Parlons comme ces braves Haïtiens auxquels nous devons tant : « Honneur et respect ! ». Honneur et respect pour vous, Monsieur Ouattara ! Honneur et respect pour l’Afrique !…
Pour votre honneur, pour votre respect, n’écoutez pas le chant des Sirènes ! Refusez d’accomplir ce saut maléfique qui vous plongerait dans le trou sans fond de la médiocrité ! Il y a quelques semaines, vous nous avez tous réconfortés en annonçant que vous ne serez pas candidat à la prochaine présidentielle. Mais le dernier Conseil politique de votre parti réveille nos inquiétudes. Que voulez-vous, nos désastreuses Indépendances nous ont appris à nous méfier !
Les meetings politiques, les congrès des partis n’apportent rien de bon. Au contraire, c’est de ces rituels païens que naissent toutes ces diableries qui nous épouvantent depuis notre enfance : les grands combattants, les guides éclairés, les empereurs d’opérette, les maréchaux à quatre sous et autres responsables suprêmes d’on ne sait plus quelle révolution.
Nous pensions depuis les Conférences Nationales que nous avions dépassé cet âge infantile de notre histoire. Nous pensions que les temps avaient changé et qu’un vent nouveau allait souffler sur nos mœurs politiques. Hélas, mille fois hélas ! Nous sommes en Afrique où pour reprendre la célèbre formule de Lénine, chaque pas en avant est suivi de deux pas en arrière ! L’époque est désespérante, Monsieur Ouattara ! Nos dirigeants d’aujourd’hui ont tous les traits (la cruauté, l’autoritarisme, le manque de vision) des pères fondateurs, le charisme et la légitimité historique en moins. Quand je me souviens de ce que dans les années 70, Alpha Condé disait de Sékou Touré ou de Mobutu et quand je le vois agir aujourd’hui, j’ai envie de me suicider.
De quoi s’agit-il, Monsieur Ouattara ? De sauver l’Afrique, en l’occurrence la Côte d’Ivoire ! De la sauver surtout de ses propres démons, ces misérables dirigeants qui n’ont rien d’autre à offrir que le tribalisme, la misère et les geôles.
Oui, sauver la Côte d’Ivoire, c’est elle qui nous importe ; Ouattara, Bédié et Gbagbo, beaucoup moins. C’est vrai que tous les trois, vous avez dirigé votre grand et beau pays et ne serait-ce que pour cela, vous méritez tous notre considération. C’est vrai aussi que tous les trois, vous l’avez amplement endeuillé. Mais vous, le bilan économique de vos deux mandats vous apporte des circonstances atténuantes. Depuis que vous êtes au pouvoir, le taux de croissance frise les 9%. Le PIB a accru de 30%, le patrimoine énergétique de 60 ! Vous avez tracé 3 000 km de route et bâti pas moins de 12 universités !
C’est pour toutes ces belles raisons que vous devez partir, maintenant, tout de suite, sans aucune hésitation ! Partez par la grande porte, partez la tête haute, partez sous nos applaudissements. Toute alternative serait nuisible et pour votre bilan et pour votre réputation et pour votre pays ! Seuls vos ennemis, c’est-à-dire les opportunistes et les démagogues vous conseilleront de rester.
Nous n’avons pas faim que d’attiéké, nous avons aussi faim de liberté et de dignité, Monsieur Ouattara. Nous avons besoin de modèle, nous avons un besoin fou de mimer et d’admirer. Ne faites pas comme Alpha Condé, Monsieur Ouattara, vous valez mieux que ça ! Faites comme Mandela : Soyez exceptionnel !
Tierno Monénembo