Une abstention record et une vague verte inédites : le second tour des municipales dimanche s’est révélé hors normes, offrant également une confortable réélection à Edouard Philippe au Havre et la prise de Perpignan par le Rassemblement national.
Trois mois après un premier tour déjà bouleversé par la crise du coronavirus, ce second round a encore été marqué par un taux de participation en berne, entre 40% et 41% selon les estimations, contre 62,1% en 2014. Malgré des précautions sanitaires exceptionnelles (port du masque obligatoire dans les bureaux de vote, gel hydroalcoolique) et le reflux de l’épidémie, une large majorité des 16,5 millions d’électeurs appelés à voter dans 4.820 communes ont boudé les isoloirs.
Une désaffection des urnes qui sonne comme « une forme d’insurrection froide », selon le chef insoumis Jean-Luc Mélenchon et qui a suscité la « préoccupation » d’Emmanuel Macron, pour qui cette abstention n’est « pas une très bonne nouvelle », selon l’Elysée.
Le chef de l’Etat a en revanche appelé son Premier ministre pour le féliciter de sa « belle victoire » au Havre, où M. Philippe a obtenu près de 59% des voix. Les deux têtes de l’exécutif se verront « un petit moment en tête-à-tête » lundi.
Fort de son succès, M. Philippe pourrait-il être conforté dans son poste alors que se profile un important remaniement gouvernemental ?
Selon une enquête Harris interactive pour TF1, LCI et RTL dimanche soir, une majorité de Français (55%) souhaite qu’il reste Premier ministre et ils sont 59% à vouloir des ministres d’EELV dans le gouvernement en cas de remaniement.
Les grandes villes passent au vert
Emmanuel Macron devrait préciser, dans les jours qui viennent, son intention affichée de « se réinventer » pour les deux dernières années de son mandat. Et dès lundi matin, il reçoit à l’Elysée les membres de la Convention citoyenne sur le climat à qui il entend apporter des « réponses fortes » et « à la hauteur des enjeux et des attentes », fait savoir l’Elysée à l’AFP.
De quoi rebondir sur la thématique écologiste, alors que les grandes villes se sont parées de vert dimanche soir.
Après un premier tour porteur d’espoir, EELV visait plusieurs grandes villes, dont Marseille, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Strasbourg ou Lille. Et la vague verte s’est muée en déferlante.
A Marseille, la candidate écologiste Michèle Rubirola à la tête d’une coalition de gauche obtient autour de 40% des voix, devant la candidate LR Martine Vassal et le candidat RN Stéphane Ravier. Les Verts ont fait coup double à Lyon: Bruno Bernard s’y est adjugé la métropole, siège du véritable pouvoir, et Grégory Doucet la ville, en battant Yann Cucherat, poulain du maire sortant Gérard Collomb.
Les Verts ont également pu revendiquer la victoire à Strasbourg, avec Jeanne Barseghian, et à Bordeaux, avec Pierre Hurmic qui a devancé le maire LR sortant Nicolas Florian, soutenu par LREM. Un petit séisme après 73 ans d’élections de maires de droite sur les rives de la Garonne.
Dans la capitale nordiste en revanche, la maire sortante PS Martine Aubry a fini par l’emporter d’un cheveu face au candidat vert Stéphane Baly, au terme d’un thriller.
D’autres grandes villes – Besançon, Tours Poitiers, Annecy… – sont tombées dans l’escarcelle des Verts, qui ont longtemps servi de force d’appoint mais s’affirment comme les premiers à gauche avant les prochaines échéances électorales.
Hidalgo en position de force
A la différence des autres grandes villes, l’incertitude était faible à Paris, où la sortante Anne Hidalgo (PS) a contenu au premier tour ses partenaires d’EELV en endossant elle-même un programme résolument écolo. Avec autour de 50% des voix selon des premières estimations, elle devance largement ses concurrentes LR Rachida Dati et LREM Agnès Buzyn.
Principal adversaire d’Emmanuel Macron au plan national, le Rassemblement national a remporté Perpignan, 120 000 habitants. En battant le maire LR sortant Jean-Marc Pujol avec 53,1 à 54% des voix selon les estimations, Louis Aliot redonne au parti de Marine Le Pen , qui a également remporté Bruay-la-Bussière (Pas-de-Calais) et Moissac (Tarn-et-Garonne) le contrôle de sa première ville de plus de 100 000 habitants depuis 1995 et Toulon.
« Ce n’est pas seulement d’ailleurs une victoire symbolique, c’est un vrai déclic, parce que nous allons aussi pouvoir démontrer que nous sommes capables de gérer de grandes collectivités », s’est réjouie Mme Le Pen.
Très affaiblis au plan national, le Parti socialiste et Les Républicains comptaient sur ces élections pour se refaire une santé localement.
Le PS a donc conservé Paris, Lille, Le Mans, Clermont-Ferrand et devrait garder les commandes de Rennes et Nantes. En prime, le PS a ravi Nancy, où Mathieu Klein l’emporte face au sortant radical Hénart, Montpellier, avec Mickaël Delafosse et Saint-Denis, fief du PCF, avec Mathieu Hanotin.
Les Républicains ont quant à eux confirmé leur implantation en remportant dès le premier tour bon nombre des villes de plus de 9 000 habitants qu’ils contrôlaient. Dimanche, ils ont vu Jean-Luc Moudenc reconduit de peu à la tête de Toulouse, comme Christian Estrosi à Nice.
Mais une défaite de Martine Vassal à Marseille, que la droite détient depuis 25 ans, aurait une énorme portée symbolique.
Parmi les autres résultats, François Bayrou, patron du Modem, a été réélu à Pau. Un maigre réconfort pour la majorité alors que le scrutin a tourné au fiasco pour La République en marche, incapable de ravir la moindre grande ville.
Les conseillers municipaux, élus pour six ans, se réuniront ensuite du vendredi 3 au dimanche 5 juillet pour élire les maires et leurs adjoints.
Avec AFP