Il n’y a que deux armées en Afrique de l’Ouest à n’avoir jamais réalisé un coup d’Etat : celle du Sénégal et celle de la Guinée. La première, à cause de son instruction et de son sens très élevé du civisme. La seconde, à cause de son ignorance, de sa couardise, de son sens très élevé de la fumisterie.
L’armée sénégalaise est un modèle en Afrique. Ses officiers sont tous lettrés. Au pays de Senghor, nul ne peut accéder au grade de général s’il n’est pas d’abord titulaire d’un diplôme universitaire. Déployée aux frontières ou confinée dans les casernes, elle ne participe jamais aux opérations de maintien de l’ordre. Respectueuse de sa hiérarchie, de son peuple et de ses institutions, elle fait exactement ce que doit faire un soldat digne de ce nom : défendre la patrie et protéger le citoyen. Exactement le contraire de notre armée, à nous !
Au juste, à quoi servent nos militaires ou plutôt, nos « militants en uniforme », comme les appelait avec mépris, le sanguinaire, Sékou Touré ? A violer les lycéennes, à briser les côtes des vieilles marchandes de poisson ! A crier des injures à caractère ethnique, à rentrer dans les concessions pour renverser les marmites sur le feu et tirer sur de paisibles citoyens. Exceptionnellement à faire un coup d’Etat contre un cadavre ! Ils sont tellement vaillants soldats, nos gars qu’ils s’assurent d’abord que le président est mort et bien mort avant de sortir les tanks et les chars et d’occuper la radio. A se demander comment ils obtenu leurs grades !
A propos de grades, une terrible anecdote me revient à l’esprit. C’était en 2012, juste après mon retour définitif au pays. Au Centre Emetteur, sous mes yeux effarés, un lieutenant saisit un colonel au collet : « Fils de pute, tu sais toi-même comment tu as obtenu ton galon ! » Le pire, c’est que la foule de badauds que leur mauvais numéro avait attirée, se mit à rire au lieu de pleurer !
Pauvre Guinée !
Partout où l’autoritarisme et la mauvaise gestion ont abouti à l’impasse, dans un sursaut patriotique, de jeunes officiers ont risqué leur vie pour débloquer la situation. Partout, sauf en Guinée. Nos militaires eux, ne risquent jamais leur vie, ils préfèrent risquer celle de leur peuple. C’est moins coûteux, plus brave, plus chevaleresque ! Nos casernes n’abriteront donc jamais un Moussa Traoré, un Kérékou, un Maïnassaré, un Robert Gueï, à plus forte raison, un Rawlings ou un Sankara ! Obéir aveuglément au chef quitte à tuer et à violer leurs compatriotes en pleine journée. Et après s’adonner à leur jeu favori : traficoter de la drogue, des vieux clous et des pneus usés. Il y a militaires et militaires ! Les uns s’illustrent dans les champs de bataille, les autres dans la subordination et dans la médiocrité.
Comment diable, compter sur une armée qui s’est laissé piteusement humilier par Sékou Touré. Ce dernier a imposé son parti dans les casernes (du jamais vu même dans les pays de l’Est !) et a éliminé les meilleurs officiers guinéens sans jamais rencontrer la moindre résistance. Mon dieu, des guerriers de métier qui se prosternent devant le premier petit politicard venu !
Comment respecter une armée qui violé ses propres sœurs en pleine journée ?
Fais attention, à ton armée, Guinéen, c’est de loin, ta pire ennemie ! Pire que la peste et le choléra, pire qu’Ebola, pire que toutes les armées d’invasion réunies !
Tierno Monénembo, in Le Lynx