée d’être traitée avec humanité et dignité, le droit à l’assistance d’un avocat dès l’interpellation, le principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, le droit de s’exprimer librement, le droit de manifestation et de cortège et le droit à la sûreté de sa personne.
Face à ces dérives, nos organisations et associations des droits de l’Homme condamnent avec fermeté les violations des droits humains et en appellent au sens élevé de responsabilité de la Justice guinéenne. Les organisations signataires rappellent au Président de la République qu’il est le garant de la Constitution sur laquelle il a prêté serment deux fois. Tout acte contraire à la loi que poseraient ses préposés devrait faire l’objet d’une sanction. Tout manquement à cette obligation pourrait être assimilé à un parjure.
Les ONGs et Associations des droits de l’Homme
Listes des ONGs et Associations signataires :
1. Alliance des Médias pour les Droits de l’Homme (AMDH)
2. Association des victimes parents et amis du 28 septembre 2009 ( AVIPA)
3. Avocats Sans Frontières Guinée (ASF)
4. Le Centre de Promotion et de Protection des Droits Humains (CPDH)
5. Femmes développement et droits humains ( F2DH)
6. La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme (LIGUIDHO)
7. Les Mêmes droits pour Tous (MDT)
8. Organisation Guinéenne de Défense des droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH)