Dernier Samedi du mois, journée d’assainissement en Guinée. Face à l’épineuse problématique de l’assainissement en Guinée, en sus d’autres actions, l’idée de consacrer une demi-journée par mois à la salubrité publique fait figure de solution trouvée par les autorités pour mobiliser tous les citoyens pour résoudre ce défi. C’est certes louable mais comme toute activité humaine, la gestion de l’assainissement doit être permanente et rigoureuse. Nous pensons qu’il est nécessaire de passer de ces formes d’actions symboliques vers une industrialisation des déchets en Guinée. Nous verrons successivement le constat de la permanence de l’insolubilité de la question de l’assainissement, la nécessité d’abandonner l’assainissement symbolique jusque-là pratiqué et l’importance d’amorcer une solution pérenne fondée sur l’industrie des déchets pour une gestion efficace et durable de l’assainissement en Guinée.
Le constat de la permanence de l’insolubilité de la question de l’assainissement en Guinée
L’assainissement consiste en un ensemble de moyens mis en œuvre pour assurer la collecte, le transport, le traitement des déchets produits et leur valorisation dans une optique d’offrir à la fois un environnement sain à l’être humain et dans le respect de la nature. Comme la vie de tous les jours, la gestion de l’assainissement se doit d’être une activité régulière, constante et permanente.
Cependant, le constat amer est que notre environnement est pollué par toutes sortes de déchets dont la gestion laisse à désirer. Il est courant de voir l’accumulation des déchets à ciel ouvert, le long des rues, au niveau des carrefours, au sein abord des marchés et ailleurs.
Pourquoi est-il important d’abandonner l’assainissement symbolique pour des solutions durables en Guinée ?
Il faut noter que face à cette épineuse question, qui revient d’année en année, de manière récurrente et critique, notamment à la veille de la grande saison de pluies, plusieurs approches ont été utilisé : transfert de compétences vers les communautés locales, organisation des coopératives de collectes, monopole de collecte et de transfert des déchets à un établissement public dédié, organisation des journées citoyennes d’assainissement, etc. Ces actions, certes salutaires, ne se sont pas relevées durables ; elles se sont inscrites plutôt dans le registre du symbolisme. La question de la gestion des déchets reste prégnante et est encore non résolue. Ces actions citoyennes dans le cadre du dernier samedi du mois peuvent être maintenus pour d’autres fins comme des actions communautaires de nature locale : écoles, cimetières, forêts urbaines et autres. Elles peuvent se dérouler sous forme de Demi-Journée de développement communautaire.
Cependant, pour la gestion des déchets, il est plus qu’utile d’agir autrement. N’est-il pas alors temps d’abandonner cette approche symbolique au profit de solutions plus durables de gestion des déchets en Guinée ? La réponse est affirmative pour plusieurs raisons que dessous. La gestion des déchets, comme tout secteur productif de la nation, relève d’une industrie et doit être appréhendée comme telle. Elle est d’abord de nature économique avec toute la chaine de valeurs qui le caractérise. De la collecte à la transformation, en passant par les opérations de tri, de transfert, de valorisation et de réutilisation, le secteur est porteur de création de richesses et d’emploi.
Le secteur est également porteur de protection de l’environnement notamment avec la gestion des produits issus du plastique et de protection de la santé publique avec la gestion sécuritaire des déchets médicaux et autres. La transformation des déchets est bénéfique pour l’agriculture avec la production d’engrais verts. Le secteur peut également fournir une source d’énergies propres.
Comment amorcer l’industrialisation des déchets pour une gestion efficace et durable de l’assainissement en Guinée ?
Pour que la Guinée tire des dividendes de ses déchets, il est utile de penser à organiser une filière industrielle des déchets avec des moyens matériels, humains et financiers en mettant en concurrence des acteurs du domaine. Il faut professionnaliser la filière de gestion des déchets par la formation, le regroupement des acteurs en réseau et autres. Il peut s’agir aussi de la consignation des produits à usages multiples comme les bouteilles en verre, en plastique et autres et faire participer les citoyens et le secteur du commerce à l’opération comme cela se fait ailleurs. Il pourra aussi s’agir de l’éducation au tri à la source avec la séparation nette des produits plastiques, du bois, du papier et autres déchets solides d’une part et des déchets pouvant faire objet de compost d’autre part. On peut aussi agir dans l’interdiction de l’importation de produits de seconde main au risque d’être un dépotoir à ciel ouvert.
Il est temps et grand temps, pour la Guinée, de s’inscrire dans une politique durable en matière d’assainissement en abandonnant les stratégies à court terme au profit d’une industrialisation de ses déchets afin de rendre effectif le droit de vivre dans un environnement sain pour toutes et tous.
Conakry, le 30 mai 2024
-Juris Guineensis No 63
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour