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Sommet de la Cedeao sur le Mali : la junte militaire en opération séduction chez Roch et Issoufou

A la veille du second sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO sur le Mali qui se tient ce vendredi 28 août, la junte militaire au pouvoir à Bamako a envoyé discrètement des émissaires à Ouagadougou et à Niamey. Conduite par le vice-président de la junte, le colonel Malick Diaw, la délégation s’est entretenue avec les présidents Roch Kaboré et Issoufou Mahamadou. Objectif, plaider leur cause pour une levée des sanctions imposées par l’organisation régionale au Mali et négocier les termes d’une transition dirigée idéalement par le CNSP.

C’est dans la plus grande discrétion que les émissaires du Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) ont effectué une double mission ce jeudi 27 août à Ouagadougou et à Niamey, à la veille d’un sommet décisif des chefs d’Etat de la CEDEAO sur la situation au Mali. Une discrétion qui se justifie par le contexte car officiellement, l’organisation régionale dénie encore toute légitimité aux « militaires putschistes » qui ont franchi « la ligne rouge », en renversant le 18 août dernier, le président démocratiquement élu Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Cependant, après la mission de haut niveau conduite par le médiateur Goodluck Jonathan, qui a séjourné à Bamako du 22 au 24 août à Bamako, beaucoup de choses ont évolué et la junte militaire ne manque pas de solides arguments pour plaider sa cause en prélude à ce sommet qui va délibérer sur plusieurs aspects de la situation notamment la durée et la nature de la transition qui se dessine mais également de la levée ou au moins de l’allègement des sanctions.

Pas question pour autant pour les deux chefs d’Etat visités de déployer le tapis rouge pour la délégation de la junte conduite par son numéro 2, le colonel Malick Diaw,  accompagné selon plusieurs sources du porte-parole du CNSP, le colonel-major Ismaël Wagué, ainsi que de plusieurs autres officiers membres. On comprend pourquoi aucun aspect officiel de la visite ainsi que des entretiens n’a filtré aussi bien au Palais de Kosyam  à Ouaga qu’au Palais présidentiel de Niamey. Les émissaires de la junte militaire, qui ont voyagé à bord du Boeing présidentiel malien , ont bel et bien été reçu pendant des heures, d’abord dans la matinée par le président burkinabé Roch Marc Chritian Kaboré, et ensuite dans la soirée par son homologue nigérien Issoufou Mahamadou, avant de regagner Bamako en début de soirée.

Les président Roch et Issoufou : les raisons d’un choix

Le choix des deux chefs d’Etat par la junte n’est assurément pas fortuit bien que d’office,  Issoufou et Roch condamnent par principe le coup de force et plaident également pour le retour à l’ordre constitutionnel au même titre que leurs autres homologues de la région.  Pour la junte, on peut croire que les enjeux sont pourtant ailleurs et c’est ce qui a certainement orienté, à défaut de justifier, le choix de Ouaga et Niamey comme destination prioritaire pour les émissaires du CNSP. D’une part, il s’agit des présidents de deux pays voisins du Mali, membres également du G5 Sahel et donc partenaires dans la lutte contre le terrorisme (par conséquent pressés. d’avoir des interlocuteurs à Bamako, le Mali étant l’épicentre de la crise sécuritaire au Sahel), et d’autre part, les deux chefs d’Etat peuvent servir de porte-voix du CNSP. Le président Issoufou Mahamadou en tant que président en exercice de la CEDEAO a une voix prépondérante au sein de la Conférence puisque c’est lui qui plante d’abord le décor et ensuite c’est à lui de suivre l’évolution de la situation et d’en faire le rapport à ses pairs sur la base de ses appréciations. Quant à Roch Kaboré, il a fait ce qui, pour la junte, est faire preuve de bon sens lors du premier sommet du jeudi 20 août dernier. Contrairement à l’ivoirien Ouattara, au nigérian Buhari ou au guinéen Condé, il n’a pas été du clan des partisans de la manière forte. Le président du Faso s’est plutôt rangé du coté du béninois Talon et du sénégalais Sall pour demander un assouplissement de certaines sanctions en tenant compte de certains impératifs, notamment humanitaire,  et une évaluation progressive de la situation en fonction de son évolution. Tout au plus, le président Roch Kaboré a estimé que la mesure urgente, c’est la libération de l’ancien président IBK ainsi que des d’autres détenus. Les militaires au pouvoir au Mali ont donc bien choisi leurs premiers interlocuteurs au sein des 14 présidents qui vont décider de leur sort en ciblant le chef de file à qui revient le dernier mot (Issoufou Mahamadou) ainsi qu’une oreille attentive qui plus est, fait preuve de compréhension (Roch Kaboré).

