Vers la fin du dernier trimestre de 2019, une maladie virale a éclaté dans la ville chinoise de Wuhan. Le monde entier croyait qu’elle se limiterait là. C’était oublié que nous vivons dans un monde où les pays ont les frontières poreuses. Aujourd’hui, les capitaux circulent très rapidement et leurs volumes de transactions journalières sur les différents marchés des capitaux ou de changes s’élèvent à des milliards. La mobilité des personnes est facilitée en raison du progrès technologique et l’innovation ; les distances entre les pays sont raccourcies. Ces réalités devaient permettre de comprendre que la maladie qui s’était déclenchée en Chine pouvait arriver en Occident et aussi en Afrique et ailleurs. La maladie ne se meut pas, se sont les hommes qui sont en mouvement.
Quelques mois après, le mal, dit « chinois », est devenu mondial. Pourtant, les grands centres de recherches et de perspectives n’avaient pas suffisamment alerté les dirigeants. Ils ont été, les décideurs avec, pris au dépourvu. Comment pouvaient-ils bien s’y prendre alors qu’ils minimisaient la portée de la maladie ? Alors qu’ils étaient impréparés ? Chaque pays, très vite, a mis en place une stratégie de crise et a adopté les mesures qu’il croyait justes.
On ne pouvait pas imaginer que les frontières entre les pays seraient fermées, que la solidarité vers les pays pauvres tant célébrées s’estomperaient et que certains pays dits communistes seraient capables d’apporter leurs expertises médicales aux pays développées , que les grands pays auraient des difficultés à se procurer de matériels chirurgicaux , qu’ils se livreraient au détournement des commandes de masques passées par d’autres pays. Le nouveau coronavirus a mis à nu la fragilité de l’homme dont l’exercice des droits élémentaires a été entravé pendant plusieurs mois dans certains et l’est encore dans d’autres. Le droit à la vie est plus important que celui à la mobilité, réapprend-on. Le confinement a été imposé dans plusieurs pays avec toutes ses conséquences psychologiques. Certains pays n’ont pas pu l’adopter car craignaient de se heurter à une certaine clameur sociale. Ces pays-là ont préféré le couvre-feu au confinement.
Le nouveau coronavirus a engendré une pandémie. Avec la mondialisation, cela veut dire que la crise sanitaire mute et revêt d’autres formes. C’est ainsi qu’elle a conduit à une crise économique qui a engendré un choc d’offre et de demande. C’est inédit. Ce double choc a conduit à la récession de l’économie mondiale, à l’arrêt des activités de production, au chômage, à l’aggravation des déficits budgétaires et du fardeau des dettes. Il a des effets économiques immédiats et différés. L’après COVID-19 sera difficile et sa facture salée pour les pays : les plans de ripostes économiques ne tiennent pas compte de l’incertitude qu’engendre cette crise, ils visent à atténuer les effets d’un mal dont on ignore la durée. Cette crise n’est pas qu’économique ou sanitaire, elle est aussi sociale. Le nouveau coronavirus pour avoir porté un coup dur à l’activité économique des pays a aussi engendré une crise sociale qui a conduit au chômage, aggravé la pauvreté et la précarité. Pour les entreprises, de nouveaux risques et de nouvelles charges sont apparues. Les coûts liés à la réorganisation des activités, à l’adoption des mesures barrières, au gel des investissements, sont devenus de plus en plus importants affectant alors leurs compétitivités et menaçant leurs survies.
La crise engendrée par le nouveau coronavirus passera, mais rien ne sera plus comme avant. Elle conditionnera nos façons de vivre et nos choix. D’aucuns disent que nous sommes les survivants d’une catastrophe qui nous a frôlés et que nous devons devenir plus respectueux de la vie. La crise est-elle finie ? Les leçons à en tirer sont nombreuses. Nous pouvons énumérer :
La promotion de l’économie de la vie
D’emblée, je reprends l’idée-force de Jacques Attali qui est qu’il faut promouvoir l’économie de la vie. Qu’on l’appelle économie positive ou autre chose, l’idée est qu’il faut replacer l’homme au cœur de tout. Pour des raisons de maîtrise des dépenses publiques certains pays n’avaient pas suffisamment de lits d’hospitalisation et manquaient de matériels médicaux. Dans d’autres pays, l’accès aux soins de santé était réservé à quelques privilégiés. Mais quand un mal plus grand frappe, on découvre que la vie est plus importante que le respect des principes d’orthodoxie économique qui veulent que les pays privatisent même la santé.
