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Tribune de Koutoubou Sanoh : « Le pouvoir public devrait majestueusement accepter de reporter le double scrutin »

A 48 heures du double scrutin et des manifestations, et si on donnait une dernière chance à la paix ! Je suis profondément écœuré par cette crise qui secoue notre chère patrie depuis six mois.

Je suis intensément scandalisé par le refus catégorique de nos formations politiques et sociales opposées à toute forme de dialogue constructif et responsable, afin de régler leurs différends.

Je n’ai jamais cru que la paix et la stabilité pourraient être, à ce point, sous-estimées et menacées dans notre pays, après des années dures de lutte et de sacrifice pour le rayonnement de la démocratie et de l’Etat de droit.

Je n’ai nullement pensé que notre don commun, la Guinée, pourrait vivre, six mois durant, dans une tension sans précédent qui s’est soldée banalement par la perte de vies humaines innocentes et la destruction ignoble des biens privés et publics.

Des dizaines de jeunes gens ont été lâchement et cruellement arrachés à notre affection 

Pire, il est inimaginable que les institutions traditionnelles de la République, qui ont l’habitude de résoudre les différentes crises, soient, cette fois-ci, incapables de jouer pleinement leur rôle habituel. A l’évidence, le Médiateur de la République brille aujourd’hui par son absence.

Les coordinations de sages se sont montrées plus divisées, plus partisanes que jamais face aux événements qui ont marqué notre histoire récente.

Les chefs religieux ont été privés de la possibilité de jouer leur rôle de médiation entre les parties. Et pourtant, force est de reconnaître qu’ils avaient tenté de rencontrer le pouvoir public pour contribuer, à leur manière, au dénouement de la crise.

Quant au Conseil Economique et Social, la neutralité négative a pris le dessus. Toute chose qui aurait contribué à l’aggravation de la crise.

Oui, six mois durant, le peuple de Guinée a perdu des vies innocentes et des biens privés et publics d’une valeur considérable.

Des dizaines de jeunes gens ont été lâchement et cruellement arrachés à notre affection. Des femmes au foyer ont été souvent, sauvagement et injustement violentées par des agents incontrôlés de nos services de défense et de sécurité.

Les ennemis infatigables de la République, qui se sont rendus coupables de l’assassinat cruel et du deuil perpétrés de familles, courent dans la nature.

Nos services de renseignements généraux ont, à cette occasion, suffisamment montré leurs limites et leur incapacité notoire à traquer et à mettre hors d’état de nuire les auteurs de ces crimes odieux.

Les deux parties opposées ont lamentablement échoué !

Si la raison d’être de la crise actuelle, est connue de tous, force est de reconnaître que les deux parties opposées ont lamentablement échoué dans leur tentative de convaincre la majorité silencieuse de la population du bien-fondé de leurs démarches.

Chaque partie s’est évertuée sans succès à accuser le camp adverse d’être à la base de la crise.

Apparemment, les pouvoirs publics, forts de leur conviction quant à la nécessité de doter le pays d’une nouvelle constitution, refusent mordicus d’accepter tout dialogue direct ou indirect avec la partie adverse.

Ce refus catégorique de dialogue est justifié par leur rejet de tout compromis qui pourrait les amener à renoncer à leur projet.

Quant aux activistes du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), persuadés, eux aussi, de leur compréhension de la constitution actuelle, ils refusent de se laisser convaincre de cette nécessité et jugent l’idée de la nouvelle constitution non opportune et inacceptable, tout autant que les arguments qui en constituent le fondement. Par conséquent, le FNDC, à son tour, rejette, en bloc, tout dialogue avec les pouvoirs publics.

Or aucune solution à la crise n’est possible en dehors du dialogue. On est dans une impasse motivée dans le refus irrationnel et le rejet inadmissible du principe du dialogue.

Cette attitude des parties est une atteinte grave à notre jeune démocratie. Il faut que les protagonistes, dans l’intérêt supérieur du pays et de ses populations, mettent fin à leur politique du refus et acceptent de se retrouver autour d’une table de dialogue et de négociation avec la volonté de s’acheminer vers une issue favorable de la crise. Il ne saurait exister une autre voie.

La situation actuelle et les comportements étranges et malsains qui les caractérisent sont dommageables pour le bonheur de la société et pour notre développement durable.

Ils expliquent l’incertitude politique et l’insécurité humaine dans lesquelles baigne le pays. C’est faire preuve d’une inconséquence et d’une inconscience manifestes que de vouloir nier l’impact dévastateur de cette crise sur l’économie du pays.

Pire, il faut ne pas avoir le souci de l’avenir de notre chère patrie pour jouer à minimiser l’effet de cette crise sur les relations entre les communautés et les groupes ethniques de notre pays.

