C’est avec une immense consternation que j’ai appris le décès du professeur Niane, historien et écrivain de talent, auteur du célèbre ouvrage « Soundjata ou l’épopée mandingue ». En saluant sa mémoire, l’un des souvenirs que je garde de lui me revient constamment.
En effet, moi, j’ai connu l’homme, il y a très longtemps déjà, dans des circonstances particulières. J’étais encore un très jeune élève à l’école primaire du Centre 3 à la Poudrière et lui était de passage à Mamou. Ce matin- là mon maître, monsieur Kanté m’avait fait licencier parce qu’à ses yeux j’avais posé un acte impardonnable.
Aussitôt renvoyé de la classe, je me suis abrité sous la véranda de la bâtisse voisine de peur de rentrer à la maison, redoutant la sévérité de mon père qui tenait à ma réussite à l’école.
Soudain, arrive un bel homme, presque trois fois ma taille, avec un cartable en main, accompagné de madame Fatou Aribot, principale du Collège. Il me demande : que fais-tu ici, jeune homme ? Sans hésitation, je réponds : le Directeur m’a licencié. Il me prend par la main et me reconduit à l’école.
Jusque- là, je ne sais pas qui était ce bienfaiteur. Je le saurais très vite. Dès que mon maître l’a vu, il a lâché : mes respects, monsieur Niane ! Avant de nous conduire dans le bureau du directeur de l’école, monsieur Kouyaté. Ce dernier sans écouter l’éminent visiteur dit : maître Niane, j’ai compris le sens de votre venue, l’élève peut rejoindre sa classe. Il est pardonné.
Au moment de quitter, le professeur Niane prédit : nul d’entre nous ne sait ce que deviendra ce petit, peut-être directeur, peut-être même ministre. Qui sait ? Voici mon souvenir d’enfance.
Et bien sûr, plus tard, comme tous les élèves, je lirai son livre « Soundjata ou l’épopée mandingue ». Je découvre alors l’immense historien et l’écrivain respecté.
Je ne l’ai revu qu’après le changement de régime en 1984. Et ce dans l’émission « École guinéenne » que je co- animais avec Mamadi Condé. Il était l’invité et lorsque j’ai raconté cette histoire en direct, il a coulé des larmes. L’émotion était forte.
Depuis et à chaque fois que je l’ai rencontré, je me suis dit : s’il ne m’avait pas ramené en classe, peut-être que mon parcours aurait été différent et mes chances de réussite dans la vie réduites.
Avec cette disparition, nous perdons l’un des meilleurs intellectuels du Continent. Adieu le grand bienfaiteur, homme de valeur et de pardon ! Repose en paix !
Boubacar Yacine Diallo, écrivain