Quelque chose de nouveau, quelque chose d’exaltant, quelque chose de magique me chatouille les narines. « Il y a de la rumba dans l’air », chantait Alain Souchon. Il y a de la révolution dans l’air, se dit le Guinéen lambda. Rien ne sera plus comme avant.
L’instant est fondateur. Et comme tous les instants fondateurs, l’Histoire plus que l’actualité en mesurera le sens et l’importance. Mais le poète auquel on prête un sens élevé de la prémonition peut déjà percevoir les lueurs du jour tout beau, tout nouveau, qui s’annonce.
La Guinée va changer, radicalement changer. Elle va changer puisque sa société a changé. Le pays d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’hier. De nouvelles générations sont là, je veux dire de nouvelles idées, de nouveaux besoins, de nouvelles forces, de nouvelles ambitions. Mais cela, les pithécanthropes qui nous gouvernent ne peuvent pas le comprendre : il leur aurait fallu sinon un peu plus d’intelligence, du moins, un peu plus de bon sens et de lucidité. Et c’est bien pour cette raison-là, que la tempête qui arrive va les renvoyer dans les méandres boueux de l’Histoire, d’où ils n’auraient jamais dû sortir.
Tant-pis ! Laissons ces tristes sires à leur, triste sort ! Après tout, c’est l’avenir de la Guinée et non celui d’Alpha Condé, de Damaro Camara, de Bantama Sow et consorts, qui nous intéresse.
Et cet avenir est là, à portée de main aussi tentant qu’un diamant posé au milieu du chemin. Encore un effort, encore quelques pas, puis le geste qui sauve et nous en aurons fini avec les marchands de vent et les filous, les despotes et les obscurantistes !
La fondation du FNDC marque une étape cruciale de la longue lutte de notre peuple pour la démocratie. Une nouvelle atmosphère est là qui aiguise la conscience citoyenne. Le repli identitaire (savamment entretenu par le système Alpha Condé !) et les ambitions personnelles reculent. Nos forces politiques ont compris tout l’intérêt qu’elles ont à brasser leurs idées et à coordonner leurs actions. Nous avons gagné en organisation, nous avons gagné en maturité. Les partis politiques, les syndicats, les écrivains, les artistes, la société civile, tous d’un même bond, sans un brin de diversion, sans un iota de discorde !
Il est devenu difficile de nous diviser, il est devenu difficile de nous réprimer. Cela, Alpha Condé qui a un art consommé de diviser et de réprimer les Guinéens le sait bien. D’où sa panique, d’où les réactions infantiles et désordonnés de ses ministres et de ses magistrats, bref de ses menteurs et de ses hommes à tuer. Qu’ils pérorent, qu’ils s’agitent, ces goujats, une lame de fond secoue leur petite mafia, une lame de fond irrépressible contre laquelle ils ne peuvent rien, une lame de fond qui les submergera inéluctablement. Les calomnies et les haines, la répression aveugle et les procès staliniens n’y pourront rien, non plus.
Comme en 1958, le peuple de Guinée s’est mis debout pour dire d’une seule et même voix non à la barbarie ; oui, à la démocratie c’est-à-dire à la justice et aux droits de l’Homme !
Et ils ont un nom, les porte-parole de ce mouvement plein de ferveur et de belles promesses. Ils s’appellent Abdourahamane Sano, Sékou Koundouno, Ibrahima Diallo, Bill de Sam, Badra Koné, Elie Kamano, Mamadou Baïllo Barry, Ibrahima Keïta. Ce sont les fleurs toutes nouvelles du printemps guinéen. La prison ne leur a rien enlevé ni le charme de leurs couleurs ni la pyramide olfactive de leur parfum. Ce sont nos gavroches à nous, les enfants du peuple prêts donner leur sang pour arroser le germe de la Guinée nouvelle. Ce sont nos portent-drapeaux, ce sont nos héros.
Ce sont les plus beaux fils du pays !
Tierno Monénembo, in Le Lynx