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Fête de l’Aïd El fitr dans la tristesse : depuis la prison de Conakry, les mots à nouveau de mon mari pour atténuer mes maux

Hier, jour de la fête de ramadan, pendant que la majorité des musulmans profitaient de ce jour spécial, j’étais allée voir mon cher époux qui est encore détenu illégalement par Monsieur Alpha Condé. De notre concession à la Maison Centrale où il vit depuis plus sept mois, je n’ai jamais cessé de penser à la métamorphose de Monsieur Alpha Condé qui nous avait promis de devenir un homme de paix comme Nelson Mandela, mais qui est aujourd’hui devenu ce dictateur sans pitié qui arête des innocents à cause de leurs opinions.

Dans nos échanges toujours axés sur la situation socio-économique et politique de notre pays, et surtout sur les conséquences actuelles et futures de l’assassinat de notre jeune démocratie sur les conditions de vie des femmes et des jeunes.

D’entrée, mon époux a présenté ses excuses sur les conséquences de son engagement citoyen sur notre foyer. Il a exprimé que c’est bien contre son gré qu’il passe cette deuxième fête de ramadan loin de nous, ses enfants et moi-même. Je lui ai encore réitéré que son combat pour la patrie est et sera toujours soutenu par moi, et que nos enfants aussi comprendront certainement dans le futur que leur père a donné le meilleur de lui-même pour bâtir une Guinée meilleure.

Mon époux m’a aussi dit que sur la base des informations qu’il a reçues, qu’il pense que ce mois de pénitence, comme son nom l’indique d’ailleurs, à été le mois le plus pénitencier pour la femme guinéenne vu les maux et conséquences du troisième mandat illégal sur les populations. Il m’a confirmé qu’il a eu les échos des conséquences néfastes de la mal gouvernance, de la corruption, des détournements flagrants des deniers publics, de l’enrichissement personnel et illicite des cadres véreux sur le développement de notre pays ces dernières décennies. Il me dit qu’il apprend que les cadres véreux et leurs complices du secteur privé continuent à acheter des villas à des millions de dollars pendant que les mamans n’arrivent pas à mettre les marmites sur le feu tous les jours, il me dit qu’il a appris que des voitures coûtant des centaines de millions de nos francs circulent à gogo à Conakry pendant que la majorité n’arrive pas à se soigner. Il fit cas de cette inégalité galopante et arrogante entretenue par ce régime et ses suppôts qui ont soutenu l’assassinat de notre démocratie dans le seul but de maintenir leurs intérêts matériels. Il a aussi fait cas de la mort d’une quinzaine de nos compatriotes dans une mine artisanale d’or de Siguiri. Il m’a signifié sa surprise qu’Alpha Condé ait décrété un deuil national pour le dictateur Idriss Deby, mais qu’il soit resté insensible à la mort de tous ces guinéens à cause de sa mauvaise politique car, dit-il, Si Alpha Condé avait créé des emplois décents pour les populations de Siguiri, ces défunts n’auraient jamais risqué leurs vies.

Par ailleurs, avec étonnement, il m’a demandé si Alpha Condé veut vraiment   augmenter encore le prix du carburant à la pompe ce mois de juin. Avec ce niveau de misère déjà invivable, et les conséquences de la hausse du prix du carburant sur les prix des denrées de première nécessité, il s’est demandé si un leader qui pense à son peuple est capable de prendre une telle décision.

Aussitôt il lève son regard et me demande: dis-moi chérie, est- ce vrai tout ce qu’on dit dans les médias?

Je lui ai dit que ce qu’il a entendu n’est que le reflet de la réalité du guinéen et de la guinéenne. Je lui ai dit que tout est 100% vrai.

Mon cher époux, dis-je, c’est encore la souffrance accompagnée de la cherté de la vie sans précédent que les femmes guinéennes ont vécu pendant le mois de pénitence. Beaucoup ont eu du mal à préparer le matin et le soir pour leurs familles en jeûn. Beaucoup ne savaient pas comment avoir le kilo de viande qui coûtait à 80.000 gnf pour préparer pour leurs nombreux enfants le jour de la fête. Beaucoup avaient oublié les notions d’habit de fête, car quand le ventre est vide, le corps se fidélise aux anciens habits.

Au marché de Madina, Matoto, Kaloum, Dixinn, Siguiri, Lelouma ou Yomou, les femmes continuent de tirer le diable par la queue.

Entre elles, les femmes essaient de trouver une explication à cette réalité qui malmène à petit feu notre quotidien.

En plus des augmentations vertigineuses des prix des denrées de première nécessité dont on avait parlé en début du mois de ramadan, cette fête était arrivée dans un contexte de difficultés économiques sans précédent pour les pères de familles qui n’ont pas pu faire face aux obligations de leurs familles, aux dépenses liées à la fête et, surtout les difficultés liées à leurs quotidiens.

Je lui ai dit que je n’ai jamais vu le guinéen aussi inquiet face à la pauvreté, face à l’incertitude et face au mépris de son gouvernement qui vit dans un luxe éhonté tout en invitant le peuple à continuer à serrer la ceinture.

Je lui ai expliqué aussi la magouille au sein de la fonction publique guinéenne,  démasquée par un certain Jean Pierre Goipogui qui a fait la une de plusieurs radios récemment. Je lui ai dit que pendant que des jeunes diplômés meurent dans les mines de Tatakourou par manque d’emplois, pendant que les jeunes de Kouroussa affrontent les balles de la répression pour accéder à une mine artisanale, les petits cadres véreux prennent des salaires des dizaines de fictifs et inscrivent leurs parents sans éducation à la fonction publique.

Sur ce, mon mari qui était resté longtemps attentif, reprend la parole en ces termes :

Notre pays est malade et vraiment malade de ses élites  malhonnêtes et de cette administration sans conscience, il faut un véritable traitement pour le soigner avant qu’il ne soit trop tard. Le peuple a toujours fait sa part, mais l’élite a toujours trahi.

Il termine en me disant ceci: je sais que c’est difficile pour toi tout ça, pour les enfants, la famille, les proches, mais il faut que mes camarades et moi continuions le combat pour notre pays. Tout ce dont on a besoin ? c’est le soutien moral de nos familles car, tôt ou tard, un château de mensonge s’écroule toujours pendant qu’une petite case de vérité tient encore bon.

Ensemble, luttons pour notre pays comme ça été  toujours d’ailleurs le cas chez nous. Selon le prophète Mohamed, paix et salut sur lui, le patriotisme est une forme d’adoration de Dieu (conclut-il).

Bonne fête aux fidèles musulman-es de Guinée. Courage à toutes ces mamans et tous ces papas qui n’ont pu rien payer pour leus enfants, et surtout à ces millions de jeunes qui dépendent encore de leurs parents contre leur gré. Dieu sera de notre côté, et bientôt inshAllah.

Hawadjan DOUKOURÉ, épouse de Fonikè  Manguë le prisonnier politique personnel d’Alpha CONDÉ

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