Attention, nul n’ignore les qualités du Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, en l’occurrence M. Mory Conde en matière de gouvernance locale, ou du management des projets en faveur des collectivités locales, loin de là. Dans ce domaine-ci, il a fait ses preuves, et nous lui reconnaissons ce mérite.
Mais en ce qui concerne son approche par rapport à la gestion de la crise multidimensionnelle qui perdure entre les partis politiques, acteurs de la société civile et le CNRD, je suis désolé de le dire, il n’est pas partie sur de bons pieds. Il a manqué d’approche collaborative et de démarche pédagogique.
En effet, dès les premières heures des séries de concertations multipartites, j’ai noté deux équivoques majeurs dans démarche du M. Mory Condé. Si rien n’est fait pour les améliorer, ils risquent d’être un obstacle pour la réussite d’un véritable dialogue inclusif et sincère :
Premièrement, il utilise une approche univoque et souvent avec des spécimens aléatoires. Deuxièmement, il n’utilise pas un registre de communication ou langagier approprié dans le cadre d’un échange entre deux ou plusieurs parties prenantes qui, à bien des égards, entretiennent en amont une crise de confiance mutuelle.
Comme première conséquence, certains acteurs sociopolitiques se voient moins impliqués dans les débats qui paraissent univoques à chaque rencontre. Car il est à la fois le président des séances, le modérateur, le locuteur et interlocuteur. Bref, il apparaît comme le maître qui parle, et les élèves qui l’écoutent.
Dans pareille circonstance, ces interlocuteurs sortent électrocutés, parfois réduits à leurs plus petites expressions. Car ils sont infantilisés par un locuteur qui manque non seulement d’autorité, de charisme, de personnalité, mais aussi et surtout de capacité managériale pour conduire un dialogue multipartite avec des positions diamétralement opposées.
En l’espèce, lorsque vous tenez un débat qui se veut contradictoire avec un auditoire composé de personnalités qui ont à un moment donné occupé des fonctions non les moindres au sommet de l’État, la règle voudrait que le locuteur parle peu et écoute beaucoup. Il doit faire montre d’humilité et de grandeur d’esprit. Cet exercice, soit dit en passant, doit être opéré en amont à travers une analyse contextuelle du débat (les agendas des différentes coalitions ou partis politiques, leurs clivages internes et leur degré flexibilité ou d’antagonisme) et le registre langagier des interlocuteurs.
Si l’objectif du dialogue (ou appelez comme vous le souhaitez) est fondé sur la sincérité, rien ne sert à faire le professeur. Rien ne sert à tourner autour des préalables insensés qui radicalisent les positions. Passons aux choses plus sérieuses. Sinon, c’est devenu ennuyant : tantôt le Premier Ministre parle de l’ouverture d’un cadre de dialogue, de l’autre côté le Ministre Mory Condé parle de la troisième session du cadre de concertation, et tantôt le communiqué lu sur les antennes parle de concertation élargie aux partenaires techniques et financiers, les représentants des institutions et ambassadeurs. C’est quoi enfin le but recherché ?
Qu’on parle d’un cadre de concertation dont les termes de références seront définis par le CNRD (sous l’ombre du Président de la transition) et le Gouvernement (sous l’ombre du même président) cela suppose que les acteurs sociopolitiques en prenant part aux débats seront toujours mis devant les faits accomplis. Ensuite, ils paieront les frais de leur naïveté et leur amateurisme dans un proche avenir.
Toutefois, qu’on parle d’un cadre de dialogue inclusif guinéen sous la coordination du premier ministre, chef du gouvernement et du collègue des sages (autorité morale et religieuse), chaque entretien débouchera sur une résolution collégiale pour une sortie de crise rapide.
C’est le vœu de tous les guinéens que cette transition réussisse. Mais pour qu’elle réussisse il faudrait que chaque acteur arrête ce jeu de duperie qui n’arrange que ceux qui sont entretiennent les crises pour que ce pays traîne encore les pas.
C’est une opportunité qui s’offre au CNRD et au gouvernement pour repartir sur de bons pieds. Il appartient à M. Mohamed Béavogui de jouer pleinement son rôle de « de premier des ministres ». Il faudrait qu’il quitte dans son confort de bureaucrate en se rendant au QG des partis politiques. Le faisant, ce ne serait une faiblesse, mais une preuve de sincérité et une volonté d’apaisement.
Tenez – vous bien, aussi longtemps que cette transition durera sans contenus réalistes, aussi grands seront seront ses risques d’échouer, et de façon lamentable. Prenez – s’y garde avant qu’il ne soit trop tard !
Par Aly Souleymane Camara, Enseignant chercheur, Analyste politique et consultant média