Le Président Alpha Condé expliquait, il y a quelques années lorsqu’il était opposant, les raisons de la persistance et la multiplication des conflits armés en Afrique.
Il disait à peu près que lorsque l’opposition participe à des élections et perd à chaque fois à la suite de fraudes, la seule option qui lui reste souvent est de prendre les armes pour accéder au pouvoir. Cette option traduisait tout simplement une réalité : l’impossibilité d’obtenir l’alternance par la voie des urnes.
Les dangers du recours aux armes et en même temps l’impossibilité d’une alternance par les urnes sont sans doute parmi les facteurs qui ont favorisé l’introduction du principe de la limitation du nombre de mandats du Président de la République dans la plupart des pays africains. Ainsi, faute de pouvoir obtenir l’alternance par les urnes, on crée les conditions et l’espoir d’une alternance par la limitation du nombre de mandats présidentiels.
Un homme politique peut ainsi se faire élire et réélire à la magistrature suprême de son pays, même au prix de fraudes caractérisées, mais en ayant conscience que ce serait à la limite du nombre de mandats prévus par la Loi fondamentale qu’est la Constitution.
Du côté de ses adversaires, cela permet de nourrir légitimement l’espoir qu’à l’expiration du mandat du Président de la République en fonction, ils ont une chance d’être portés à la tête de leur pays. Cette assurance ou tout au moins cet espoir permet d’éviter l’irruption de militaires sur la scène politique ou le recours d’hommes politiques à la rébellion pour tenter de renverser le régime en place.
Et quelles que soient les critiques qu’ils portent sur la gouvernance de leur pays, les citoyens ont le même espoir d’un changement de leurs conditions de vie à la suite de l’arrivée éventuelle d’une nouvelle équipe aux affaires. Ne dit-on pas que l’espoir fait vivre et qu’un homme qui a perdu tout espoir est un danger pour lui-même mais aussi pour la société ?
Mais lorsqu’à la suite d’une manipulation constitutionnelle, la possibilité d’une alternance est brisée, c’est tous les espoirs qui s’envolent. Une telle situation ne peut que replonger un pays dans un passé sombre avec des risques d’instabilités que le Président Alpha Condé tentait d’expliquer dans son intervention. Qui pourrait en effet empêcher un opposant de recourir à des moyens anticonstitutionnels pour accéder au pouvoir lorsqu’il n’y a aucune possibilité d’alternance ni par les urnes ni par la limitation du nombre de mandats présidentiels ? Il faut noter d’ailleurs qu’il y a quelque temps, ce sont les citoyens eux-mêmes qui applaudissaient certains coups d’État militaires.
C’est pour toutes ces raisons que ceux qui affirment que l’alternance est un facteur de stabilité n’ont pas tout à fait tort. Et c’est pourquoi, toutes ces considérations sont prises en compte par la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance.
Par ailleurs, lorsqu’il n’y a pas d’alternance, la culture de la reddition de comptes disparaît totalement. Celui qui est aux commandes, sachant qu’il l’est à vie, se croit tout permis et ne se soucie guère de l’opinion de ses concitoyens.
Il est donc important que l’alternance soit effective, indépendamment de la question de savoir qui succède à qui. Sans alternance, il n’existe pas de véritable démocratie. La démocratie ne se limite pas en effet à l’organisation régulière d’élections. Mais c’est aussi la possibilité réelle pour le peuple de changer ou de renouveler la classe dirigeante lorsqu’un tel besoin se pose et ce, dans le strict respect de la loi.
Par Mohamed TRAORE