Quelle heure était-il ? 17h00 ou 17h30 ? Je ne me rappelle plus le moment précis auquel je me gare dans le parking d’une vaste cour d’une belle bâtisse en construction. Le site se situe au bout de la ruelle qui passe devant la résidence privée de l’actuel Premier ministre, au quartier Lambanyi, commune de Ratoma.
La double découverte des journalistes
C’était le 22 août 2018, le lendemain de la fête de tabaski. Ainsi que quelque cinq autres journalistes de renom de la presse guinéenne, je suis l’un des hôtes du maître des céans, un certain Moustapha Naïté. Chacun des invités du nouveau ministre des Travaux publics est sur ses goguettes, paré de sa tenue de fête, et séduit par la découverte de ce qui promettait déjà d’être une attraction architecturale.
Moustapha Naïté et ses invités d’un soir de lendemain de fête, prennent place au bord d’une piscine en chantier, comme tout le site d’ailleurs, puisque le bâtiment principal n’était que revêtu d’une toiture.
La poignée de journalistes ont le temps de faire une découverte intéressante, celle de l’ingénieur qui a réussi le tour de force de la reconstruction du médiatique pont Linsan. Pendant ce temps, le chargé de communication du Ministre, le très disponible Amadou Tidiane Bah, s’en était allé acheter le très convoité poisson braisé vendu le long de la mouvementée route de Lambanyi.
Centre d’intérêt, la reconstruction du pont Linsan
Cet ingénieur, communément appelé Petroman, c’est un peu la surprise que Moustapha Naïté réservait à ces hommes de média. Et sa présence était en réalité le centre d’intérêt de ces retrouvailles. Puisque, l’homme qui a remis sur pied ce pont Linsan dont l’effondrement est intervenu moins d’un mois après la nomination de Moustapha Naité, avait des choses à relater. Notamment, comment a-t-il pu terminer le 12 août de tels travaux débutés le 2 juin 2018 ? Petroman qui en a déjà réalisé des ouvrages de franchissement de grande complexité à travers le pays, déroula à ses interlocuteurs les détails de la reconstruction de ce pont névralgique. Dont la rupture inattendue, avait pratiquement coupé Conakry du reste pays.
Exorciser les mauvais esprits !
La narration des faits par l’ingénieur en chef ne pouvait que captiver l’attention des journalistes qui, parallèlement, dégustaient leurs plats du soir. L’on apprendra, par exemple, qu’il aura fallu à l’équipe de Petroman, exorciser, via des offrandes et autres sacrifices, le site du pont Linsan des mauvais esprits qui l’ont toujours hanté, dit-on. Suivra ensuite un coulage de béton armé, à plus de dix mètres de profondeur sous le lit de l’affluent du fleuve Konkouré, enjambé par ledit pont. Après quoi, on posera ces multiples buses, que des internautes appelleront plus tard des alvéoles, sur lesquelles fut déployée la tablette du pont Linsan. Les péripéties mises à nu par l’ingénieur sont dignes de curiosité chez les hommes de plume qui alternent écoute attentive et questions d’éclaircissement.
Cette prémonition devenue réalité…
Et puis, comme dans les sujets en divers lors d’une réunion, Moustapha Naïté nous présente le site qui accueillait nos retrouvailles. Ce, après avoir offert aux journalistes, un petit tour du propriétaire, ayant permis à ses hôtes du moment de découvrir la robustesse de son chantier.
Naïté expliquera avoir acquis depuis 2010, ce domaine sur lequel ce bâtiment était déjà en chantier. Par la suite, il décidera de remodeler le site à son goût, à travers une extension et l’apport d’autres ingrédients esthétiques. Depuis au moins huit ans donc, il est en train de ciseler son chantier.
Par la suite, en homme averti de l’environnement suspicieux qui caractérise la vie guinéenne, le nouveau ministre des travaux publics glisse à ses interlocuteurs cette phrase prémonitoire : « Vous, journalistes, vous êtes des objecteurs de conscience et des témoins des faits quotidiens. J’ai voulu en profiter pour vous faire découvrir ce domaine », dira-t-il. Précisant qu’un jour ou l’autre, se sachant la cible de beaucoup d’adversaires, dont le nombre a grimpé depuis sa nomination aux travaux publics, cette maison pourrait, dit-il, alimenter la chronique. « Peut-être que ce jour arrivera. Heureusement que vous aurez eu la version authentique de l’histoire de cette maison », conclura en quelque sorte, le ministre des travaux publics.
Et puisque, à près de deux ans après cette confidence, on en est au scénario redouté par M. Naïté, ce témoignage en valait bien la peine de ma part. Les faits étant têtus. Et surtout sacrés pour un journaliste.
Talibé BARRY, journaliste