Il faut être aveugle pour ne pas appréhender et voir la répercussion catastrophique de cette crise sur l’image de notre pays à l’étranger.

Enfin, nul ne devrait minimiser le coup dur que cette tension pourrait porter au décollage économique pourtant prometteur de notre pays.

Devant les conséquences politiques, économiques et sociales de cette crise, il est du devoir de tout intellectuel et patriote de s’exprimer honnêtement et d’interroger sa conscience.

Il s’agit d’écrire une nouvelle page d’histoire de notre pays. Une page dont la rédaction incombe à tous ses fils conscients.

Il est impératif de participer à la recherche et à la suggestion des solutions pour une sortie rapide et pacifique de la crise. Ce devoir est à la fois patriotique, intellectuel et moral.

C’est notre Guinée qui devrait vaincre !

À cet effet, en tant que fils digne de ce pays, soucieux de son avenir et attaché aux valeurs de vérité, de justice et d’honnêteté, je voudrais m’acquitter dudit devoir en lançant un appel pressant et un cri de cœur aux protagonistes de cette crise, à savoir le pouvoir public et le mouvement civilo-politique afin d’éviter à notre chère patrie de sombrer dans un chaos inutile qui pourrait lui être fatal.

J’ai parlé d’une majorité silencieuse, je me considère comme un membre de cette majorité silencieuse. Cette majorité demande humblement aux protagonistes de privilégier la paix, la cohésion et la stabilité.

Pour cela, il va falloir que chaque camp donne une dernière chance à un dialogue franc, sincère, sans préalable et direct avec la partie adverse.

Le pouvoir public devrait majestueusement accepter de reporter !

En clair, le pouvoir public devrait dignement accepter de reporter la tenue du double scrutin du 22 mars 2020, en vue de sauvegarder la paix, la tranquillité et l’harmonie d’une part, et d’éviter ainsi à la nation le chaos d’autre part.

Cet énième report de ces scrutins fera non seulement plaisir à la majorité silencieuse écrasante du peuple de Guinée, mais aussi sera apprécié et applaudi par la quasi-totalité des partenaires techniques et financiers de la Guinée particulièrement les régionaux et les sous régionaux parmi eux.

Il confirmera véritablement la maturité du pouvoir public, son engagement olympien et sans faille pour l’unité, la concorde et la quiétude dans nos cités.

Oui, ce report fera échouer piteusement l’ambition inavouée d’un groupe d’individus insensibles, mus par leurs seuls intérêts personnels et égoïstes.

Il réaffirmera indiscutablement l’esprit de grandeur et de responsabilité du pouvoir public devant la pression inexplicable et l’agitation immorale de la minorité excitée et égoïste, dont les agissements aveugles pourraient plonger notre pays dans des affrontements inutiles.

Incontestablement, les vrais militants et les sympathisants intègres et sincères du Parti au pouvoir apprécieront à sa juste valeur ce Report qui confirmerait le slogan et le comportement historique de leur champion au lendemain de la déclaration des résultats de la présidentielle en 1993.

‘’Je ne suis pas venu pour gouverner des cimetières’’.

Enfin, ce report sera une illustration parfaite de l’amour et du patriotisme des gouvernants actuels pour la Guinée et les Guinéens.

Nous croyons absolument que le pouvoir public devrait se faire violence pour surpasser son ego et son orgueil. Car, il reste et demeure moralement et socialement responsable de l’avenir du pays, un avenir qu’il ne voudrait compromettre à aucun prix.

 Ces individus agités et excités !

Pour ce faire, le pouvoir public devrait catégoriquement rejeter les agissements et les excitations des opportunistes et des extrémistes de tous bords.

Ces êtres sont, en réalité, les premiers ennemis du pouvoir public. Ils ne s’intéressent à rien qu’à leur intérêt égoïste. Ils feront tout pour empêcher toute démarche visant à dénouer cette crise à travers un dialogue respectueux et responsable.

A l’évidence, ces individus agités et excités ne cesseront jamais d’évoquer, malicieusement, le slogan de tout le temps, le respect de la souveraineté.

Ces âmes n’hésiteront pas de traiter de lâches et de poltrons tous les promoteurs et défenseurs de l’apaisement et de la cohésion nationale.

Bref, le pouvoir public devrait savoir que les amateurs de la violence, les friands d’affrontements et dévastateurs constituent une minorité dans la société guinéenne. Fort heureusement, ils n’ont aucune base sociale ou morale qui les soutient.

Toute chose qui devrait amener le pouvoir public à ignorer leurs propos incendiaires, et leurs raisonnements irresponsables et irrationnels.

Certainement, la majorité écrasante de la population a été et demeure toujours pour le dialogue entre les parties opposées et pour l’entente entre les communautés et les différentes formations politiques et les entités sociales du pays.

