17 juillet 2021, journée mondiale de la justice pénale internationale.
Commémoration de l’adoption du Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale (CPI). Dès ses débuts en 2002, un climat de tension, qui tend à s’estomper aujourd’hui, s’est instauré entre l’institution et l’Afrique, zone réceptacle de crimes entrant dans la compétence de la CPI. Ainsi, serait-t-il nécessaire de présenter l’institution et les potentialités qu’elle représente dans la lutte contre l’impunité dans ce continent, particulièrement dans notre pays, la Guinée.
La CPI : une juridiction pénale internationale permanente
Tirant les leçons des tribunaux pénaux internationaux ponctuels, limités dans l’espace et le temps et fonctionnant sur la base de leur primauté et les difficultés qu’elle génère, les plénipotentiaires des Etats ont adopté le Statut de Rome le 17 juillet 1998. La CPI est l’unique juridiction pénale permanente de l’histoire de l’humanité. Elle est née des expériences des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo crées le lendemain de la Deuxième guerre mondiale et des Tribunaux pénaux internationaux du Rwanda et de l’Ex-Yougoslavie et surtout des efforts des universitaires, des Ongs et de certains Etats progressistes. Elle est chargée de juger les crimes les plus graves affectant l’humanité : crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crime de génocide et crime d’agression. Organisation internationale fondée sur un traité, les Etats y adhèrent volontairement.
Les potentialités offertes par la CPI dans la lutte contre l’impunité en Afrique
Puisqu’au départ, la plupart des affaires pendantes devant la CPI concernaient l’Afrique, plusieurs voies se sont élevées pour suspecter l’institution d’être seulement dirigée pour réprimer les responsables africains. On a en mémoire la prise de position de l’Union africaine encourageant les Etats africains à dénoncer le Statut de Rome et sortir de l’institution. Cependant, en dépit de son imperfection, avec la diversification des affaires de la CPI touchant d’autres zones du globe et les récents développements dans les affaires concernant le Congo et la Côté d’Ivoire, on se rend compte qu’il s’agit bel et bien d’une institution pénale internationale jugeant à charge et à décharge les crimes internationaux, peu importe la nationalité de ses auteurs. Pour ne pas avoir à faire avec la CPI, il suffit simplement de se garder de commettre les crimes entrant dans sa compétence et lorsque ces crimes sont commis dans le sol d’un Etat africain, qu’ils ne sombrent dans l’impunité.
La justice pénale internationale et Guinée
La Guinée est partie au Statut de Rome depuis le 14 juillet 2003. Les crimes perpétrés le 28 septembre 2009 sont qualifiés de crimes contre l’humanité et entrent dans la compétence de la CPI qui a placé l’affaire sous examen préliminaire en phase 3 (recevabilité). Après instruction et épuisement des voies de recours, le pool des juges d’instruction du Tribunal de Première Instance de Dixinn a renvoyé l’affaire pour être jugée depuis 2017. La responsabilité de juger appartient à la justice guinéenne et à défaut, la CPI demeure compétente. En termes simples, au vu des lenteurs de procédure, nécessaires au début mais inexplicables aujourd’hui, le risque est grand de voir ce dossier devant la juridiction pénale internationale compétente, la CPI. Faudrait-t-il alors, accuser la CPI d’ingérence ou de reconnaitre le manque de volonté du pays à faire face à ses obligations librement consentis en vertu du Statut de Rome ?
Pour terminer, la CPI a encore des beaux jours devant elle tant et aussi longtemps que les crimes graves vont continuer à se perpétrer en toute impunité. Des mécanismes juridictionnels nationaux efficacesréprimant ces derniers dans le cadre du principe de la complémentarité inscrit aux articles 1 et 17 du Statut de Rome donnant priorité aux juridictions nationales constituent le salut.
-Juris Guineensis No 9. Conakry, le 17 juillet 2021
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour