Face à l’agitation et au débat en cours dans le pays, le président de la République comme c’est à lui que la constitution octroie le pouvoir d’engager le pays sur les grands sujets nationaux, a décidé de rompre le silence qu’il entretenait sur la question d’une nouvelle loi fondamentale. Et quelle façon plus indiquée qu’un speech à la télévision nationale ?
Il faut d’emblée souligner que ce discours du chef de l’Etat était attendu. Entre la position officielle de son Premier ministre qui affirmait lors de la conférence à l’occasion de l’an 1 de son gouvernement être doublement oui pour la nouvelle constitution et l’ensemble de son gouvernement qu’il a embarqué, et de l’autre côté, la mobilisation des opposants regroupés au sein du FNDC qui soupçonnent le président de se servir d’une nouvelle constitution pour se maintenir au pouvoir au terme de son dernier mandat, le discours présidentiel était le seul à même de définir la suite à donner au projet chéri par son parti le RPG AEC.
Dès lors ce discours n’est que suite logique. Cette parole présidentielle peut se comprendre d’un côté par la volonté du chef de l’Etat de continuer dans sa logique d’écouter le peuple dans son entièreté sans se dévoiler, de comprendre que le sujet polarise l’opinion, et de l’autre côté, il faut dire que la voix des opposants est entendue par Sékhoutoureya, et c’est peu le dire.
La concertation, cette voie de la raison
Dire que depuis l’apparition de l’idée de doter la Guinée d’une nouvelle constitution reflétant ses préoccupations actuelles selon ses promoteurs, divise l’opinion et la classe politique, est un euphémisme. Le chef de l’Etat en affirmant qu’il ne l’appartient de trancher sur la question de la constitution en indiquant charger son Premier ministre « d’initier des consultations avec les institutions de la République, les partis politiques, les syndicats, les organisations de la société civile pour recueillir les avis des uns et des autres dans un échange ouvert sur les différentes questions pour que le débat porte sur les arguments et les recommandations. Tout sujet peut être discuté dans une démocratie. » comprend donc la nécessité d’engager un dialogue afin d’éviter au pays des lendemains sombres et difficiles, d’autant plus qu’il a commencé son discours en égrenant les acquis de sa gouvernance notamment dans les domaines de l’agriculture, de la gouvernance économique, la réforme des forces de défense et de sécurité, l’énergie pour ne citer que ceux-ci. C’est une façon de dire qu’il faut dialoguer pour éviter la destruction de ces acquis dans une crise dont les prémices sont déjà visibles, ce qui serait un perpétuel recommencement pour notre pays déjà éprouvé par son histoire.
C’est donc une façon de suivre toujours sa prise de parole laconique prononcée à Kindia il y a quelques mois en affirmant être à « l’écoute du peuple ».
Il y a donc une certaine cohérence dans la parole présidentielle et surtout la volonté de se mettre au-dessus de la mêlée, en un mot prendre le manteau du père de la nation qui écoute tout le monde.
Un discours teinté d’histoire personnelle comme un rappel de la division sur un sujet sensible
L’autre chose à retenir du discours du président de la République est la forte personnalisation de son discours matérialisée par un rappel de son passé, de son parcours politique somme toute riche et assez tumultueux. D’où la présence des expressions comme « tout au long de ma vie », « j’appartiens à une génération », la présence du pronom ‘’je’’ ou de la possession ‘’mon’’ sont autant d’élément qui démontre une certaine volonté chez le président de s’appuyer sur son expérience pour inviter les guinéens au débat, à la concertation. C’est aussi comprendre à travers là que le sujet de la constitution intéresse les guinéens et qu’à ce titre les opinions se trouvent partagée.
Enfin, cette personnalisation de son discours c’est aussi pour dire que lui Alpha Condé n’a pas peur du combat politique, c’est d’ailleurs ce qui a fait sa réputation. C’est un message adressé à ses opposants pour dire que dans la lutte politique son expérience est son atout principal.
La concertation comme preuve de la détermination des opposants
Le chef de l’Etat en chargeant son Premier ministre de conduire une consultation inclusive autour de la constitution accepte d’une certaine manière de composer avec ses opposants regroupés au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). On peut comprendre que la mobilisation du FNDC a payé et que les voix qui sont opposées à l’idée d’une nouvelle constitution et par ricochet au 3e mandat sont aussi prises en compte.
La concertation est un très bon instrument, si elle est inclusive, de vivification de la démocratie, afin d’éviter les frustrations et ainsi les lendemains incertains, et c’est cette voie là que le président de la république a emprunté. Il faut s’en féliciter. C’est la Guinée qui gagne et c’est la démocratie qui en sort honorée d’où les expressions « le peuple a toujours raison et que nul ne peut aller à l’encontre de sa volonté et de ses aspirations profondes : c’est ma conviction de tous les temps. » et « personne n’a le pouvoir ou le droit de se substituer au peuple et ne dispose de toute l’autorité pour parler, agir, décider en son nom et à sa place. » et c’est un bel éloge à la démocratie participative qu’il fait.
Par Alexandre Naïny BERETE, étudiant en Master 2 de Droit, diplômé de Sciences Politiques.