J’ai suivi avec attention ce dimanche 10 avril 2022 la communication sur RFI du Colonel Amara Camara dans l’émission le ‘’ Débat Africain’’ du célèbre journaliste Alain Foca sur le thème « Afrique de l’Ouest : quelle est l’efficacité des sanctions de la CEDEAO ? ».
À la brulante question liée au délai de la transition et de la responsabilité du CNRD dans la fixation de cette durée, les réponses apportées par le Ministre ne me semblent pas être conformes à la Charte de la Transition qui tient lieu de Constitution en cette période transitoire. Cette Charte promulguée le 27 septembre 2021 définit au Titre II (chapitre 1er, chapitre 2, Chapitre 3 et Chapitre 4) les prérogatives et missions des organes de la transition dont : le CNRD (Comité National du rassemblement pour le Développement), le Président de la transition, du Gouvernement de la Transition et du CNT (Conseil national de la transition). Lors de ce débat, le colonel laisse entendre ceci : « conformément à la charte de la transition, c’est un travail qui relève du CNT ». Alors que les missions du CNT sont clairement définies par les dispositions de l’article 57 de la Charte qui sont : « Article 57 : le Conseil National de la Transition a pour missions : – d’élaborer et de soumettre pour adoption par référendum, le projet de la constitution ; – d’élaborer, examiner et adopter les textes législatifs ; – de suivre la mise en œuvre de la feuille de route de la transition ; – de contribuer à la défense et à la promotion des Droits de l’Homme et des libertés publiques ; -de contribuer à la réconciliation nationale ».
Pourtant dans le même entretien, le Ministre Amara Camara fait une surprenante déclaration qui nous impose au respect des missions des différents organes.
« Nous voulons respecter la séparation des pouvoirs et donner à chacun (organe) le rôle qu’il doit jouer dans la transition pour que nous parvenions à une solution normale ».
Ainsi on peut dire que l’article 57 indique clairement les missions, le rôle et les limites des pouvoirs du CNT. Il est à noter que sur la question de la fixation du délai et du chronogramme de la transition, une confusion semble s’emparer de l’opinion, mais volontairement entretenue par des autorités suite à leurs prises de parole dans les médias. C’est l’interprétation de l’art 77 de la charte visant à donner au CNT la compétence relative à la détermination de la durée de la transition. Alors que la compétence de détermination de la durée de la transition est clairement attribuée au CNRD et aux Forces vives de la nation par l’article 77 de la Charte qui dispose que : « La durée de la transition sera fixée de commun accord entre les forces vives de la Nation et le Comité National du Rassemblement pour le développement ».
Il résulte de cet article que le CNT n’est absolument pas concerné par la détermination de la durée de la transition pour plusieurs raisons : – La Charte fait clairement une différence entre le CNT et les Forces vives de la Nation. Pour preuve, la détermination de la durée de la transition qui relève de la compétence du CNRD et des Forces vives de la Nation est totalement absente de la mission du CNT définie par l’article 57 de la Charte. – Le préambule aussi en son alinéa 4, fait la différence entre le CNT et les Forces vives de la Nation en ces termes : « Prenant acte des propositions et recommandations des différentes composantes des forces vives de la Nation ; ». – Avec cette disposition du préambule, il faut juste constater que la Charte avait mentionné les Forces vives de la Nation et sa singularité consacrée par la publication de la Charte bien avant la mise en place du CNT. Il faut également observer que l’article 77 de la Charte n’a pas mentionné l’adoption (le vote) de la durée de la transition. Il a mentionné que : « la détermination de la durée sera fixée par commun accord entre le CNRD et les Forces vives de la Nation ». Ce qui exclut totalement le CNT du fait que ce dernier n’adopte rien par « commun accord », mais par vote, dont les conditions de majorité sont fixées par la Charte.
Ahmed Tidiane Sylla
Conseiller National Transition (CNT)