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Tunisie : le Code électoral polémique adopté à l’Assemblée

Après une première tentative avortée la semaine dernière, l’exécutif tunisien est parvenu à faire adopter une série d’amendements du Code électoral jugés contestables par une partie de la classe politique et de la société civile tunisienne.

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté une série d’amendements au Code électoral, dont plusieurs ont fait polémique, lors de sa session plénière de ce mardi 18 juin. Le texte, adopté par 122 voix « pour », sur les 170 présents pour les 217 députés que compte l’ARP, entérine une série de modifications qui ont fait largement débat.

Un seuil de représentativité a notamment été instauré pour les législatives et la présidentielle. Fixé à 3% dans l’amendement voté ce mardi, là où la commission parlementaire avait proposé de le fixer à 5%, ce seuil fixe le niveau au-dessous duquel une liste se voit exclue de la répartition des sièges au Parlement. Si le seuil des 3% avait été appliqué lors des municipales de mai 2018, il est une nouveauté pour les scrutins nationaux.

Le nouveau texte prévoit également d’écarter les candidats qui, au cours des douze mois précédent le scrutin, ont assuré des postes de direction dans des médias ou des associations, au motif qu’ils auraient bénéficié par ce biais d’une publicité considérée comme politique. Un amendement taillé sur mesure pour exclure les favoris des derniers sondages : Nabil Karoui et Olfa Terras.

Autre amendement adopté, qui avait fait polémique, celui qui stipule que « ceux qui critiquent la révolution », « regrettent l’ère Ben Ali » ou « appellent à la haine ». Celui-là vise Abir Moussi, benaliste convaincue. L’amendement visant à moraliser la vie politique, en interdisant le « nomadisme parlementaire » lors de la prochaine législature a, en revanche, été rejeté par les députés.

Négociations et marchandages

Sous la coupole du Bardo, il semblait évident que les négociations et marchandages avaient été menés tambour battant pour arracher ce résultat. Les tentatives de la députée Samia Abbou (Courant démocratique) d’obtenir une discussion avant le vote ont été vaines. D’autres députés se sont indignés de ce que le projet leur soit parvenu en début de séance sans avoir  été soumis objet de discussion au préalable. « Si le texte ne vous convient pas, vous pouvez appuyer sur le bouton rouge », leur a rétorqué le vice-président de l’Assemblée, Abdelfatah Mourou.

Pour l’ancien ministre de la Justice Mohamed Salah Ben Aïssa, « les résultats sont contestables ».  Le constitutionnaliste cite notamment des recours possibles et plaidé pour obtenir l’avis de la Cour constitutionnelle, même si elle n’est que temporaire. « Ce n’est pas fini ! », a prévenu en écho le député indépendant Mondher Belhaj Ali.

Pour être validée, la loi doit en effet encore être signée par le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Elle doit aussi être appliquée par l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), dont le président, Nabil Baffoun, avait estimé que ces modifications du code électoral étaient « inappropriées » et que la nouvelle loi risquait de provoquer un report des élections. Une crainte que partagent également l’UGTT (principale centrale syndicale) et l’Utica, qui représente le patronat. Des constitutionnalistes ont par ailleurs pointé le fait que cette nouvelle loi entrait en contradiction avec l’article 74 de la Constitution, qui prévoit explicitement les conditions requises pour les candidats au poste de Chef de l’État.

Réactions internationales

L’âpre débat a même débordé les frontières tunisiennes. L’Union européenne a fait par de sa position de soutien à l’Assemblée des représentant du peuple, tant que celle-ci « agit conformément à la Constitution ». Selon des sources diplomatiques européennes, la question doit être abordée par le Conseil européen, qui se réunit les 20 et 21 juin à Bruxelles. Donald Bloome, ambassadeur des États-Unis en Tunisie, s’est également élevé contre le vote de ces amendements. Par ailleurs, le député des Français de l’étranger de la 9e circonscription, M’jid El Guerrab (LRM, parti d’Emmanuel Macron), a déposé une question écrite à l’adresse du ministre français des Affaires étrangères à qui il réclame « la position de la France vis-à-vis de ces projets d’amendements ».

Outre ces inquiétudes, le vote de ce mardi à l’ARP met également en lumière la nouvelle alliance entre Tahya Tounes, parti du Chef de gouvernement Youssef Chahed, et Ennahda, qui se nouera après les élections, mais est déjà çà l’œuvre dans l’hémicycle. Une configuration que les Tunisiens connaissent d’autant plus que Tahya Tounes est lui-même un parti dérivé de Nida Tounes qui, après avoir remporté les précédentes législatives, avait noué une alliance avec Ennahdha.

Une alliance qui peut avoir un impact fort sur l’image internationale de la Tunisie. D’autant plus que des députés d’Ennahdha, qui nie toute proximité avec les Frères Musulmans, ont récité la fatiha en mémoire de Mohamed Morsi, l’ex-président égyptien décédé la veille, dont ils ont fait l’éloge. Un acte qui a clivé au sein de l’Assemblée, et qui ne devrait pas être sans conséquence sur les relations diplomatiques tunisiennes.

JeuneAfrique        

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