Cette majorité silencieuse est, aujourd’hui, très inquiète et perplexe quant aux conséquences néfastes de l’absence inacceptable du dialogue depuis six mois environ.

 Aucun sujet de la vie ne pourrait être au-dessus du débat !

Quant aux activistes du FNDC, il est de leur devoir patriotique et de leur responsabilité historique de privilégier, à leur tour, la paix, la cohésion et la stabilité.

Ceci dit, ils devraient accepter, sans condition, le dialogue avec le pouvoir public autour de leurs revendications dont la nature doit refléter les préoccupations économiques et sociales des populations, sans exclusive.

Le FNDC devrait aussi, bien sûr, être ouvert au dialogue sur d’autres sujets touchant les institutions et l’avenir de la nation sans exclusion.

Aussi, le FNDC devrait adopter une attitude positive, cultiver et accepter de surseoir aux manifestations récurrentes et douloureuses pour le peuple, en vue de donner une chance au dialogue et à la concertation.

Il serait responsable de sa part de revenir sur son refus catégorique d’engager des débats autour de la constitution. Aucun sujet touchant la vie de la nation ne devrait être récusé, car même les lois divines sont susceptibles d’être débattues pour montrer leur pertinence. C’est dire que toute œuvre humaine de quelque nature qu’elle soit, pourrait être débattue.

Manifestement, aller au dialogue n’est pas synonyme de changement ou d’abandon de sa position, mais c’est un moyen de vider les différends et d’atténuer les oppositions.

Au-delà du repos de ses manifestations, le FNDC devrait renoncer aux propos injurieux et irrespectueux envers l’institution de la présidence de la République. Et pour cause, tout citoyen est ténu de respecter fondamentalement les institutions de la République, particulièrement, le premier magistrat et père de la nation. Cette institution est moralement et légalement inviolable et sacrée.

Par conséquent, elle ne devrait pas être insultée quelles que soient les divergences et les points de vue sur des questions relatives à l’interprétation de la loi.

Seul le dialogue, rien que le dialogue !

Le FNDC devrait identiquement barrer la route aux opportunistes et extrémistes qui veulent mettre à profit ses revendications pour régler leurs problèmes personnels avec le pouvoir public. L’objectivité et la sérénité de cette démarche voudraient que l’on œuvre conséquemment à trouver une solution idoine à cette crise devenue, malheureusement, très complexe et profonde.

Aujourd’hui, il n’y a aucun doute que la majorité silencieuse du vaillant peuple de Guinée souhaiterait ardemment voir la Guinée sortir vainqueur de cette crise par l’acceptation des deux parties de revenir incessamment autour de la table d’un dialogue sans préalable ni condition.

La victoire de la Guinée devrait reposer sur les valeurs fondamentales suivantes : la préservation de la cohésion, de la quiétude, le maintien de la paix et de la stabilité.

Seul le dialogue pourrait garantir le retour de la quiétude et de la tranquillité dans nos cités.

Le perdant de cette dangereuse crise serait la partie qui refuserait le dialogue directement ou indirectement. Et le vainqueur serait la partie qui accepterait le dialogue sans condition ou préalable.

« Je préfère reporter voire annuler un scrutin ou une manifestation pour sauver une seule vie humaine »

Naturellement, il n’est jamais trop tard pour sauver les vies innocentes, et protéger les biens privés et publics.

Aussi, il n’est jamais trop tard de revenir sur une décision antérieure en vue de préserver et de maintenir la paix.

Les lois de la République autorisent au premier magistrat et père de la nation à le faire conséquemment.

Il est souverainement incontestable que la protection d’une seule vie vaut mieux que la tenue d’un scrutin qui pourrait détruire tant de vies et de biens.

À cet égard, espérerons que l’histoire retiendra que le pouvoir public aurait élégamment accepté de reporter la tenue du double scrutin de 2020 plusieurs fois, afin de favoriser l’apaisement et de maintenir la cohésion. Cet acte contribuera, certes, à l’ancrer dans les annales de l’histoire.

Ce nouveau slogan pourra alors être repris par nos enfants : « Je préfère reporter voire annuler un scrutin ou une manifestation pour sauver une seule vie humaine !!! Je préfère, pareillement, sacrifier les agités et les excités pour préserver la paix et maintenir la stabilité dans mon pays ».

 La sédition dort !

Je ne saurais terminer cet appel patriotique et pressant sans rappeler à chacune des parties que selon les écritures saintes, je cite : « Quiconque tue une personne injustement, c’est comme s’il avait tué toute l’humanité. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les gens ensembles.

La sédition dort. Celui qui la réveille sera maudit par Dieu. Autrement dit, la dissension dort, Dieu maudit celui qui la réveille.

Puisse Le Tout Puissant, Le Très Miséricordieux Allah bénir la Guinée et protéger les Guinéens !

Professeur Koutoubou Moustapha SANO

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