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Mercato médiatique : aux journalistes, ne soyons pas une corporation de rendez-vous manqué

« Il n’y a pas de vent favorable pour un navire qui ne sait pas où il va » dit-on. Depuis les années  90 avec l’avènement du multipartisme politique, jusqu’à nos jours, la presse a joué un rôle prépondérant dans l’ancrage démocratique du  pays.

A l’époque, les journaux ont été suffisamment utilisés comme supports de communications politiques et de forces d’influences. On avait tendance à voir une ‘’opposition de la presse’’. Puisque les médias privés étaient relativement virulents dans la dénonciation du régime, que les opposants eux-mêmes.

Au début des années 2000, l’on a assisté à la libéralisation de l’espace audiovisuel avec à la clé, l’arrivée des radios privées. Désormais, la parole est « libérée ». L’engouement que la naissance des radios privées a suscité, illustre parfaitement ce besoin pressant des Guinéens de s’exprimer, de parler de la gestion de la chose publique, de leurs visions, de leurs mécontentements, …

Les émissions interactives très prisées, ont permis de « décoloniser » le débat politique en Guinée. Si hier, c’étaient seulement les acteurs politiques et les décideurs publics qui paraissaient dans les journaux et sur le petit écran, aujourd’hui, avec ‘’la démocratisation des ondes’’, le citoyen lambda a son mot à dire. Les communicants des partis politiques (mouvance-opposition), de véritables influenceurs,  ne diront pas le contraire. Ils sont pour la plupart, fruits de ces émissions interactives.

Mieux, les radios privées ont fabriquées parfois inconsciemment, des leaders d’opinions. Certains ont eu des promotions (Ministres, directeurs généraux,…). Ils sont  donc, devenus des ‘’grands’’. Ironie du sort, les journalistes, eux, sont restés ‘’petits’’.  Beaucoup de boulots pour un salaire lapidaire ; à la ‘’va t’asseoir’’, dirait-on.

Plus loin, les différentes synergies des médias audiovisuels privés, considérées aujourd’hui comme un outil non négligeable de transparence des élections, ont permis quelque peu, de dissiper les tensions et rassurer les électeurs. On ne saurait être exhaustif sur l’impact multidimensionnel des medias privés en général et les radios en particulier dans le cadre de la liberté d’expression en Guinée.

Mais en réalité, quel est le sort des journalistes ?

Voici des gens qui passent leur temps à parler des problèmes des autres. Alors qu’eux-mêmes, tirent le diable par la queue. Sous-emploi, maltraitance, insécurité sur le terrain, absence de couverture sociale, … Une réalité qui contraste avec l’apparence d’un monde qui bouge. C’est une véritable illusion.

En effet, les premiers artisans de la presse privée à travers les journaux, ont fait ce qu’ils pouvaient. Mais dans la galère. Avec la naissance des radios privées, la même galère s’est transportée dans cette autre famille médiatique. L’euphorie d’une liberté de la parole recouvrée, a eu malheureusement le dessus sur les réalités en termes de traitement des journalistes.

Rien n’a été préalablement défini au bénéfice des professionnels qui animent ces radios. A part quelques exceptions, les patrons de radios privées ont cherché à investir dans les machines en ignorant les hommes. Parfois, ils préfèrent travailler avec des bénévoles juste pour faire tourner la boite. Plutôt que de recourir à des professionnels qui sont souvent exigeants en termes de traitement salarial.

Malgré la floraison des medias, les journalistes restent parmi les plus mal payés dans le secteur privé guinéen. Quel paradoxe ! C’est vrai qu’on nous a souvent dit, que celui qui veut être riche, ne doit pas choisir le métier de journaliste. Pour les partisans cette conception du métier, le journaliste vit avec le luxe. Mais, ne vit dans le luxe. Autrement dit, il côtoie, interroge les grands, (présidents, Ministres, ambassadeurs, investisseurs,…) après tout, il reste un ‘’misérable’’.

Je suis de ceux qui pensent qu’à défaut d’être un richard, il faut vivre dignement de son métier. Ça au moins, c’est possible. Il y a de grands noms de la presse américaine, européenne ou même dans certains pays africains qui sont des magnats sans pourtant perdre leur crédibilité ! Il y a certes, la passion. Mais celle-ci doit rimer avec le minimum. Sinon, le journalisme alimentaire aura encore et malheureusement de beaux jours devant lui. Il faut que ça cesse.

       L’heure de la concurrence, une opportunité à saisir.

L’espoir n’est pas perdu. Au contraire, les mécènes commencent à investir dans le secteur, c’est une opportunité. Si jusque-là, beaucoup de journalistes de la presse privée, touchaient à peine le SMIG (440.000 Gnf), aujourd’hui avec ce nouvel élan, certains sont à mille euro voire plus selon les médias (radios). C’est encourageant. L’émulation doit se faire à deux niveaux :

D’abord, chez les patrons qui doivent miser gros et exiger la qualité. Ce qui amènera les journalistes à mieux se former. Donc, tous les bons journalistes pourront vivre leur passion dans le minimum de confort.

Aux journalistes donc, de garder jalousement l’indépendance, la neutralité, principes sacro-saints du métier. Inutile de rappeler que le journaliste est un interface. Il ne doit pas être coloré au profit d’un camp. Son camp est celui de la vérité fruit de la contradiction. Dans un tel contexte, pas de place pour des patrons de radios gourmands qui investissent dans le matériel et maltraitent les travailleurs. Ils disparaitront tout simplement.

Tous ceux qui ont échoué ailleurs et qui ont trouvé leurs débouchés dans la presse, iront comme ils sont venus.

Si chaque acteur joue son rôle, les lignes ‘’ s’ajusteront incidemment’’.

Par ailleurs, il faut travailler à instaurer et consolider la culture de la publicité chez les opérateurs ou tous les acteurs économiques. Car, elle est la sève nourricière des médias.

Aussi, l’Etat peut revaloriser la subvention qui pourra par exemple être trimestrielle au lieu d’une fois par an. Histoire d’aider les patrons à supporter les charges. Exiger l’instauration de la convention collective.

Vive la concurrence. Pour que vive une presse libre et épanouie.

 

Boubacar Koyla DIALLO : journaliste à la Radio Parlementaire 107.5 FM

Tél. : 656 25 37 63

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