Les conséquences de la corruption ne sont plus à rappeler : elle affecte la mobilisation des recettes de l’Etat, elle détourne de leurs destinations les aides au développement, elle affecte les dépenses d’investissement, elle renforce les inégalités et la pauvreté, elle entrave le développement.
Dans les pays les plus sérieux, la coopération entre les instances de lutte contre la corruption, le gouvernement et les médias est sollicitée et entretenue. Les lanceurs d’alerte, les journalistes d’investigation, les journalistes qui révèlent les faits de corruption sont protégés par la loi. Aussi contre les représailles des mafiosos.
Alors que le Président de la République, qui n’a jamais puni un fait de corruption même révélé pendant ses deux premiers mandats, promet la lutte contre l’impunité , son Premier ministre, la chasse aux sorcières, des journalistes qui ont révélé et commenté une affaire de détournement de 200 milliards de francs guinéens dont l’autrice serait la Ministre de la Formation Professionnelle et de l’Enseignement Technique sont poursuivis en justice pour diffamation. Le gouvernement dans un communiqué aussi absurde qu’expéditif a dénoncé la presse de la calomnie, la presse des égouts et des commérages. Sans procéder à aucune enquête, il a, à travers ses membres, réitéré son soutien à sa collègue mise en cause.
Alors que le Tribunal de Kaloum a annoncé l’ouverture d’une enquête, il devient inconcevable que la mise en cause porte plainte pour diffamation. Est-elle blanchie par l’enquête qui n’a pas encore eu lieu ? Ne devrait-elle pas attendre la fin de l’enquête pour porter une quelconque plainte contre ceux qu’elle considère comme détracteurs ? Pour le moment, le soupçon qui pèse sur elle n’est pas levé. Elle n’est pas encore quitte bien que la présomption d’innocence soit de mise. Peut-on parler de diffamation alors que les faits qui lui sont reprochés par la presse ne sont infirmés par l’enquête ?
Il est évident que cette plainte vise à museler, à faire taire ceux qui, par les actes tendent à promouvoir la rédévabilité (accountability) et la transparence. Le musèlement de la presse ne marchera pas. Madame la Ministre doit retirer sa plainte et d’attendre la fin de l’enquête. Et là aussi, il faut douter de tout et même des conclusions de l’enquête à ouvrir dès lors que le gouvernement a nié les faits allégués par la presse et les a rejetés, dès lors que la Ministre veut museler ceux qui lui reprochent une mauvaise gestion des deniers publics. Ceux qui veulent mettre notre pays en coupe réglée doivent bien s’aviser qu’ils risquent d’écourter les jours au palais de leur bienfaiteur qu’ils prennent pour l’acquéreur de la Guinée.
Il y a quelques temps, la vénalité de certains ministres était évoquée par certains médias et les réseaux sociaux s’étaient ligués contre eux. Seuls, ils se sont défendus. Le gouvernement n’avait pas alors réagi. Que suppose son rejet des allégations de certains médias et son soutien à l’un de ses membres de tout soupçon de détournement ?
On l’aura compris, tous les ministres n’ont pas droit à la solidarité et ne se valent pas. Une certaine ministre est défendue. Alors qu’a-t-elle de si particulier ? Le gouvernement devrait ouvrir une enquête. Il ne l’a pas fait. Son empressement à évacuer cette affaire a aggravé les soupçons et a amené à croire qu’il s’est passé des choses qu’il voudrait couvrir à coups de communiqué et de menaces. Cette autre plainte rassure qu’il s’est passé quelque chose. Oui, il s’est passé quelque chose. Maintenant, la démission de Madame la Ministre doit être exigée. Ce qui se passe est indigne de la République qu’on traîne depuis plus de dix ans dans la boue. L’omerta est la règle dans la mafia. Notre gouvernement est-il celui des mafieux ? Les resquilleurs qui ont fait main baisse sur les ressources du pays, qui pressurent les Guinéens doivent aller en prison, ils doivent être déchus. Ceux qui les dénoncent ne méritent pas les menaces, les cabales.
On le sait, c’est toujours comme ça, que la corruption va avec l’absence de transparence et les pouvoirs discrétionnaires. Quand un gouvernement nie une dénonciation aussi grave que celle commentée partout en Guinée, on en déduit qu’il n’a pas le souci de la transparence. Ses membres sont-ils exempts de reproches ? Aussi, on sait qu’une telle somme- 200 milliards de francs guinéens- ne pourrait être détournée par une seule personne. Il y aurait donc mutualisme de la corruption et un montage financier carabiné. On veut que cela ne soit pas démasqué. Hélas, la vérité éclatera à la figure des faussaires.
Derrière la mise en cause se cacheraient d’autres ministres. Derrière eux tous, est celui qui les nomme, promeut et protège : celui qui a dit vouloir lutter contre l’impunité. Professeur Alpha Condé en vous accommodant de cette situation, vous promettez la corruption et devenez le parrain des corrompus.
Ibrahima SANOH
Citoyen guinéen