On ne le dira pas assez, il faudra que les pays investissent plus dans la santé publique. Pour les développés, il s’agira de le faire plus intelligemment à travers l’accroissement des dépenses de recherches fondamentales et appliquées et aussi le décloisonnement de la recherche académique. Les universités et les centres de recherches publiques et même privées doivent pouvoir collaborer sur certains sujets et mener ensemble des recherches. Les pays en développement doivent aussi accroître leurs dépenses de santé publique. Au-delà, ils doivent œuvrer à rendre la santé accessible à tous et améliorer la qualité des services médicaux à travers l’acquisition des matériels médicaux et l’importation de la technologie médicale. Assez de citoyens sont morts dans ces pays en raison des complications liées au nouveau coronavirus et en l’absence de possibilité d’évacuation sanitaire.
La promotion de la production et de la consommation nationales
Avec le nouveau coronavirus le débat sur la relocalisation de la production de certains biens s’est posé dans nombre de pays. La Chine est l’atelier du monde et est en phase de devenir le laboratoire pharmaceutique du monde. Les masques et les matériels chirurgicaux s’achetaient en Chine et tous les pays attendaient d’être servis pas le seul pays. Dans plusieurs pays, en raison des coûts de productions élevés, la production de certains biens est arrêtée et délocalisée dans les pays à main-d’œuvre qualifiée et abordable et où les avantages fiscaux sont considérables. Les théories néolibérales en vue dans le monde suggèrent que les entreprises produisent les biens pour lesquels elles ont des coûts de production plus bas et se spécialisent dans les productions de biens pour lesquels elles ont un avantage comparatif. Cela signifie qu’elles doivent abandonner une certaine production même utile à la préservation des vies. Si tout se mesure à l’aune de la rentabilité financière, l’homme deviendra un esclave et le sort de l’humanité sera scellé. Ainsi, il n’y aura pas de recherche pour la mise au point de vaccins contre certaines maladies en raison des faibles débouchés pour les firmes. Chaque pays devra chercher à protéger sa production dans certains domaines pour la survie de ses membres. Les pays en développement seront toujours sous la menace d’un grand péril s’ils n’entrevoient pas de produire les biens utiles à leurs propres consommations.
L’innovation comme le moteur de la nouvelle croissance mondiale
Les théories de croissance Schumpetériennes l’ont toujours dit : l’innovation est le seul moteur de croissance des économies au-delà de l’état stationnaire. La survenue du nouveau coronavirus a conduit à l’adoption des mesures d’adaptation par les entreprises : télétravail, visioconférence, digitalisation, etc. Dans certains pays, les cours en ligne et à la télévision ont remplacé ceux magistraux. Les écoles de l’avenir seront celles connectées et en ligne où aucun enseignant n’ira plus en classe, car les classes seront virtuelles. Les prochaines usines seront celles où les robots feront l’essentiel du travail grâce à la programmation. Voilà l’avenir du monde !
Avec le nouveau coronavirus, certains pays ont recouru à la technologie pour effectuer des tests massifs, c’est le cas de la Corée du Sud et aussi pour localiser les suspects, cas de plusieurs pays asiatiques. L’usage de la technologie y a permis d’éviter le confinement massif et de réduire les incidences de l’épidémie. Dans les pays en développement, la leçon est que les systèmes éducatifs doivent être résolument orientés vers les sciences techniques. Le transfert technologique n’est plus une nécessité pour les pays en développement, mais une urgence.
L’urgence de la coopération mondiale en matière de recherche en santé publique
La coopération entre pays développés, entre les universités et les centres de recherches des différents à travers le monde permettra la réalisation des synergies opérationnelles qui réduiront les coûts de recherches et aussi l’atteinte des synergies financières qui permettront d’accéder à moindre coût aux financements utiles à la réussite de telles ambitions. N’oublions pas que cela engendrera aussi des synergies managériales tant les paradigmes de recherches sont différents d’un pays à un autre.
Le monde n’est plus qu’un village, quand une maladie contagieuse frappe un pays, elle touchera d’autres. Plus elle grandit autant elle fait des dégâts. Ces réalités doivent conduire les dirigeants du monde à la création d’un fonds de recherche contre les maladies contagieuses afin de créer une coopération scientifique susceptible d’anticiper la survenue de certaines maladies contagieuses.
Ibrahima SANOH
Chargé des cours de Stratégie et de Finance d’Entreprise à l’ISCAE-G,
Consultant en Stratégie et Finance d’Entreprise,
Managing Director de Kapital