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Guinée : l’année 2019, encore tachetée de sang (Lettre ouverte)

Monsieur le Président, l’année 2019 s’achève, car d’ici quelques heures, nous serons en 2020. Au palais de Sékoutouréya se prépare sans doute le discours traditionnel de Monsieur le Président de la République dont l’objectif est de tirer le bilan de l’année en cours et ensuite de se projeter sur les projets du nouvel an.

Monsieur le Président,

Je vous rappelle juste, qu’à l’heure où vous ferez votre discours, le guinéen lambda sera en délectation du peu, vraiment du peu de bonheur de se retrouver en famille. Bonheur à relativiser parce que nous guinéens aussi ferons notre bilan de l’année écoulée.

Aigreur, déception, mélancolie, désespoir…sont nos sentiments à l’heure de faire ce bilan. Ce regard dans le rétroviseur me permet de vous dire Monsieur le Président que le diagnostic de cette année 2019, qui est une miniaturisation de votre mandat en cours est une catastrophe à tous les niveaux. Faisons ensemble l’échographie des secteurs sous votre régime.

La santé en Guinée, au-delà de son inaccessibilité dans plusieurs zones du pays, manque presque de tout. Ce secteur censé soulagé les malades est lui-même moribond. Très loin des recommandations de l’OMS qui stipulent que ce secteur clé devrait représenter 15% du budget national, nous en sommes à moins de 5%. La mortalité des enfants de moins de 5 ans est à 163 pour 1000. Si je m’attarde sur les chiffres, nous risquons d’y faire un livre. Retenons qu’il n’y a pas de plateau médical adéquat, les infrastructures sont le parent pauvre de ce secteur, les femmes accouchent dans des conditions propices au siècle passé.

L’éducation de qualité en Guinée est réservée aux nantis. Seuls ceux qui disposent de moyens bénéficient encore d’un enseignement de qualité parce que seul le privé est aujourd’hui capable de respecter le quantum horaire. A cela s’ajoute un effectif pléthorique d’étudiants dans les universités et pire inadéquation entre formation et emploi.

L’école publique guinéenne est à terre, complètement délaissée à elle-même, parce que nous sommes dans une République de clanisme.
Si nous nous projetons dans le secteur phare de l’économie, notamment l’agriculture, la pêche, l’industrie sans oublier le secteur minier, nous percevons la zone rouge qui scintille de son malheur et qui n’est rien d’autre que la corruption. Nous sommes sur la pente dangereuse de la corruption avec une note de 29/100. Rien ne se fait dans ces domaines sans qu’ils ne soient bâtis sur la corruption et les détournements d’objectifs. Pourtant des sommes colossales sont dépensées mais aucun résultat satisfaisant n’est enregistré. La conséquence immédiate est que le taux de chômage croît, lamentablement sans oublier l’impact sur les finances Publiques.

L’emploi des jeunes et des femmes, tant théorisé, tant vanté, n’a pas le résultat escompté. En lieu et place d’emploi, nous avons récolté des morts criblés de balles.

Monsieur le Président,

Dans le bilan qui sera adossé à votre parcours en cette année 2019, scintillera le sang versé des jeunes qui ne demandaient que justice et démocratie. Ce bilan est le vôtre, ces jeunes tués lors des manifestations sont le fait de votre régime, vous en êtes responsables.

C’est sous votre régime, parce que vous voulez forcer, parce que vous voulez nous imposer une constitution sans valeur constitutionnelle, dont le seul but est de maintenir un clan au pouvoir.

Monsieur le Président,

C’est aussi votre bilan de reconnaître la poussée dangereuse du sentiment ethniciste qui règne dans notre pays. Oui il existait, mais il n’était pas si visible et si revendiqué.

Projetons-nous pour 2020, vous nous forcez votre constitution taillée à la mesure de votre intention d’un troisième mandat. Vous aurez devant vous des jeunes valeureux qui vous diront NON. Il y aura sans doute mort d’hommes comme vous en avez déjà fait. Mais grâce à ce refus et ce combat acharné, un jour le soleil brillera sous un nouveau jour, sans vous.

Au peuple meurtri de Guinée, je vous adresse tous mes vœux de bonheur et de paix pour l’année 2020

Thierno Yaya DIALLO

Guinée Moderne

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