Des arguments solides pour que la CEDEAO lâche un peu du lest

Les émissaires de la CEDEAO ont été reçus et écoutés et c’est un bon point pour la junte qui va suivre le sommet de ce vendredi avec plus d’appréhensions positives que celui du jeudi 20 août passé. Cette fois, elle peut compter sur des arguments assez solides qui jouent en sa faveur. La première exigence des chefs d’Etat, la libération de l’ancien président IBK et de ses compagnons d’infortune est presque satisfaite ou en voie de l’être puisque l’ancien chef d’Etat a déjà regagné sa résidence de Sebenikoro à Bamako, depuis hier, comme promis à la mission de médiation de la CEDEAO. Pour les autres, c’est « en  raison de leur propre sécurité », se défend la junte. Ce qui pour certains, notamment les hauts gradés de l’armée, cela peut bien s’expliquer.  La deuxième exigence, le rétablissement du président IBK, n’est plus à l’ordre du jour puisque selon ce que le chef de l’Etat déchu a lui-même confié à la mission de la CEDEAO, il n’envisage pas un retour aux affaires.

Le retour à l’ordre constitutionnel que plaide la CEDEAO,  soutenue en cela par la communauté internationale, passe donc inévitablement par une transition qu’il ne reste qu’à définir la nature et les contours. C’est ce que les chefs d’Etat vont décider ce vendredi en s’appuyant sur le rapport que leur soumettra le médiateur mandaté, le président Goodluck Jonathan, qui s’est déjà montré assez optimiste sur « une solution qui va satisfaire tout le monde ». Dans ses propositions, la junte a mis sur la table une transition de 3 ans qui couvre donc le reste du mandat du président renversé et qui sera dirigé par un militaire, le président du CNSP le colonel Assimi Goita, ainsi qu’un gouvernement dirigé par un premier ministre de consensus et composé de technocrates et de civils. La médiation de la CEDEAO planche plutôt sur une transition dirigée par un civil ou un militaire à la retraite et pour une durée de 7 à 12 mois selon les explications du ministre nigérien des Affaires étrangères et membre de la mission, Kalla Ankourao. La présidence nigériane a d’ailleurs fait savoir, hier jeudi, qu’elle est disposée à accepter un délai d’une année pour la transition, ce qui confirme que depuis le « Sommet des sanctions » de la semaine passée, les lignes ont vraiment bougé en faveur de la junte.

Bien évidemment, le CNSP sait qu’il doit encore faire des concessions sans égratigner le capital de sympathie qu’il a acquis auprès d’une large partie de l’opinion malienne et même de la sous-région. En envoyant ses émissaires chez les présidents Issoufou et Roch, elle ne fait qu’avancer ses pions après avoir fait preuve de bonne foi. De quoi pousser la CEDEAO, qui a d’autres dossiers à gérer, à lâcher du lest en allégeant, pour commencer, les sanctions qui commencent à peser sur le pays. Et surtout pour la junte qui est désormais installée au pouvoir avec tout ce qui va avec, c’est à dire la lourde charge d’assurer les charges de l’Etat dans un contexte des plus particulier : des défis multidimensionnels et des attentes socioéconomiques sans l’appui des bailleurs de fonds et autres partenaires internationaux. Pour le CNSP, l’enjeu est de solliciter la bienveillance de la CEDEAO pour la réussite de la transition. Des conclusions qui seront issues du sommet de ce vendredi, on saura si l’opération de séduction chez Roch et Issoufou a vraiment pris et porté ses fruits !

Source : ActuNiger.com

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